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05/01/2010

Le dernier voyage

"Un bateau à quai, c'est une pendule arrêtée, disait-il souvent."

Le dernier voyage , celui de Raymond , marinier veuf et solitaire qui décide de relever le défi d'une livraison importante avec son vieux trente-trois mètres rutilant,  le Gueule d'amour. Steve et son Hollywwod (!) dernier cri vont tenter d 'arriver avant lui en Arles, n'hésitant pas à user de moyens peu ragoûtants pour venir à bout du vieux marinier orgueilleux.519hp3MymML._SL500_AA240_.jpg
Deux générations, deux conceptions totalement différentes d'un même métier ou plutôt d'un métier qui a évolué et semble avoir perdu toute la poésie et la saveur qu'y trouvait Raymond: un art de vivre non exempt de souffrances mais riche d'humanité.
Simultanément à ce duel sur l'eau, qui eût cru que ces péniches en apparence si placides pouvaient se métamorphoser en engins furibonds et dangereux, c'est toute l'existence de Raymond qui défile sous nos yeux au gré d'un gros cahier feuilleté ou de retrouvailles souvent pittoresques ,parfois mélancoliques ou au contraire vivifiantes.
Agrippé au macaron (barre à roue) de sa Gueule d'amour Raymond brave les éléments , son ennemi ,son corps vieillissant et finit petit à petit par ôter les oeillères qui ont causé son malheur et celui des siens...
Un roman apparemment simple mais qui recèle une intensité et une puissance inattendues dans un milieu rarement décrit.

Le dernier voyage, Bruno Poissonnier Editions Métailié 2008 (première édition: Dupont& Savin, 2001), 112 pages épiques.

Merci à Cath et à Ch'ti 31 pour cette jolie surprise !

 

 

30/12/2009

Opale

"J'encaissais la gnôle aussi bien que Fantômette."

Parce qu'il aime photographier la pluie, l'orage, Robin Mésange, va soudain se retrouver à enquêter sur le suicide-ou présumé tel - d'un homme qui vient de se jeter du cap Blanc-Nez  sous ses yeux.41rhYvy7AiL._SL500_AA240_.jpg
Journaliste dans une feuille de chou locale dotée de plus d'ambition que de lecteurs, le jeune homme va s'improviser détective. Un détective qui carbure au Yop et aux pépitos et qui vit dans le même immeuble que sa nourrice, pour élucider une affaire qui va très vite se révéler plus sordide que ne le laissait présumer cette atmosphère bon enfant.
Le récit file à toute allure, plein d'humour et de métaphores-pas toujours de très bon goût- mais il sera beaucoup pardonné-y compris les fautes de français et les approximations animalières-à ce premier roman qui a su décrire avec acuité les ciels changeants du Pas -de -Calais et possède un vrai ton. Des personnages attachants qu'on a déjà envie de retrouver ,des rebondissements en cascade, mais un dénouement qui pêche un peu en crédibilité. D'aucunes ont évoqué le Pennac de Mallaussène, je n'irai pas jusque là mais Opale constitue un excellent moment de détente , y compris pour ceux qui ne sont pas férus de polars.

Opale, Stéphane Lefebvre, Editions Les nouveaux auteurs, 629 pages  qui ont la pêche !

A obtenu le prix VSD du polar en 2009.

Emprunté à la médiathèque.

Sandrine l'a aimé aussi.

 

23/12/2009

Au pays des vermeilles

"On dirait une abeille qui sent que le soleil décline."

De Noëlle Châtelet, j'avais beaucoup aimé tous les ouvrages , essais ou nouvelles traitant de la nourriture. C'est pourquoi, après avoir quelque peu délaissée cette auteure, ai-je décidé de renouer connaissance avec  Au pays des vermeilles, réflexion autobiographique sur le lien qui se construit, étape après étape, entre Noëlle Châtelet et sa première petite-fille, et de manière plus générale sur cette nouvelle étape de je cite "la palette des métamorphoses féminines."41QvK8KMx9L._SL500_AA240_.jpg
Alors, certes l'écriture toujours aussi belle,  l'auteure essayant de se replacer dans sa propre expérience d'enfant et de nouer aussi le lien entre sa propre mère et cette petite fille qui va s'inscrire dans la lignée familiale. Il n'en reste pas moins qu'on frôle parfois le ridicule, tant il est vrai qu'il en est de même des anecdotes des enfants ou petits enfants des autres comme des séances de diapos d'autrefois : il faut savoir les doser avec précision si on ne veut pas lasser.

Au pays des vermeilles, Noëlle Chätelet, Seuil, 172 pages émaillées d'un peu trop d'anecdotes énamourées.

22/12/2009

Bouchère

"J'ai toujours trouvé étrange que les gens se trouvent tout de suite bien quelque part ou en tout cas qu'ils le soient assez pour le paraître."

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La narratrice du roman de Catherine Soullard a réalisé le rêve de beaucoup de gens: elle a changé de vie. Elle devient donc Bouchère."J'aimais ce métier, je n'aurais pas su dire pourquoi. C'était confus, cela l'avait toujours été. Je n'avais jamais cherché à comprendre trop précisément , je craignais d'éclaircir, de tomber sur des désirs énormes, sur des pulsions trop noires, j'évitais d'y penser." Cet amour du métier nous vaut d'ailleurs de superbes descriptions de la viande et de sa découpe, qui paraîtront parfois juste un p'tit peu trop longues à force. La boutique  a du succès, au point que la narratrice qui ne vit que par et pour son métier , se pose elle même des oeillères, s'enfermant dans son monde et ne voyant la réalité qu'à l'aune de sa boucherie.L'apprenti ne suffisant plus à la tâche, une troisième recrue viendra remettre en cause le fragile équilibre de la boutique...
La première partie du roman tourne parfaitement rond, on s'immerge avec bonheur dans cet univers de la viande* mais j'avoue que j'attendais plus de la seconde partie et des tensions exacerbées promises. Une très belle écriture néanmoins. Et une auteure dont je vais poursuivre la découverte !

ps:Surtout ne lisez pas la 4ème de couv' qui en dit bien trop long !

*Ames sensibles , attention à la description de l'abattoir !

Bouchère, Catherine Soullard, Calmann-Lévy, 2006.173 pages à réserver aux carnivores!:)

L'avis de Mango

Celui de Clarabel

Ps: l'instrument de la couv' est ..une feuille !:)

 

18/12/2009

Méfie-toi fillette

"Les prières exaucées sont la pire blague que puisse nous faire le destin."41HQi3s4I-L._SL500_AA240_.jpg

 

Prenez une Miss Catastrophe énamourée, oscillant entre bêtise crasse et intelligence aiguisée. Jetez la dans les pattes de terroristes barbus.Faites la courir dans tout Paris, grimper, descendre , escalader. Donnez-lui une famille bobo -que vous égratignerez gentiment au passage -, un tonton providentiel. N'oubliez pas un méchant borgne. Saupoudrez largement d'humour , ajoutez un trait de sérieux  au passage, vous obtiendrez un cocktail frais, pétillant et tonique qui vous remet la tête à l'endroit et le sourire aux lèvres.
On pense à la délicieuse Patricia des "Tontons flingueurs" ou à la mutine Marlène Jobert de "Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages" et on en redemande !

Méfie-toi, fillette, Sylvie Granotier, Editions La branche, 95 pages qui filent à toute allure. Juin 2009

Emprunté un peu par hasard à la médiathèque.

12/12/2009

Je vais tuer mon mari...

"Vois-tu,la parole me fait autant que je la fais."

 

La résolution initiale, Je vais tuer mon mari , n'est pas le fait d'un coup de sang. Non, elle est le résultat logique d'une réflexion argumentée.Pourtant au fil de cette semaine sainte durant laquelle la narratrice, qui est aussi écrivaine, va dresser le constat d'un couple que tout oppose, cette volonté va peu à peu mollir et se transformer en une force de vie qui balaiera tous les reproches. "Regimber c'est vivre" affime la fugueuse, qui manifeste un féroce appétit de vivre , que ce soit dans les bras de ses amants ou dans son dialogue avec une mère quelque peu intrusive.41q5kqcJo+L._SL500_AA240_.jpg

Alors, il ya quelques longueurs, il faut s'approprier ces paragraphes sans virgules,mais c'est aussi la découverte d'une vraie voix, d'une écriture pleine d'inventivité et d'énergie, en témoignent les (très ) nombreuses pages cornées.

Je vais tuer mon mari..., Claire Fourier ,Omnia 2009,( 10  euros) paru pour la première fois en 1997.186 pages ardentes.

Ps: réaction sentencieuse de mon macho en herbe à la lecture du titre : "Il faut censurer ce livre ." :)

 

 

11/12/2009

cahin-caha

"S'il paraît que le bonheur c'est du chagrin qui se repose, le blues pourrait être son hamac."

Une petite troupe de croches et de bancals, dont le narrateur, La Tremblote, part en stage d'équitation en Armorique.
Drôle d'idée apparemmment pour ces éclopés de la vie qui font face, chacun à leur manière, au mauvais tour que leur a joué la loterie génétique.
L'occasion pour le narrateur de se débarrasser des vieux schémas qui sclérosent sa vie et de découvrir que , même s'il aime se  noyer dans le blues"...on n'est jamais à l'abri d'un joli feu d'artifice."51SmhCze9rL._BO2,204,203,200_PIsitb-sticker-arrow-click,TopRight,35,-76_AA240_SH20_OU08_.jpg
Sur un sujet casse-gueule, des ados atteints de  pathologies lourdes, Anne Lenner a écrit un premier roman alternant émotion et humour, rempli de jolies formules, sans jamais tomber dans le pathos. Elle aborde avec une justesse confondante la manière dont les jeunes mais aussi leur famille vivent avec la maladie, parfois avec cynisme mais jamais avec auto apitoiement. Il faut accepter de se couler dans le langage familier du narrateur et une fois ceci admis, on est bel et bien ferré. Un roman qui ne va pas Cahin-caha mais qui file, pan, droit dans le coeur !

Cahin-caha, Anne Lenner, Pocket 2009, 191 pages  et une larmichette au bout !

 

 

09/12/2009

Manhattan

"A force de bâtir le discours sur moi, je n'y suis plus vraiment."

Parce que sa vie repose sur du vide et qu'une maladie la jette dans l'urgence, une jeune femme quitte tout pour lutter contre le chaos.
Beaucoup de billets ont déjà fleuri sur Manhattan , premier roman que l'auteure a eu la bonne idée de nous proposer.31x08w1+7YL._SL500_AA240_.jpg

Comme de nombreuses lectrices, j'ai beaucoup aimé le style de ce texte (en témoignent les nombreuses pages cornées) et les ruptures de ton ne m'ont pas dérangée outre mesure. Bien au contraire, elles témoignent du détachement progressif de l'héroïne de tout ce qui faisait sa vie.

L'adjectif "maternelle"  n'intervient qu'une seule fois ,qui nous permet d'identifier le destinataire de la lettre ,celle qui sut si peu l'être qu'elle livra sa fille à des mains douces et perverses. Seule la propriétaire du logement loué, qui n'a pas eu d'enfants, paradoxalement , saura trouver les gestes et les mots pour accompagner l'héroïne.
Un beau livre donc, mais comme Laure, je regrette l'aspect un peu trop convenu du secret sur lequel repose en partie le vide de cette jeune femme et qui fait perdre un peu de sa force à ce récit  tout en émotion contenue.

Manhattan, Anne Révah, Arléa, 90 pages qui résonnent encore en nous une fois le livre refermé.

L'avis d'Antigone.

celui de Sylire

 

07/12/2009

L'argent, l'urgence

"Votre vie perforée soudain d'un vide."

Une créatrice, parce qu'elle se soumet aux rêves des autres (L'argent, l'urgence), parce qu'elle aime un homme prétendument trop fragile , "un homme à élever" , intègre une grande entreprise qui va peu à peu laminer sa personnalité, la rendre au sens propre malade. Bientôt ses rêves se réduiront à cela :

"Errer, ne parler à personne, marcher jusqu'à tomber dans un sommeil qui guérit de tout,dormir jusqu'à ce que votre esprit se défroisse, se déplie, se détende, se remette à vivre. Vous souriez. Ce matin ça a marché. Debout tôt.Deux heures. Presque le voyage."

Il lui faudra longtemps pour admettre que ce travail que tous lui envient (ses amis, l'homme à élever), qui lui apporte une sécurité financière qu'elle ne recherche même pas, (elle sait se contenter de peu) mais qu'elle s'impose elle même pour apurer des dettes (dont on devine qu'elles ne sont pas forcément les siennes), que ce travail donc est en train de la détruire lentement mais sûrement.La description des rapports de force au sein de l'entreprise est d'une violence contenue mais par-là même totalement efficace.21ZX6XFZXAL._SL500_AA240_.jpg

 

Impossible également de trouver refuge dans son atelier "sa chambre à soi" comme disait Virginia Woolf, son espace intime ayant été colonisé par l'homme à élever dont elle  mettra aussi longtemps à reconnaître la toxicité. Pas facile de lutter contre ce qui est présenté comme positif par la société et le discours ambiant, que ce soit le travail ou l'amour...

Hésitations, rythme haché , parenthèses enfermant la voix intérieure de l'héroïne, seul endroit où elle ose exprimer ses vraies pensées ,miment ici l'asphyxie qui peu peu la submerge et détruit sa force créatrice. Force créatrice qui, pourtant n'a pas dit son dernier mot...
Un récit hypnotique et salvateur simultanément.  Une écriture à découvrir de toute urgence.

 

L'argent, l'urgence, Louise Desbrusses, P.O.L, 2006 170 pages denses.

 

Merci à Anne

 

ainsi qu'à Aifelle

et Antigone.

Laure n'a pas aimé, et c'est son droit !:).

 

02/12/2009

La saga Mendelson, tome 2 ,les insoumis

"Autant apprendre à dompter le vent."

Allez, j'avoue : j'appréhendais un peu de lire le deuxième volume des Insoumis. Peur de ne plus me retrouver parmi les membres de cette famille juive dont le destin est lié aux grands événements de l'Histoire. Peur de de ne pas éprouver le même plaisir qu'au premier tome, l'effet de surprise ayant disparu.51A+-Jdi-qL._SL500_AA240_.jpg
D'emblée Fabrice Colin pare au premier souci en rafraîchissant notre mémoire par un résumé d'une page et par un arbre généalogique très clair.Ouf, nous voilà remis le pied à l'étrier  et, muni de ce précieux viatique ,nous entamons le sourire aux lèvres notre lecture de ce tome qui court à toute allure de 1930 à 1965.
On retrouve avec plaisir les personnages familiers, on s'attache à ceux qui ont grandi. Le mystère et l'émotion sont au rendez-vous, l'auteur jouant avec nos nerfs, nous alléchant avec des révélations qui ne deviendront effectives que dans le troisième volume. De l'art de ferrer ses lecteurs !
La tonalité est peut être plus sombre que dans le premier volume , voire plus dérangeante. Ainsi cette visite du ghetto de Theresien dont l'atmophère trouble ne peut que mettre mal à l'aise le lecteur, surtout s'il est jeune, mais incite à la reflexion , voire à l'approfondissement.
Fabrice Colin est un conteur émérite, variant les types d'écrits (journal intime, entretiens, fac similés de documents...) et la lecture des Insoumis se fait d'une traite, on se retrouve à la fin un peu groggy mais content !

 

L'avis de Lily.