01/05/2008
Marions-les ,marions-les
Ne pas se fier à la couverture sucrée du roman d'Audrey Diwan, la fabrication d'un mensonge n'est pas un roman sentimental , loin s'en faut.
De mariage il en sera certes question puisque l'héroïne qui navigue depuis sept ans de la philosophie à l'ethnologie en passant par l'histoire de l'art, trouve un job d'été dans une boutique un peu miteuse "Mariage 2000". C'est là que Raphaëlle va se jeter "avec une certaine allégresse" dans les griffes de Lola, menteuse patentée.
La dilettante qui travaille "pour qu'il lui arrive des choses" connaîtra une expérience marquante avec cette fille débrouillarde et rusée qui la fascine.
Un style vigoureux et une vraie aisance dans la narration. Une auteure à découvrir et à suivre.
L'avis plus nuancé de Laure
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22/04/2008
"Chansons pour bestioles"
Les bestioles , ce sont les autres,ceux avec qui Marthe tentent d'établir un semblant de communication. Mais rien n'y fait: dès que La jeune femme apparaît, la réalité dérape subtilement jusqu'à dérailler complètement comme le train dans lequel elle a pris place au lieu d'aller à son travail.
En effet, Marthe a décidé de changer de vie (thème à le mode) et ne fera désormais que ce qui lui plaît.
Cette difficile exigence n'est pas du tout envisagée de manière banale dans le premier roman de Cécile Reyboz. Pas d'histoire à l'américaine , triomphaliste, mais un personnage qui nous entraîne dans son univers, qui est presque le notre mais pas tout à fait. En effet, Marthe ne maîtrise pas son corps dans l'espace et envisage celui des autres d'une manière toute particulière...
Habillée comme un évêque ou comme une putain, répétant ses prises de parole, voire les mimant, Marthe se veut critique vis à vis de ce que l'on appelle la réalité et semble en perpétuel déséquilibre.
Chanson pour bestioles est un roman qui possède à la fois un vrai univers à la fois cocasse et poétique ,un style subtilement dérangeant et une narration habile. Une auteure à suivre.
ps: ce roman vient d'obtenir le Prix Lilas.
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11/04/2008
Où rôde le fantôme de Perec
Attirée par le titre de ce roman,, derniers vers du poème de Perec, Déménager, j'ai entamé avec enthousiasme la lecture du texte de Lise Beninca, Balayer fermer partir.
Si le début et la fin (vraiment originale) m'ont intéressée, je me suis peu à peu perdue dans les méandres des réflexions de la narratrice sur ce que signifie l'occupation de l'espace.
Beaucoup de références à Perec qui le premier s'était penché sur la question, mais bizarrement ni le titre ni l'extrait du poème mentionné plus haut ne lui sont attribués.
je suis restée totalement extérieure à ce texte aride et sans chair.
Un grand merci à Guillaume Teisseire de Babelio qui a tenu , très gentiment, à se substituer aux éditions du Seuil dans le cadre de l'opération Masse critique.
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10/04/2008
La fille transparente
Bon, allez, je peux le dire maintenant, puisqu' il y a prescription: la seule chose que j'avais aimée dans Elle fait des galettes, c'est toute sa vie était ...la couverture rayée !
Même si celle de Ker Violette est très réussie aussi (dans un autre genre)( n'oublions pas que Karine Fougeray a été graphiste dans une autre vie) son héroïne restera longtemps dans ma mémoire.
Excessive, cette fille qui cherche son cheval, l'est jusqu'à l'outrance.Cette sirène "qui a des écailles en elle" navigue entre terre et mer(e). Au fil de ses rencontres, les fils du passé se dénouent et le portrait se précise peu à peu. L'enfant blessée réapparaît dans Clara qui se jette avec avidité parfois sur les hommes ou les bolées de champagne...
Dans une langue très imagée, où surnagent parfois quelques clichés, scories qui auraient facilement pu être gommées, Karine Fougeray nous propose une histoire attachante dont les personnages sonnent juste. Un roman que j'ai lu d'une traite même si je n'ai pas de sympathie particulière pour les chevaux !
Le blog de l'auteure
Elles ont été emballées et ont su vaincre mes réticences :
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03/04/2008
Le téméraire
Le narrateur, venu, comme d'habitude passer ses vacances en famille dans sa maison de la côte normande, va peu à peu délaisser sa femme et ses deux filles au profit d'une vieille dame qui le rudoie mais le fascine.
Nouée incidemment, cette relation toute platonique, sera l'occasion d'un dialogue haché concernant la culture Hopi et le voyage d'André Breton aux Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale. Choc de cultures, transformation du sacré en oeuvre d'art. cette partie "historique" aura des retentissements dans le présent du narrateur qui risque gros en se laissant entraîner...
La chaleur et la poussière du désert évoqués s'opposent à la réalité du climat humide de la Normandie. Passé et présent se rejoignent dans un rythme lent qui diffère sans cesse la révélation de secrets...
Ce très beau texte de Claudie Gallay, Dans l'or du temps m'a fait penser au film de Josée Dayan "Cet amour-là"traitant de la relation entre Marguerite Duras et Yann Andréa. Même attraction des jeunes hommes. Mêmes rudoiements de la part des femmes âgées. Même décor.Mais bien évidemment,le thème en est tout différent.
Un texte insaisissable comme le sable du désert.
L'avis de Clarabel
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31/03/2008
"Le corps cassé/toujours vivant/ je traverse l'été."
Deux femmes issues de milieux sociaux tout à fait opposés. L'une très jeune, mère involontaire, qui s'apprête à accoucher sous X, Emilie. Judith, quant à elle, espère avec ferveur la naissance de son enfant, enfant qui ne survivra pas. Une logique folle se met alors en marche...A ce moment là du récit (nous ne sommes qu'au tout début de l 'action) j'ai failli lâcher le roman de Karine Reysset, Comme une mère.
Envisager quasi simultanément les deux faits que redoute le plus une mère me semblait de l'ordre de l'insoutenable.
Il faut savoir passer outre et découvrir les merveilles que recèle ce roman. L'auteure, en effet, fore avec obstination ce thème de la maternité, traque les ressemblances entre ces deux femmes dans leur rapport à la maternité. Toutes deux , pour des raisons totalement opposées auraient pu prononcer ces paroles : "Ma bouche lavée à grande eau de tous ces mots liés, ces mots tordus et râpeux comme de la laine de fer." le récit rebondit sans cesse, même si le rythme semble volontairement ralenti, comme si nous évoluions dans un cauchemar ...
Le séjour dans la thalasso nous montre également une lutte des classes en sourdine, feutrée...Sous des dehors bien lisses, la réalité est plus râpeuse...
La langue de Karine Reysset, toute en retenue, sauf quand explose la violence des mots enfouis depuis trop longtemps, nous fascine et nous entraîne dans sa poésie âpre et tendre. A tenter absolument.
Un grand merci à Amanda qui a fait voyager ce livre et a su me donner envie de le découvrir.
Pour retrouver un autre titre de cette auteure en poche, c'est ici.
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28/03/2008
"Elle pourrait marcher sur les nuages, s'endormir parmi les étoiles et croquer un bout de lune brune"
Si vous avez parfois rêvé d'être une petite souris pour savoir comment vivent, rêvent, espèrent,s'ennuient les ados d'aujourd'hui, alors ce livre est pour vous !
Dans La vie rêvée de Mademoiselle S., Samira El Ayachi, dans un style très imagé (juste un cliché ou deux qui auraient pu passer à la trappe) , nous relate la vie d'une héroïne avec qui elle a du avoir quelques points communs dans un passé pas si lointain car l'auteure est toute jeune.
Salima est bonne élève mais voudrait avoir de l'argent dans ses poches et se présente pour un poste de femme de ménage...Salima nous raconte ses amis de tous âges et de toutes origines dans cette banlieue lilloisse ni pire ni meilleure qu'une autre, les profs, les fêlés du quartier, esquivant avec tendresse et humour tous les clichés que l'on craignait de rencontrer.. On la suit aussi au Maroc pendant son séjour estival, fidèle à ses racines, mais bien contente de rentrer en France car "Ici, je ne suis qu'une Française aux mains et aux pieds de verre." Le roman vaut surtout pas le ton et le style de l'auteur, on sent un souffle, une inspiration, un amour des mots. Samira El Ayachi file les métaphores avec brio, enchaîne les périphrases, les métaphores poétiques (un bus devient une roulotte où une femme se métamorphose sous nos yeux) et nous embarque dans les visions et les rêves de son héroïne."Tu délires. Oui, c'est vrai. mais je ne trouve pas le sommeil. ça fatigue de vivre. Il en faut del 'énergie , pour se couper de ses rêves, courir après le métro, le bus, aller en cours, manger, rire, faire bien ses devoirs, embrasser le front ridé de sa mère, celui de son père (enfin, quand il n'est pas sur les routes). et encore faire ses devoirs, ceux de la petite soeur, et aider les voisines. Repasser ses fringues pour le lendemain. Rêver les yeux ouverts d'un prince imbécile aux yeux verts et vivre pleinement le présent de ses dix-huit ans."
Manque juste une véritable tension dramatique...Un bon moment néanmoins. une découverte à poursuivre
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21/03/2008
Charlémoi , émois émois émois ...
Charlémoi est un récit à plusieurs voix. Celle d'Edouard d'abord, auteur de jeunesse pour enfants qui part faire le point dans la riante région des Vosges . Celle de Gloria, qui travaille en usine et qui pense beaucoup trop aux autres et pas suffisamment à elle même ...Celles d'autres personnages ( y compris une lampe chez un artiste !) encore viendront se mêler et petit à petit vont se renouer les fils du passé d' Edouard, ce passé qu'il traîne comme un sac trop lourd...
D'emblée le lecteur est séduit par le style de Christine Jeanney et si Edouard se désespère que ses livres ne soient pas "recyclabe[s] en cotations", tel n'est pas le cas ici, mon exemplaire de Charlémoi étant tout hérissé de bouts de papiers ! Mais attention pas de citations pontifiantes à coller comme autant de fleurs séchées dans un herbier ! Non! des citations comme autant de diablotins sautillants qui viennent vous faire sourire ou vous émouvoir car Christine Jeanney aime les mots* et les manipule avec fluidité et dextérité.
Si j'ai d'abord marqué une nette préférence pour le personnage de Gloria, Edouard me semblant risquer un peu la nombrilite aiguë,je me suis petit à petit attachée aussi à ce personnage changeant et plus sombre qu'il n'y paraît de prime abord.
Avoir du style, c'est bien mais savoir raconter une histoire c'est encore mieux et l'auteure s'y entend parfaitement aussi. je me suis laissée chahuter par la construction éclatée (j'adore ça) et c'est un peu sonnée mais souriante que j'ai terminée la lecture de Charlémoi. Un pur moment de plaisir ! à quand le suivant, Christine ?
Ps: ne comptez pas sur moi pour en faire un livre voyageur, je me le garde jalousement tout hérissé qu'il est car il faut faire vivre les petites maisons d'édition courageuses !
* Et les livres aussi! D'où une description de librairie aussi jouissive que celle de Jean-Marie Gourio dans Chut !
-L'avis plus qu' enthousiaste de Cuné
le blog de l'auteure .
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13/03/2008
Pourquoi je réessaie quand même ....
D'abord, je me laisse tenter par les titres à la fois poétiques et diablement efficaces: Cet effrayant besoin de famille, le privilège des rêveurs...
Ensuite, ces familles improbables, souvent au coeur de ces romans m'intéressent beaucoup...L'écriture de Stéphanie Janicot, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, est agréable et je lis ses textes jusqu'au bout mais avec toujours un sentiment d'insatisfaction.
La lecture du Privilège des rêveurs m' a permis de mettre le doigt sur ce qui me chiffonne: les sentiments sont bel et bien présents mais exprimés de manière trop feutrée, pas assez heurtée. Les conflits restent larvés et j'ai trouvé que la relation entre cette fille abandonnée par sa mère et cette dernière étaient trop rapidement pacifiée. Les problèmes se résolvent bien trop harmonieusement, les aspérités de la vie étant trop vite rabotées. J'ai néanmoins apprécié la description de la relation trouble qui s'établit entre l'écrivaine héroïne du privilège des rêveurs et le modèle réel dont elle s'est inspirée pour un de ses personnages.
les avis plus enthousiastes de
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07/03/2008
"What a glorious day!"
D'abord un peu d'appréhension : vais-je retrouver le charme des yeux jaunes des crocodiles ? Les suites sont si souvent décevantes, davantage dictées par l'économie que par l'envie réelle...
Mais très rapidement la magie opère, grâce aux rappels savamment instillés par Katherine Pancol, on se réinstalle très vite parmi les nombreux personnages de cette Valse lente des tortues , qui nous redeviennent très vite familiers, comme de vieux amis perdus de vue avec qui la conversation reprend comme si nous nous étions quittés la veille. Nous retrouvons avec plaisir Jo(séphine) qui se juge elle même "femme de peu d'éclat"et a bien du mal à s'habituer à la richesse et à la notoriété que lui a apporté son livre, ses filles, la plus jeune découvrant les joies de l'amour,l'aînée celle de la réussite dans son école de mode londonnienne...Quant à Iris,dont le "coeur est un cactus hérissé de sourires", la soeur dominatrice de Jo , elle a bien du mal à encaisser le succès de cette dernière mais n'a pas dit son dernier mot.
Si les sentiments et les relations familiales priment toujours, la tonalité devient parfois plus sombre avec des incursions dans le monde du polar et Katherine Pancol nous fait passer en un clin d'oeil du sourire à l'angoisse. Son roman, comme la vie fourmille d'histoires, on se cultive au passage en apprenant (entre autre)d'où vient l'expression "travailler au noir"*, on croise un chien noir si moche qu'il sera appelé Duguesclin, (je vous laisse deviner pourquoi), chien qui adore le jazz, quelques tortues qui passent mine de rien,à deux ou quatre pattes, des tas de personnages parmi lesquels on évolue sans aucun souci de se perdre, et l'on valse lentement de page en page pour faire durer le plaisir ...
Cuné m'a fait découvrir le terme "page turner", livre qui donne envie de tourner les pages, il faudrait en inventer un autre pour correspondre au roman de katherine Pancol, livre qui donne envie de tourner les pages mais pour lequel on se rationne volontairement pour que le plaisir dure un peu plus longtemps...
le site de l'auteure
*"La chartre des artisans [...]exigeait que le travail ne s'effectue qu'à la lumière du jour.certains maîtres , pour augmenter le rendement de leurs ouvriers, les faisaient travailler à la chandelle, une fois la nuit tombée, ce qui était interdit." (p.531)
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