30/08/2008
Qui a deux maisons perd la raison
Entre Deauville et Trouville, tout un échantillon d'humanité, locaux et parisiens venus tenter de profiter de leur Résidence secondaire, s'ébattent sous l'oeil plein de malice de l'auteure, Isabelle Motrot.
Le lecteur jubile en lisant ce roman qui ne se contente pas d'enchaîner les saynètes mais se dote d'une intrigue fertile en rebondissements. "Bobos,écolos, aristos ou prolos", tous en prennent gentiment pour leur grade car on sent une grande tendresse de l'auteure pour ces personnages jamais caricaturaux mais dotés d'une psychologie bien nuancée. On appréciera tout particulièrement l'entrepeneur qui manie comme un homme politique la langue de bois quand ça l'arrange mais utilise à bon escient les expressions "clés" pour manipuler à l'envi ces parisiens avides d'authenticité pour mieux épater leurs amis. J'ai tout particulièrement apprécié les mails de Françoise, experte dans l'art de rabisser mine de rien la propriété de ses "amis" .
Une résidence secondaire c'est "une comptine sans fin avec des factures en guise de refrain"mais comme le dit si bien Catherine dans le roman : "Je plains les cocues qui n'ont pas de résidence secondaire (...), ça doit être terriblement déprimant."
Un roman frais et pétillant , plein de citations potentielles, à consommer sans modération !
ps: comme par hasard, Dame Cuné, on va fait ses courses à Deauville ou Trouville mais on prend l'apéro au grand Hôtel de Cabourg...
pps: est sorti en poche (j'ai lu) avec une plus jolie couverture...
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : résidence secondaire, détente, isabelle motrot
20/08/2008
"Il fait dimanche"
"Qui a autorisé des inconnus qui ne t'ont jamais connu debout, ni parlant, ni touchant, à s'approprier ta vie et tes secrets, à malaxer la mienne au passage dans le sens qui les arrange, pour en faire leur oeuvre?"
Comment lire (et parler) du roman de Florence Ben Sadoun , La fausse veuve, sans se sentir à son tour voyeur? Trop d'indices émaillent le texte pour que dans la figure de l'amant ,victime médiatisée du "locked-in syndrome", on ne puisse mettre un nom sur celui qui ne sera jamais nommé, tour à tour,tutoyé et voussoyé? Alors auto-fiction qui ne dit pas son nom ?
Je n'ai pas lu "le scaphandre et le papillon" pas plus que je n'ai vu le film qui en a été tiré et auquel fait référence la citation citée en exergue. Trop méfiante vis à vis de ce genre d'oeuvres, trop souvent enclines à faire dans le sensationnalisme ou l'émotion à outrance et c'est un peu par erreur que j'ai accepté l'offre de Violaine de "Chez les filles" : je croyais qu'il s'agissait d'une fiction où la narratrice s'adressait à un homme dans le coma. Un peu sur le modèle de celui-ci (vous noterez au passage la parenté entre les couvertures). Entrer comme ça dans l'intimité de personnes réelles même si l'histoire est passée par le filtre de la narration m'a donc plutôt gênée.
Comme m'a gêné la transformation du nom de la ville où a séjourné dans un hôpital spécialisé l'amant de la narratrice. Je sais bien qu'elle n'y a aucun bon souvenir mais de là à le travestir en "Vomi",je crois que chaque fois que j'irai sur la plage de Berck, je ne pourrai qu'y penser.
Ces restrictions faites, on ne peut que souligner la qualité de l'émotion qui se dégage de ces lignes, tout en nuances, violence et amour mêlés, violence faite à la femme qui n'est "que" la maîtresse puisque l'aimé venait de quitter sa compagne et ses enfants. La narratrice n'est donc qu'une "fausse veuve" qui ,dix ans plus tard ,nous livre sa version des faits.Un livre à l'écriture souple et rêche à la fois.Un livre à fleur de peau.
Parution le 25 août.
Merci à Violaine de"Chez les filles " et aux Editions Denoël pour l'envoi.
L'avis d'Aelys
de Frisette
de Lily
aelys lilly frisette
06:30 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10)
19/08/2008
Testud de mule
Cette histoire, même si l'avant-propos affirme qu'elle est "librement inspirée de la vie d'une petite fille. je ne sais pas qui ça peut être. Pas du tout.", on se doute bien que cette petite Sybille a été un jour, iln'y a pas si longtemps que cela, Sylvie.
Sybille et ses deux soeurs vivent seules avec leur mère dans une sorte de phalanstère féminin replié face à un "Il " menaçant. Ou du moins leur fait-on croire que ce "Il" représente un danger. Ce "Il" c'est bien sûr leur père dont Sylvie, euh Sybille, fera la connaissance quand elle sera devenue adulte.
Le récit de cette enfance est plein de fraîcheur et l'on en redemanderait volontiers sauf que le rythme s'accélère soudain jusqu'à la rencontre cruciale...
A chaque fois, je me fais avoir. J'aime beaucoup
l'actrice (époustouflante dans Sagan).J'aime beaucoup les couvertures
de ses livres (celle de Gamines est particulièrement réussie), mais à chaque fois, je reste sur ma faim. En fait, ce que j'aime chez Sylvie Testud c'est sa capacité à ne pas endiguer le maelström de sentiments qui la submerge parfois.
Gamines est frais et charmant et parfaitement oubliable.
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15)
12/08/2008
"On va inviter la lumière"
Tristan « petit soleil en raccourci de l’histoire, enfant perdu, arrêté, bientôt âgé de dix-neuf ans, il paraît-devenu adulte. Longtemps les gens ont pensé, ma tête à couper, que j’étais un peu simple ou alors juste, un peu mal garé, oui, à la suite d’un choc traumatique. » Ce choc, c’est l’assassinat de sa mère par deux repris de justice , sous ses yeux de petit garçon de six ans. Tristan va se reconstruire peu à peu, grâce aux mots qu’il malaxe,(souvent avec humour, infusant ainsi un peu de légèreté à un univers qui pourrait devenir oppressant : "Mon père a refusé les cons et doléances") grâce à l’amitié de deux oiseaux et à celle de son « père-grand de rechange » , Germain. Son père, lui, se réfugie dans l’alcool. Dans un sursaut de vie, cependant , cet homme ouvrira Le cabaret des oiseaux-qui donne son titre au livre- et ce sera comme un pied -de -nez au malheur qui semble s’acharner sur cette famille.
En commençant ce roman, j’avais l’impression de lire un récit se déroulant au XIXème siècle, tant les faits se déroulent dans un univers hors du temps, loin du monde moderne. Là les saisons sont rudes (on retrouve la présence de la neige, même si elle joue un rôle nettement moins important que dans Déneiger le ciel , du même auteur). Les saisons sont associées à la vie intime du narrateur : « L’hiver, si j’y repense, représente une partie de moi, de ma vie lente. ». En effet, l’enfant , afin de tenir le monde à distance, pour mieux le comprendre , ou le supporter, éprouve ce besoin de se figer soudain. Il est « un acrobate, sans balancier » et il écrit « pour ne pas tomber. Pour rester vivant. », toujours les mots lui serviront de viatique.
Un style superbe au service d’un récit envoûtant. On entre avec un bonheur sans pareil et on se love dans l’univers si particulier et si puissant d ‘André Bucher.
06:06 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9)
10/08/2008
Dys et dys et compagnie
Ferdinand, dit "Bob" connaît ce qu'en termes techniques on appelle des troubles d'apprentissage, il a sa propre logique et s'emmêle allègrement les pinceaux avec un enthousiasme qui ne peut qu'ulcérer sa maîtresse d'école ... Il jongle avec les mots, interprétant à sa façon les expressions imagées ce qui pimente d'une pointe d'humour le quotidien de sa maman qui parfois , comme lui, en a Gros sur la tomate.
Le récit est rédigé du point de vue de Ferdinand et de sa mère, mais en creux se révèle l'interprétation que fait le corps enseignant du comportement de l'enfant.
En refermant ce tout petit livre, j'ai poussé un énorme soupir devant les progrès qu'il reste à faire en matière d'information concernant tous ces troubles d'apprentissage. Cela évolue , bien sûr mais encore trop lentement .
Un livre rempli de sensibilité que chaque enseignant devrait lire pour comprendre que" non, il ne le fait pas exprès !".
06:13 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8)
18/07/2008
jeu de massacre
L'Oncle est le raté de la famille-paraît que chaque famille a le sien-tant du point de vue affectif que professionnel. Divorcé d'une polonaise, il enchaîne les boulots improbables , ce qui donne lieu à une série de descriptions satiriques de l' Entreprise, de l'édition,de l'armée, sans oublier un hilarant cours de l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres,schémas à l'appui, car bien sûr l'Oncle deviendra enseignant.
L'alcool, les femmes demeurent ses meilleurs amis/ennemis, les psychiatres en prennent pour leur grade mais c'est surtout sur la famille et les mères de famille que le narrateur de Mammifères tire à boulets rouges dans une réjouissant jeu de massacre.
Pierre Mérot enchaîne les morceaux de bravoure et livre un portrait drôle et féroce de notre époque. A lire quand on a le moral dans les tongs, comme dit Val !
06:07 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8)
14/07/2008
Je vous le fais "ancien combattant" de l'écriture.
Couvert de prix et de louanges, doté d'une construction "diabolique", Garden of love de Marcus Malte m'a, dans un premier temps mise mal à l'aise par son incipit (début) où la violence des hommes semble toujours sur le point de l'emporter sur la seule et unique femme qui les tient en respect par la force de son regard.
J'ai certes admiré la construction du roman, mise en abîme, jeux de miroirs etc mais tout cela m'a semblé bien artificiel. Quant aux personnages, j'en ai soupé des flics à la dérive, pour qui la frontière entre flic et voyou est de plus en plus floue, le tout avec une bonne dose d'auto-complaisance dans la déchéance.
Alors, non, désolée, j'ai eu beau retourner le problème dans tous les sens, vouloir sauver quelque chose de cette lecture, mais rien, aucun passage, aucune phrase n'a retenu mon attention.
Merci à Amanda pour le prêt.
L'avis de Florinette qui vous mènera chez beaucoup de ceux qui ont aimé.
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (21)
11/07/2008
"Sous le signe de la nature"
Envie d'une petite balade à Toulouse? alors suivons les traces Félix Dutrey , un flic pas comme les autres , tour à tour sombre et plein d'humour, entouré par une belle bande de frappadingues qui pratiquent leur métier avec une once de dérision pour ne pas se laisser bouffer par la cruauté d'un monde où on peut tuer à cause d'un pot de moutarde, un monde où les animaux et les plantes ont de moins en moins de place.
Le cycle de Félix Dutrey est en effet placé par Pascal Dessaint sous le signe de la nature car l'auteur est très concerné par les problèmes environnementaux. Très présents dans le roman polyphonique Mourir n'est pas la pire des choses, ils le sont un peu moins dans les deux suivants :Loin des humains, au rythme plus lent mais qui creuse davantage la psychologie des personnages et les liens qui les lient. On les retrouve enfin dans Tu ne verras plus où la mort d'un taxidermiste nous entraînera dans un drôle d'univers où l'on trouve des poissons sous les jupes des touristes.
Dessaint évoque également au passage les dégâts causés par la catastrophe AZF car à se préoccuper des problèmes de la nature on ne peut pour autant pas faire abstraction de ceux des hommes, leur destin étant liés.
Une belle promenade en compagnie d'un petit Paul mangeur de fleurs.
le site de l'auteur
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12)
09/07/2008
Des maisons et des secrets
Sur la côte normande, des maisons menacées par la mer, des secrets qui se révèlent de manière impressionniste, des morts qui jalonnent l'histoire, tout cela forme la trame du roman au titre ironique de Julie Wolkenstein, Happy End, placé sous l'égide de Virginia Woolf (et de sa promenade au phare ? ).
Roman polyphonique à l'écriture très belle , où j'ai trouvé des pépites mais où je me suis aussi un peu perdue dans le dédale des histoires...Peut être n'étais-je pas suffisamment attentive.
L'avis de Mous qui m'avait donné envie de lire ce roman (j'ai flashé sur le même passage qu'elle)
L'avis de Laure et Clarabel
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (16)
08/07/2008
Bienvenue à Cons-sur-Lombe !
Ah, Cons-sur-Lombe, riante petite ville dotée d'un maire soucieux du bien-être de ses administrés et mené par le bout du nez par une épouse qui pâlit et saigne à volonté et dont la seule rivale (littéraire) est la Dame aux Camélias. Cons-sur-Lombe qui possède "ses" pauvres, les Capouilles, couple crasseux (pour mieux protéger ses secrets )et dont la population toute entière va vouloir faire le bonheur en leur fournissant La belle maison...
J'ai bien ri à ses descriptions de personnages qu'on croirait échappés de la pièce de Jules Romains, Knock,dont l'hystérie se retrouve dans le style de Franz Bartelt qui manie avec humour le style ampoulé de certains édiles et laisse gambader en toute liberté les énumérations, gradations (termes d'intensité croissante) et autres hyperboles (exagérations volontaires), baudruches gonflées de toute la vanité de ces bien-pensants qui veulent se donner le spectacle de leur propre vertu. En contre-point, le secret des Capouilles prend toute sa valeur et sa gravité. Une petite merveille! Et je vais de ce pas poursuivre ma découverte de cet auteur car Le bar des habitudes est dans ma PAL !
Un grand merci à Val qui fait voyager ce livre !
06:05 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (17)