13/05/2008
Lunatic Princess
Point n'est besoin d'avoir lu récemment Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos pour apprécier le roman épistolaire de Camille de Peretti ,Nous sommes cruels.
Deux jeunes gens,Julien et Camille (de Peretti, tiens, tiens), fervents admirateurs du classique précédemment cité, vont se donner le projet de séduire puis d'abandonner des "proies", le but du jeu étant d'obtenir des trophées écrits :courriels, lettres ,textos...qui seront bien évidemment produits comme preuves de leur réussite.
Entre-temps,nous aurons droit à d'autres correspondances qui révèleront au passage que Julien ne joue pas toujours franc-jeu, d'où de subtils rebondissements ,et qui dévoileront en outre d'autres aspects moins noirs de Camille.
Pour se dédouaner de cette cruauté, Camille écrit à une amie : "Il faut bien se faire les griffes quand on n'a pas eu la chance de naître avec ta bonté." La jeunesse est en effet la seule excuse qu'on peut leur trouver, mais le jeu deviendra vite dangereux...
Traversé de références classiques, "Le jeu de l'amour et du hasard", "Belle du seigneur", mais aussi Marguerite Yourcenar et Colette que sa grand-mère Nini conseille à Camille de lire"ça t'apprendrait les choses", Nous sommes cruels est aussi un livre sur la beauté et le pouvoir des lettres:"Rien ne remplacera une lettre avec du vrai papier qui a voyagé et qui peut se froisser et se plier et se mettre sous un oreiller et dans sa poche ou sur son coeur...".
Franchement, je ne m'attendais pas à être aussi séduite par ce livre mais j'y ai trouvé des personnages pas du tout caricaturaux, flirtant avec le désespoir parfois, mais avec panache, "Je sourirai quoiqu'il advienne , après tout on dit que c'est la plus belle manière de montrer ses dents à son adversaire."Un récit qui s'il emprunte la forme et le fond du roman de Choderlos de Laclos (qu'au passage je n'avais jamais apprécié) sait très vite s'en affranchir et montre une réelle maîtrise de l'intrigue et de la psychologie des personnages. L'humour et la tendresse y sont bien présents, en particulier dans la correspondance décousue, tendre sans être cucul entre Camille et sa grand-mère et cela fait du bien de pouvoir lire des phrases telles que celle-ci : "Je pense que la prochaine fois que je chercherai un boulot, je l'écrirai sur mon CV: "grande expérience des fous en tous genres". C'est un atout non négligeable." Bref une très agréable surprise, j'attends déjà avec impatience la sortie en poche du nouveau roman de Camille de Peretti qui s'est cette fois inspirée du roman de Perec,Les choses.
L'avis d'Antigone
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09/05/2008
De l'intérêt de ne pas avoir d'écrivain dans sa famille...
J'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois pour terminer La haine de la famille de Catherine Cusset.Non que l'écriture en soit lourde ou l'histoire inintéressante mais parce que j'avais la désagréable impression de devenir voyeure tant le lecteur se doute que cette famille,haute en couleurs, a beaucoup de parenté avec celle de l'auteure.
Marie, la narratrice se met d'ailleurs peu en scène, préférant se concentrer sur le reste de sa parentèle. Sa mère, toujours vêtue de rouge, qui a mené une carrière brillante au barreau ,mais estime que sa vie est vide. Son père qui ne cesse de rouspéter, n'arrivant pas à endiguer le désordre causé par ses enfants, sa femme ou sa belle-mère.
Rien ne nous est épargné de la constipation des unes ou des autres (ou des crottes flottant dans la mer sous le nez de celle qui vient de se soulager...), de l'apparente irresponsabilité d'une soeur qui collectionne les amants et les enfants mais entreprend à 40 ans des études de médecine.
Quant à la grand-mère, petite bonne femme d'un mètre cinquante, elle a tenu tête aux policiers françias venus l'arrêter pendant la Seconde Guerre Mondiale, a sauvé ses filles par son aplomb mais termine sa vie d'une manière déchirante...
Pas de morale à ce récit, à nous de nous dépatouiller avec cette famille pas si haïe que cela-bien au contraire- et qui ressemble un peu à la nôtre...
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07/05/2008
"Laisse tomber! Des mecs, il y en a partout.Un job comme ça, on n'en trouve pas tous les jours."
Sans l'aide d'aucun réseau relationnel, Dahlia Arditi a réussi à entrer dans une grande et très chic agence parisienne de relations publiques. Là, elle va devoir affronter sa supérieure hiérarchique, Chloé de Lignan, alias Cruella, tant sur le plan professionnel que sur le plan amoureux, les deux demoiselles étant tombées amoureuses du même homme...Coup bas et talons hauts , tout est permis pour emporter les budgets des clients et le coeur du bel Adam...
N'étant guère sentimentale,je me suis souciée comme d' une guigne de l'histoire d'amour.Tonie Behar barbote en outre allègrement dans les clichés ( ce qui est un peu la loi du genre, mais point trop n'en faut) et j'ai même eu un mouvement de recul à la lecture de la rencontre-ratée (dans tous les sens du terme) des deux héros. Néanmoins, quand l'auteur s'affranchit du carcan de la chick litt, on ne peut qu'apprécier la description des coulisses de ce monde du luxe.J'ai aussi été très touchée par la description de cette tribu familiale et matriarcale de l'héroïne.Ces femmes chaleureuses et hautes en couleurs entraînent aussitôt notre sympathie, plus peut être d'ailleurs que Dahlia qui est une allumeuse sans scrupules...
La scène finale, par son point de vue original, rattrape largement le début et entre les deux on ne s'ennuie pas une minute !
Un roman qui tient ses promesses : nous faire passer un bon moment.
Le site de l'auteure
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01/05/2008
Marions-les ,marions-les
Ne pas se fier à la couverture sucrée du roman d'Audrey Diwan, la fabrication d'un mensonge n'est pas un roman sentimental , loin s'en faut.
De mariage il en sera certes question puisque l'héroïne qui navigue depuis sept ans de la philosophie à l'ethnologie en passant par l'histoire de l'art, trouve un job d'été dans une boutique un peu miteuse "Mariage 2000". C'est là que Raphaëlle va se jeter "avec une certaine allégresse" dans les griffes de Lola, menteuse patentée.
La dilettante qui travaille "pour qu'il lui arrive des choses" connaîtra une expérience marquante avec cette fille débrouillarde et rusée qui la fascine.
Un style vigoureux et une vraie aisance dans la narration. Une auteure à découvrir et à suivre.
L'avis plus nuancé de Laure
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22/04/2008
"Chansons pour bestioles"
Les bestioles , ce sont les autres,ceux avec qui Marthe tentent d'établir un semblant de communication. Mais rien n'y fait: dès que La jeune femme apparaît, la réalité dérape subtilement jusqu'à dérailler complètement comme le train dans lequel elle a pris place au lieu d'aller à son travail.
En effet, Marthe a décidé de changer de vie (thème à le mode) et ne fera désormais que ce qui lui plaît.
Cette difficile exigence n'est pas du tout envisagée de manière banale dans le premier roman de Cécile Reyboz. Pas d'histoire à l'américaine , triomphaliste, mais un personnage qui nous entraîne dans son univers, qui est presque le notre mais pas tout à fait. En effet, Marthe ne maîtrise pas son corps dans l'espace et envisage celui des autres d'une manière toute particulière...
Habillée comme un évêque ou comme une putain, répétant ses prises de parole, voire les mimant, Marthe se veut critique vis à vis de ce que l'on appelle la réalité et semble en perpétuel déséquilibre.
Chanson pour bestioles est un roman qui possède à la fois un vrai univers à la fois cocasse et poétique ,un style subtilement dérangeant et une narration habile. Une auteure à suivre.
ps: ce roman vient d'obtenir le Prix Lilas.
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11/04/2008
Où rôde le fantôme de Perec
Attirée par le titre de ce roman,, derniers vers du poème de Perec, Déménager, j'ai entamé avec enthousiasme la lecture du texte de Lise Beninca, Balayer fermer partir.
Si le début et la fin (vraiment originale) m'ont intéressée, je me suis peu à peu perdue dans les méandres des réflexions de la narratrice sur ce que signifie l'occupation de l'espace.
Beaucoup de références à Perec qui le premier s'était penché sur la question, mais bizarrement ni le titre ni l'extrait du poème mentionné plus haut ne lui sont attribués.
je suis restée totalement extérieure à ce texte aride et sans chair.
Un grand merci à Guillaume Teisseire de Babelio qui a tenu , très gentiment, à se substituer aux éditions du Seuil dans le cadre de l'opération Masse critique.
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10/04/2008
La fille transparente
Bon, allez, je peux le dire maintenant, puisqu' il y a prescription: la seule chose que j'avais aimée dans Elle fait des galettes, c'est toute sa vie était ...la couverture rayée !
Même si celle de Ker Violette est très réussie aussi (dans un autre genre)( n'oublions pas que Karine Fougeray a été graphiste dans une autre vie) son héroïne restera longtemps dans ma mémoire.
Excessive, cette fille qui cherche son cheval, l'est jusqu'à l'outrance.Cette sirène "qui a des écailles en elle" navigue entre terre et mer(e). Au fil de ses rencontres, les fils du passé se dénouent et le portrait se précise peu à peu. L'enfant blessée réapparaît dans Clara qui se jette avec avidité parfois sur les hommes ou les bolées de champagne...
Dans une langue très imagée, où surnagent parfois quelques clichés, scories qui auraient facilement pu être gommées, Karine Fougeray nous propose une histoire attachante dont les personnages sonnent juste. Un roman que j'ai lu d'une traite même si je n'ai pas de sympathie particulière pour les chevaux !
Le blog de l'auteure
Elles ont été emballées et ont su vaincre mes réticences :
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03/04/2008
Le téméraire
Le narrateur, venu, comme d'habitude passer ses vacances en famille dans sa maison de la côte normande, va peu à peu délaisser sa femme et ses deux filles au profit d'une vieille dame qui le rudoie mais le fascine.
Nouée incidemment, cette relation toute platonique, sera l'occasion d'un dialogue haché concernant la culture Hopi et le voyage d'André Breton aux Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale. Choc de cultures, transformation du sacré en oeuvre d'art. cette partie "historique" aura des retentissements dans le présent du narrateur qui risque gros en se laissant entraîner...
La chaleur et la poussière du désert évoqués s'opposent à la réalité du climat humide de la Normandie. Passé et présent se rejoignent dans un rythme lent qui diffère sans cesse la révélation de secrets...
Ce très beau texte de Claudie Gallay, Dans l'or du temps m'a fait penser au film de Josée Dayan "Cet amour-là"traitant de la relation entre Marguerite Duras et Yann Andréa. Même attraction des jeunes hommes. Mêmes rudoiements de la part des femmes âgées. Même décor.Mais bien évidemment,le thème en est tout différent.
Un texte insaisissable comme le sable du désert.
L'avis de Clarabel
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31/03/2008
"Le corps cassé/toujours vivant/ je traverse l'été."
Deux femmes issues de milieux sociaux tout à fait opposés. L'une très jeune, mère involontaire, qui s'apprête à accoucher sous X, Emilie. Judith, quant à elle, espère avec ferveur la naissance de son enfant, enfant qui ne survivra pas. Une logique folle se met alors en marche...A ce moment là du récit (nous ne sommes qu'au tout début de l 'action) j'ai failli lâcher le roman de Karine Reysset, Comme une mère.
Envisager quasi simultanément les deux faits que redoute le plus une mère me semblait de l'ordre de l'insoutenable.
Il faut savoir passer outre et découvrir les merveilles que recèle ce roman. L'auteure, en effet, fore avec obstination ce thème de la maternité, traque les ressemblances entre ces deux femmes dans leur rapport à la maternité. Toutes deux , pour des raisons totalement opposées auraient pu prononcer ces paroles : "Ma bouche lavée à grande eau de tous ces mots liés, ces mots tordus et râpeux comme de la laine de fer." le récit rebondit sans cesse, même si le rythme semble volontairement ralenti, comme si nous évoluions dans un cauchemar ...
Le séjour dans la thalasso nous montre également une lutte des classes en sourdine, feutrée...Sous des dehors bien lisses, la réalité est plus râpeuse...
La langue de Karine Reysset, toute en retenue, sauf quand explose la violence des mots enfouis depuis trop longtemps, nous fascine et nous entraîne dans sa poésie âpre et tendre. A tenter absolument.
Un grand merci à Amanda qui a fait voyager ce livre et a su me donner envie de le découvrir.
Pour retrouver un autre titre de cette auteure en poche, c'est ici.
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28/03/2008
"Elle pourrait marcher sur les nuages, s'endormir parmi les étoiles et croquer un bout de lune brune"
Si vous avez parfois rêvé d'être une petite souris pour savoir comment vivent, rêvent, espèrent,s'ennuient les ados d'aujourd'hui, alors ce livre est pour vous !
Dans La vie rêvée de Mademoiselle S., Samira El Ayachi, dans un style très imagé (juste un cliché ou deux qui auraient pu passer à la trappe) , nous relate la vie d'une héroïne avec qui elle a du avoir quelques points communs dans un passé pas si lointain car l'auteure est toute jeune.
Salima est bonne élève mais voudrait avoir de l'argent dans ses poches et se présente pour un poste de femme de ménage...Salima nous raconte ses amis de tous âges et de toutes origines dans cette banlieue lilloisse ni pire ni meilleure qu'une autre, les profs, les fêlés du quartier, esquivant avec tendresse et humour tous les clichés que l'on craignait de rencontrer.. On la suit aussi au Maroc pendant son séjour estival, fidèle à ses racines, mais bien contente de rentrer en France car "Ici, je ne suis qu'une Française aux mains et aux pieds de verre." Le roman vaut surtout pas le ton et le style de l'auteur, on sent un souffle, une inspiration, un amour des mots. Samira El Ayachi file les métaphores avec brio, enchaîne les périphrases, les métaphores poétiques (un bus devient une roulotte où une femme se métamorphose sous nos yeux) et nous embarque dans les visions et les rêves de son héroïne."Tu délires. Oui, c'est vrai. mais je ne trouve pas le sommeil. ça fatigue de vivre. Il en faut del 'énergie , pour se couper de ses rêves, courir après le métro, le bus, aller en cours, manger, rire, faire bien ses devoirs, embrasser le front ridé de sa mère, celui de son père (enfin, quand il n'est pas sur les routes). et encore faire ses devoirs, ceux de la petite soeur, et aider les voisines. Repasser ses fringues pour le lendemain. Rêver les yeux ouverts d'un prince imbécile aux yeux verts et vivre pleinement le présent de ses dix-huit ans."
Manque juste une véritable tension dramatique...Un bon moment néanmoins. une découverte à poursuivre
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