02/12/2009
La saga Mendelson, tome 2 ,les insoumis
"Autant apprendre à dompter le vent."
Allez, j'avoue : j'appréhendais un peu de lire le deuxième volume des Insoumis. Peur de ne plus me retrouver parmi les membres de cette famille juive dont le destin est lié aux grands événements de l'Histoire. Peur de de ne pas éprouver le même plaisir qu'au premier tome, l'effet de surprise ayant disparu.
D'emblée Fabrice Colin pare au premier souci en rafraîchissant notre mémoire par un résumé d'une page et par un arbre généalogique très clair.Ouf, nous voilà remis le pied à l'étrier et, muni de ce précieux viatique ,nous entamons le sourire aux lèvres notre lecture de ce tome qui court à toute allure de 1930 à 1965.
On retrouve avec plaisir les personnages familiers, on s'attache à ceux qui ont grandi. Le mystère et l'émotion sont au rendez-vous, l'auteur jouant avec nos nerfs, nous alléchant avec des révélations qui ne deviendront effectives que dans le troisième volume. De l'art de ferrer ses lecteurs !
La tonalité est peut être plus sombre que dans le premier volume , voire plus dérangeante. Ainsi cette visite du ghetto de Theresien dont l'atmophère trouble ne peut que mettre mal à l'aise le lecteur, surtout s'il est jeune, mais incite à la reflexion , voire à l'approfondissement.
Fabrice Colin est un conteur émérite, variant les types d'écrits (journal intime, entretiens, fac similés de documents...) et la lecture des Insoumis se fait d'une traite, on se retrouve à la fin un peu groggy mais content !
L'avis de Lily.
06:05 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : fabrice colin, histoire de 1930 à 1965
01/12/2009
Malo de Lange, fils de voleur
"Il n'y a pas que les colliers de perles qui font plaisir aux dames, comme disait Salomé en recevant la tête de saint Jean-Baptiste sur un plateau."
Qui est vraiment Malo ? Il ne nous faudra pas moins de 272 pages riches en événements dramatiques pour connaître l'identité de cet enfant qui se sent tiraillé entre le bien et le Mal car il est "marqué" dans tous les sens du terme par son passé.
Tantôt honnête, tantôt "pégriot" (voleur minable), il ira de Tours à Paris, rencontrant le pire et le meilleur, connaissant le froid et la faim, mais arrivant toujours à se tirer d'affaires par son intelligence et son art de la manipulation, sachant "ouvrir le robinet à larmes " aussi bien pour gagner du temps que pour émouvoir.
Il endossera bien des identités, allant même jusqu'à se travestir en fille et fréquentera le monde des chauffeurs* (de sinistre mémoire), des venterniers**ou des frimousseurs***, jaspinant-pardon-parlant argot afin de mieux se fondre dans la masse des arnaqueurs de tout poil.
Enfants abandonnés, enfants volés, amours contrariées, monde haut en couleur des grinches (voleurs), coups de théâtres, moments d'émotion, Marie-Aude Murail reprend avec un enthousiasme contagieux tous ces motifs des romans d'aventures du XIXème siècle , et l'on trouve dans Malo De Lange, fils de voleur aussi bien des échos de Dickens ou d'Hector Malot("sans famille") que des aventures de Vidocq,aventures que je suivais jadis avec ravissement à la télévision.
Je craignais un peu que l'utilisation de l'argot (pas systématique d'ailleurs et toujours traduit) n'alourdisse le récit mais au contraire il le rend plus savoureux, tout comme d'ailleurs les comparaisons pince-sans rire et teintées d'humour noir de Malo qui ponctuent un récit qui n'a rien de mièvre. On se coule avec bonheur dans un texte qui réussit le pari de nous surprendre tout en nous conduisant sur des chemins connus. A dévorer sans plus attendre !
*bandit qui brûle les pieds des gens pour leur faire dire où sont leurs économies.
**voleur qui s'introduit dans les maisons par les fenêtres ouvertes.
***tricheur aux cartes.
Malo de Lange, fils de voleur, Marie-Aude Murail, École des Loisirs 2009, 272 pages qui fleurent bon l'aventure.
L'avis de Clarabel.
Un coup de coeur pour Lucien, chez Marie !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : marie-aude murail, dickens, vidocq et compagnie, roman d'aventures
19/11/2009
L'échappée belle (Gavalda vs Gavalda)
In Cold Blog m'avait confié ici une mission: comparer les deux versions du (très ) court roman d'Anna Gavalda. la première version , destinée à un club de lecture (et entre temps devenue"culte"), je la relis régulièrement pour me redonner la pêche. La seconde, avec sa couverture très colorée, Cuné a eu la bonne idée de me l'envoyer ! :)
Rassurez-vous , je ne me suis pas livrée à une étude loupe à la main, traquant les changements de ponctuation, les précisions ajoutées ou les chansons citées (elles ont changé, sisi!), non, je me suis juste laissée porter par la lecture, notant dans un coin de ma tête ce qui me paraissait nouveau.

Bon, l'esprit est le même, ce "rab de bonheur" que vont s'octroyer, en se faisant la belle d'un mariage ,une fratrie de frères et soeurs que la vie a quelque peu malmenés, n'a rien perdu de son charme. Si les francs ont cédé la place aux euros, si meetic est apparu dans le monde de la célibattante, rien que de très normal. Mais je n'ai pas supporté le langage que se croit parfois obligée d'employer Gavalda. Et là, je suis allée dénicher la version 2001 où l'on trouve, entre autres, : "Sitôt la guitoune du péage franchie, j'ai enfoncé ma cassette dans l'autoradio", devenu en 2009, "Sitôt la guitoune du péage franchie, j'ai enquillé la zique dans l'autoradio."Et je vous passe l'écriture phonétique de lexique à la mode qui a le don de m'énerver. Franchement, je ne vois pas l'utilité. Les bornes, style "mille bornes" imprimées pour séparer les étapes du récit ne m'ont pas paru absolument indispensables non plus.
Par contre, ne pas louper , comme dans les génériques de films, la dernière intervention d'un personnage, après la fin du roman, clin d'oeil facétieux qui m'a permis de relativiser mes agacements précédents. Quelques péchés véniels donc qui n'empêcheront pas les lecteurs moins pointilleux que moi de se régaler.
L'avis de Cuné que je remercie encore.
celui de Bellesahi
Et de Laure
Ps: vous avez deviné quelle version, je relirai cet été...:)
L'avis de Juliette.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : la comparaison qui tue, gavalda
09/11/2009
Dernière adresse
"Il ne me reste que ça: la nature et les éléments."
Une vieille dame, dont nous ne connaîtrons pas l'identité-juste l'origine irlandaise- comme si le temps l'avait déjà gommée, comme si elle ne se définissait déjà plus que par rapport aux autres membres de sa lignée, revient sur sa vie et surtout sur ce que les autres interprètent comme un naufrage: la vieillesse.
L'inexorable perte d'autonomie, le corps qui ne suit plus, la relégation dans ce que la narratrice préfère appeler un "nursing home", les liens familiaux qui se distendent, le corps qu'on ne caresse plus, les petites folies qu'on s'offre et qui sont interprétées comme des folies tout court...
Toute cette description intériorisée de ce glissement progressif, je l'ai beaucoup apprécié.
J'ai juste regretté les souvenirs d'enfance qui viennent perturber le récit en voulant lui apporter une tension dramatique qui n'arrive pas à exister vraiment et n'apporte donc rien au roman. L'héroïne n'avait guère besoin de cela pour marquer son détachement et son cheminement vers la sérénité. Un très joli style pour accompagner une vison juste et sensuelle, d'une calme lucidité. Premier roman qu'il faut lire en dépit de ces quelques maladresses.
Deux extraits en passant :
"Merveilleuse utopie: je rêve d'une maison de retraite où le personnel prendrait le temps de gestes dérisoires pour maquiller les femmes en fin de vie, les vieilles peaux, les poches sous les yeux et les cous de chien.
Les femmes en fin de vie n'en demeurent pas moins des femmes.
Et la prochaine fois que qulqu'un me maquillera , je serai sûrement complètement refroidie."
"Je pleure sur tous les centimètres carrés de ma peau laissé à l'abandon et qui n'aspirent qu'à cette caresse affectueuse."
Dernière adresse, Hélène Le Chatelier, Arléa, 90pages.
L'avis de Clarabel.
Recommandé aussi par Patricia Martin de France inter.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hélène le chatelier, vieillesse, très belle écriture
05/11/2009
Manhattan Freud
En 1909, Freud, accompagné de son disciple déjà un peu dissident Jung ,débarquent à New-York pour une série de conférences qui doivent étendre aux Etats-Unis le succès que connaît déjà la psychanalyse en Europe. Les deux hommes, aidés par un policer intègre, chose rare à l'époque, vont avant cela devoir résoudre une série de meutre commis par un meurtrier féru d'alchimie.
Manhattan Freud pourrait être un roman policier relativement banal n'était le style, lumineux de l'auteur. Manhattan devient un personnage à part entière et nous découvrons,fascinés, l'histoire de cette île et de ces architectes qui faisaient la course au gratte-ciel le plus haut. C'est tout un pan de l'histoire des Etats-unis qui se donne à lire ici avec cet élan et cette foi dans le progrès tant scientifique que psychanalytique. Les personnages de Freud et de Jung sont montrés dans toute leur humanité avec leurs doutes et leurs erreurs et on ne lâche pas une minute ce triller élégant et captivant.
Manhattan Freud, Luc Bossi, Albin Michel , février 2009, 365 pages.
Emprunté à la médiathèque.
06:01 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : luc bossi, psychanalyse, alchimie, new-york, thriller
22/10/2009
La relieuse du gué
Mathilde a abandonné une carrière diplomatique pour mettre ses pas dans ceux de son grand-père ,récemment disparu ,en devenant relieuse. Installée dans une ruelle aux habitants hauts en couleurs, elle reçoit un jour en dépôt un livre particulier qui va l'entraîner à la recherche d'une famille et d'un temple de culte gallo-romain.
Anne Delaflotte Mehdevi dont c'est ici le premier roman, nous entraîne dans un univers plein de charme et de lenteur sans que jamais on ne s'ennuie. La description du quotidien de son héroîne, pleine de saveur, est rehaussée par l'utilisation que Mathilde fait de ses différents exemplaires de Cyrano de Bergerac. Ainsi pour elle:
"On peut lire Bergerac de Rostand comme on le fait d'une carte postale d'été, ou le dire haut, juste pour le rythme facile de la rime. On peut le lire pour rire, pour s'émouvoir, pour s'attarder sur le panache de son héros. Pour bien dormir, on peut prendre le soir un dialogue au hasard, et faire une toilette de chat de l'esprit, juste avant de sombrer. On peut le prendre au petit-déjeuner, pour se donner du coeur et une âme claire, juste une lampée avec son café."
Les dialogues sont parfois maladroits, l'intrigue cousue de fil blanc, on a parfois envie de secouer l'héroïne en lui disant d'ouvrir les yeux et de se secouer un peu mais la magie de La relieuse du gué opère et on savoure pleinement cet univers douillet dans lequel on se love avec bonheur.
Merci à Aifelle pour le prêt.
les avis de Cuné, Cathe, Erzébeth, Clarabel
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : anne delaflotte mehdevi, reliure, premier roman
16/10/2009
Le festin d'Alice
Z'ont qu'à mieux payer leurs fonctionnaires, ça leur éviterait des tentations! Sans cela Alice, la sublime Alice, travaillant à la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation, ne se serait jamais emparé des coquettes économies de la vieille chinoise, tenancière d'un des ces appartements "ravioli",paradis des bactéries.
S'acoquinant avec un ancien chercheur du CNRS, gras du bide , devenu par nécéssité interprète -mal payé il va sans dire- le jeune femme va, sans le savoir, contrecarrer les plans d'un des plus hauts pontes de la mafia chinoise...
Commencé sur les chapeaux de roues, ce roman trouve vite son rythme de croisière, naviguant avec aisance et humour dans les petit monde de la communauté chinoise de Paris. pourtant, il m'en reste au final une impression assez mitigée. En effet, par pure jalousie féminine, je l'avoue, la sublime Alice qui émeut (et plus si affinités) tous les mâles , voit se résoudre comme par magie tous ses problèmes , alors qu'une petite chinoise, moche et de surcroît couverte de boutons connaîtra un sort bien peu enviable.
Bon, j'ironise un peu, il est évident que la vie est plus facile pour les gens jeunes et beaux mais là ça revêt un caractère un peu trop systématique et donc lassant. Jalousie, vous disais-je !:)
Colin Thibert, le festin d'Alice, Fayard noir.
L'avis- moins schtroumph grognon -de Cuné.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : colin thibert, polar, chinois et moi et moi et moi
08/10/2009
Le syndrome Godzilla bientôt en poche !
Chez j'ai lu le 14 octobre ! A noter sur vos tablettes!:)
Emue par les mues
Deux couples père-fils au centre de ce court mais dense roman . Celui de Daniel que son biologiste de père emmène autour du monde, au fil de ses mutations. Daniel qui manifeste un apparent détachement vis à vis de ces arrachements successifs mais va s'attacher à faire la connaissance d'un "monstre" assis sur un banc, la tête recouverte d'un sac en papier. Par l'intermédiaire de Godzilla, le monstre-héros de cinéma , un lien va s'établir entre ces deux jeunes gens qui ont en commun le fait d'être orphelin de mère. D'abord silencieux, celui qui s'identifie à Godzilla va raconter son étrange histoire à Daniel. Une histoire d'amour/haine avec un père producteur de cinéma qui l'emmènera au Japon, autre point commun entre les jeunes gens.
L'univers de Fabrice Colin flirte avec l'onirisme et ne dissimule rien de la violence du monde, de la violence des êtres en devenir : "Maintenant j'étais un monstre en devenir. je voulais que ma mère meure et qu'elle en fasse rien d'autre.Je voulais tuer ses amants Je voulais détruire le monde". Cette violence qu'ils vont même jusqu'à retourner contre eux, faute de pouvoir exprimer leur souffrance autrement.
Un roman fort et puissant.
Lu par Florinette
et Lily
Un billet de Fabrice Colin sur la couv'.
Regrettons au passage l'apparente disparition de la collection"les mues" aux éditions Intervista...
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : fabrice colin, relation père fils
06/10/2009
L'homme qui m'aimait tout bas
"Plus je me relis et plus je me relie à lui."
"Père adoptif", "père biologique", ces expressions n'ont pas cours dans l'univers d'Eric Fottorino. Pas plus que demi-frères d'ailleurs. seul compte l'amour qui circule entre l'auteur et celui qui lui a donné son nom en 1970 et qui s'est suicidé en 2008.
Pas de "tombeau" au sens poétique du terme dans L'homme qui m'aimait tout bas. Mais un livre empli de chaleur, d elumière, celle dela Tunisie d'où était originaire Michel Fottorino, ce kiné "aux mains d'or" qui "préféra toujours le silence aux paroles". Empli d'amour et d'admiration pour cet homme que le romancier fait apparaître sous différentes formes dans ses romans, rejouant ainsi de multiples façons LA scène fondatrice, cette scène originelle d'adoption proposée. Michel sera aussi cet "accordeur de corps , une des figures centrales du superbe roman Un territoire fragile, riche d'humanité et dispensant son don sans compter. Et pourtant fragile cet homme l'était aussi mais il dissimulait soigneusement ses fêlures ou ses gouffres...
Un texte magnifique qui se joue des mots pour mieux les faire vibrer . Et nous avec.
L'homme qui m'aimait tout bas, Eric Fottorino, Gallimard 2009, 148 pages emplies d'émotion.
Livre lu dans le cadre du Goncourt des lycéens.
L'avis de Jules.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : eric fottorino, amour pèrefils, un kiné commme on en rêve
25/09/2009
En retard pour la guerre/ ultimatum
1991. Israël vit sous la menace d'une attaque chimique irakienne. Des masques à gaz sont distribuées à la population à qui l'on enjoint aussi de fabriquer des chambres hermétiques pour se protéger. Dans cette atmosphère de fin du monde, certains font la fête, d'autres s'apprêtent comme Tamar à donner la vie, d'autres enfin comme Constance, la narratrice, jeune étudiante française, se sentent en complet décalage , en retard pour la guerre. En retard pour tout d'ailleurs. A vingt-cinq ans, Constance n'a pas terminé ses études, vit de petits boulots, et n'arrive pas à se dépêtrer de l' "amour grimaçant" qu'elle éprouve pour un peintre, qui la malmène et voudrait se faire entretenir par elle.Peut être est-ce aussi parce que la jeune fille se sent engluée dans des souvenirs glauques...
De Valérie Zenatti j'avais déjà lu et aimé Quand j'étais soldate (pas de billet) et c'est avec plaisir que j'ai retrouvé une narratrice à la fois en empathie avec ce pays si particulier et en même temps en léger décalage, ce qui lui permet une vision à la fois amusée et tendre.On trouve dans ce roman une écriture à la fois légère et précise, de fort jolis passages comme celui-ci ""Il faudrait avoir le pouvoir de s'inventer des souvenirs, des vrais, on les créerait à rebours pour s'y blottir, et ce ne seraient pas juste des histoires racontées le soir, dans le noir, pour se consoler, se rassurer...", des personnages hauts en couleurs comme ce boutiquier qui appose sporadiquement cet écriteau sur la porte: "Fermé pour raisons personnelles qui ne regardent que le propriétaire", le tout scandé par des chansons de Serge Gainsbourg...Un roman tendre.
Ultimatum/En retard pour la guerre, Valérie Zenatti, Points Seuil 2009, 172 pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : valérie zenatti, guerre, israêl