10/02/2009
"La branchouillarde et le cul-bénit."
Deux amies perdues de vue depuis longtemps renouent sept ans après que leurs chemins se soient séparés. Recommencent alors leurs drôles de relations, oscillant entre dépendance et désinvolture, amour et haine, voire folie...
Marine Bramly dans ce premier roman, Festin de miettes, s'aventure sur un territoire déjà bien balisé, celui de l'amitié féminine , en y instillant une dose de noirceur réjouissante. Commencé de manière plutôt conventionnelle et primesautière, le récit va progressivement virer à l'aigre quand sera révélé le motif de la brouille qui avait séparé Deva la vierge folle et Sophie la vierge sage.
L'auteure analyse finement la psychologie de ses personnages et fouille avec délectation leurs plaies . Elle les promène de St germain des prés aux quartiers les plus pauvres de Dakar et nous les suivons avec le même enthousiasme car elle a l'art de rendre vivants jusqu'aux personnages secondaires. Dommage que la fin ne soit pas à la hauteur de nos espérances, mais là c'est mon fichu besoin de vraisemblance qui refait surface. !Un fort joli moment de lecture.
Sortira en poche le 11 février mais j'ai craqué sur l'édition "France Loisirs"!
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : festins de miettes, marine bramly, amitié, trahison, folie
05/02/2009
"Ici tout pouvait arriver, sauf la justice."
La frontière entre Mexique et Etats-Unis sépare les hommes mais pas les marchandises. Dans les maquiladoras,sont exploitées par des compagnies internationales des femmes, mains d'oeuvre docile et bon marché. "Nom de Dieu, ce n'était même pas le monde de Zola, au moins il y avait les corons. C'étaient plutôt Les Misérables , d'Hugo Ou mieux encore , le monde ouvrier du dix-neuvième siècle décrit par Dickens, avec ses grisettes jetées dans la prostitution par des maquereaux qui les ramassaient dans des bals populaires.
Il y avait même un Jack l'Eventreur. ou plusieurs."
Cinquante femmes ont été en effet retrouvées assassinées, violées et mutilées à Ciudad Jùarez, ville frontière . Un journaliste madrilène, Toni Zambudio mène l'enquête dans un pays avec qui il a des comptes à régler et où bientôt chacun va s'employer à le renvoyer chez lui, avant qu'il ne soit trop tard...
Patrick Bard se base ici sur des fait réels et démonte les rouages de la double oppression dont sont victimes les femmes: en tant qu'ouvrières mais aussi en tant que "marchandise sexuelle".
On cherche en vain une lueur d'espoir et l'on suit, estomaqué, les rebondissements de l'enquête dans une atmosphère saturée de violence et de chaleur. Une oeuvre dense et nécessaire.
un grand merci à Fashion pour l'envoi !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : la frontière, patrick bard, je ne mettrai jamais les pieds au mexique
27/01/2009
"Et l'on a décidé que ce serait quoi? - Un suicide naturellement."
"De toutes les marionettes de Yonville, c'était pourtant celle qui jouissait de la plus mauvaise réputation et de la plus jolie moustache."
Qui dit Yonville dit Madame Bovary et pour tous les lecteurs de Flaubert cette dernière s'est bien évidemmment suicidée. Mais Philippe Doumenc lance une contre-enquête car des traces de contusions ont été relevées et l'un des deux médecins appelés à son chevet a entendu les derniers mots de la mourante "Assassinée pas suicidée".
Reprenant à son compte le décor, les personnages et l'ambiance du roman initial, Doumenc se joue avec habileté du lecteur (pour son plus grand plaisir ) et trousse avec habileté cette Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary
La Normandie sous la neige de mars ne pourra longtemps dissimuler la boue des secrets bien gardés des petits-bourgeois de Yonville.
Un régal, que l'on ait lu ou pas le classique de Flaubert.
Vient de sortir en poche chez Babel, 187 pages.
de Papillon
de Marie
Du Biblioblog
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : philippe doumenc, contre-enquête sur madame bovary, le charme vénénneux de la normandie sous la neige de mars
22/01/2009
"Leibowitz : c'est la classe internationale en toute circonstance"
Christophe Leibowitz , avocat pénaliste commis d'office, barbote quasiment avec délices dans le monde crapoteux des dealers et des proxénètes sans envergure. Pourquoi, après avoir flirté avec le luxe, va-t-il se retrouver à croupir en prison, à raconter les romans de Flaubert à un Albanais ? "-On dirait que tu éprouves du plaisir à être là, je me trompe ?
-Non, c'est possible. Personne ne pourra dire que je n'ai pas cherché à explorer toutes les facettes de ce métier."
Tour à tour berné et finaud, désabusé et plein d'allant,Leibowitz a le chic pour se fourrer dans les situations les plus tordues : "Et si j'avais accepté de rentrer dans ce coup foireux uniquement pour ne pas décevoir trois débiles auxquels je ne serrerais même pas la main si quelqu'un m'en donnait le choix ? "
Nous le suivons avec délices, le sourire aux lèvres, dans les arcanes parfois ubuesques de la justice, découvrant au passage les conditions de vie quasi moyenâgeuses de certaines prisons car, mine de rien, Hannelore Cayre donne des coups de griffe , sans jamais s'attarder lourdement. Les situations les plus sordides sont envisagées avec le plus grand naturel,normal, les avocats sont un peu blasés.La construction donne un peu le tournis au début mais très vite nous prenons nos marques et suivons avec une jubilation extrême les tribulations de cet avocat commis d'office qui parviendra, on s'en doute à retomber sur ses pattes ! Du rythme et du fond, de l'humour pour pimenter le tout, un cocktail réussi !
Premier opus des aventures de Christophe leibowitz qui viennent de paraître en un seul volume (Points seuil) qui réunit donc: Commis d'office, Tableaux de maîtres et Ground XO.
Adapté au cinéma par Hannelore Cayre avec le très beau Roschdy Zem, sortie en salle au printemps 2009 .
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : commis d'office, hannelore cayre, roman noir, humour puissance 10
15/01/2009
Un samedi soir sur la terre
"Dominique Périchon est un pseudonyme. Son vrai nom est Périchon Dominique." Le voyage aurait pu commencer sous des auspices moins souriants...Nous voilà donc partis en compagnie de Lydie et de sa copine grâcieusement surnommée "Chatte" (!) non pas dans un night-club mais une boîte de nuit car l'action se déroule" dans nos provinces". Les deux "greluches", je cite toujours , viennent chercher l'une sa part de rêve de pacotille , l'autre celui pour qui elle remplira sa fonction de "réservoir aux mâles du canton." Lydie repartira avec un Travolta à la petite semaine , ils écraseront une chienne, ce qui donnera lieu à des révélations grandguignolesques.Ellipse. Nous retrouvons tous ces fantoches quelques années plus tard en train de se Bidochonner tristement puis de partir en vrille, évoluant dans un monde où tout est faux, de la noyée au sauveteur.
Samedi soir et des poussières n'est pas un roman mais une pièce de Guignol même pas drôle. Les personnages n'ont aucune épaisseur psychologique et les tentatives d'humour tombent systématiquement à plat tant on ressent de mépris dans ce qu'évoque l'auteur. Dommage le style est souvent pétillant mais l'histoire est totalement insensée.Un de ces livres qu'on referme en disant "à quoi bon ? "
Merci à Cuné pour l'envoi !
L'avis de Laurence, nettement plus enthousiaste !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : dominique périchon, samedi soir et des poussières
09/01/2009
"J'ai rendez-vous avec une bombe. Si tu foires, je te fume!"
SEGPA, CPA autant de sigles inconnus* pour Chefdeville, auteur d'un unique roman policier (quinze ans déjà !), et qui va pactiser avec l'ennemi de toujours, à savoir l'Education Nationale, en acceptant d'animer des ateliers d'écriture dans des sections en difficulté.Même si l'animateur improvisé est un fameux lascar,"...je décidai que c'était le moment de mettre mon grain de sel. Mais moi je ne fonctionnais qu'au gros sel et je visais toujours entre les deux yeux.", la réalité va le frapper de plein fouet et il aura fort à faire pour que tout son petit monde prenne la plume entre deux conflits verbaux !
Tirant à boulets rouges avec une verve réjouissante sur les institutions , bien moins sur certains profs, derniers des Mohicans à tenter de préserver des îlots de culture, Chefdeville s'en prend aussi aux écrivains : " Ce sont souvent des gens prétentieux et nombrilistes, pas autant que les théâtreux, ça c'est impossible, mais ils en tiennent tout de même une sacrée couche."ça fuse de partout, c'est bourré d'énergie et ça m'a fait éclater de rire à de nombreuses reprises du début à la fin ! Un feu d'artifice pour qui ne craint pas l'écriture non académique ! Et, s'il vous plaît Monsieur Chefdeville, le prochain roman, pas dans quinze ans !
Un énorme merci à Cuné pour cet envoi revigorant !
*cachant des tribus bizarres et quelque peu laissées en friche par l'Education Nationale.
L'atelier d'écriture,Chefdeville, Le dilettante, 253 pages à dévorer !
06:05 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : chedeville, l'atelier d'écriture, ah que j'ai ri ! j'endemande, vite !
07/01/2009
...on n'a jamais fini de vous connaître, vous êtes comme le Bronzé d'Amposta."
Alexis, cinéaste en devenir et démiurge potentiel, s'acoquine avec Sammy, malfrat cinéphile qui veut faire de sa vie une oeuvre d'art à savoir bien évidemment un film, quitte à modifier son existence pour que le script "colle" mieux aux desiderata du réalisateur.Mais très vite, cette amitié se révèlera encombrante , voire dangereuse, pour Alexis qui découvrira à ses dépens que la réalité peut très rapidement dépasser la fiction...
Entrer dans Le film va faire un malheur c'est se laisser entraîner dans un récit au rythme endiablé, une mécanique de précision où chaque détail a son importance tôt ou tard, où les personnages , évoluant tour à tour dans les milieux de la pub, du cinéma, ou du crime ont comme point commun de chercher à manipuler, avec des résultats souvent fort drôles, leurs prochains.
Alexis, qui souhaite entretenir avec les autres des "rapports intermittents et irresponsables" pourrait être franchement imbuvable , mais le fait qu'il soit comme placé dans un shaker agité par un fou furieux du début à la fin le rend finalement plus supportable. Sammy , lui, s'échappe très vite du stéréotype dans lequelle réalisateur voudrait commodément l'enfermer et fait craquer le vernis littéraire de son coach cullturel. Quant à Clara, "plan cul" ou "fiancée" suivant l'humeur d'Alexis, elle se révèle bien plus forte et équilibrée que les hommes qui l'entourent et elle rendra coup pour coup car "La gentillesse de Clara était ce qu'elle avait de plus féroce."
Flirtant parfois avec le drame, le roman est néanmoins une comédie grinçante dont le style alerte, truffé de formules qui font mouche (mon exemplaire en est sorti tout hérissé!) nous emporte dans une frénésie intense .On se demande parfois comment Georges Flipo va s'en sortir mais il révèle ici une habileté diabolique et jamais son récit ne s'essouffle. A quand l'adaptation cinématographique ? !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : georges flipo, le film va faire un malheur, humour, cinéma, publicité, manipulations à gogo
30/12/2008
"Elle écrase son chagrin contre la vitre."
Ouvrir un livre de Françoise Lefèvre c'est pousser la porte d'une maison amie, entrer dans un univers où la douleur n'est pas exclue mais où elle est apprivoisée. L'écriture à la fois poétique et sensuelle de cette auteure nous accompagne tout au long du parcours de La grosse : son installation dans cette maison de garde-barrière, son amitié avec un vieil homme aux portes de la mort mais chérissant la vie. Pauvres tous deux mais riches d'amour et prodigues de cet amour, réussissant à créer une sorte de paradis en marge de la ville et de la mesquinerie de ses habitants...Mais tout va se dégrader et Céline connaîtra une Passion proche de celle de Marie-Madeleine...
Ce livre, très court, est riche de phrases qu'il faut laisser infuser, au hasard :
"Elle sent les arbres qui poussent dans sa tête. La pluie fine gonfle ses cheveux comme dans une mansarde d'amour. Les yeux dans le ciel, elle boit la campagne comme une liqueur verte."
"C'est inouï le nombre de gens qu'il faut chasser de sa route pour qu'ils ne viennent pas piétiner les joies minuscules d'une journée."
Un livre à chérir.
L'avis de Florinette qui a remis ce livre-voyageur sur les rails ...ce dont je la remercie chaleureusement !
06:05 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : la grosse, françoise lefèvre, poésie, sensualité
26/12/2008
Heureuse surprise !
Des a priori , j'en avais plein mes poches: l'histoire , dramatique au possible , cette femme qui veille,en Afghanistan ou ailleurs, sur un homme dans le coma; le style, que je craignais lyrique.Mais Papillon avait su me tenter, Aifelle aussi (pas de billet pour l'instant ? )et quand je l'ai trouvé à la médiathèque j'ai sauté dessus.
Bien m'en a pris car Syngué Sabour, pierre de patience fait voler en éclats tous les clichés que l'on pourrait s'attendre à trouver dans un tel texte. J'y aivu une tragédie se déroulant inexorablement en un seul lieu, cette pièce où l'homme est étendu, pièce qui fonctionne comme un aimant, attirant à elle tous les protagonistes. Peu de personnages,principalement bien sûr cette femme qui se libère par la parole devant ce corps masculin qui devient peu à peu pour elle une pierre de patience, "pierre magique que l'on pose devant soi pour déverser ses malheurs, ses souffrances, ses misères...".Cette femme, tiraillée entre rébellion et soumission,soigne son mari mais en même temps l'injurie et lui assène tout ce qu'elle n'a jamais osé lui dire: "Cette voix qui émerge de ma gorge, c'est la voix enfouie depuis des milliers d'années.". Peu à peu se reconstitue l'histoire d'un mariage arrangé, mariage qui a peu de réalité , sinon aux yeux de la loi et de la religion, tandis qu'autour la guerre se déroule et parfois s'immisce dans la maison. Cette épouse sauve ses filles mais parviendra-t-elle à se préserver ?
Il y a une telle vitalité dans ce roman qu'on a envie de crier : "Vas-y, fais ce que tu dois faire !",révoltée que l'on est devant la situation qui est imposée au femmes en Afghanistan et ailleurs . Rappelons par ailleurs qu'Atiq Rahini a écrit ce roman "à la mémoire de N. A.*-poétesse afghane sauvagement assassinée par son mari."
Dans une langue fluide et poétique le romancier célèbre la victoire-même de courte durée- de la sensualité sur l'oppression politique et religieuse. Un prix Goncourt qui restera dans les mémoires .
Syngué sabour. Atiq Rahini.POL.154 pages.
*Nadia Anjuman (25 ans)
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : prix goncourt 2008, syngué sabour, pierre de patience, atiq rahimi
17/12/2008
"...c'est l'antagonisme qui crée la beauté."
Ah, il l'a mauvaise Mohamed ! Non seulement sa fille "unique et préférée" Myriam poursuit ses études loin de lui à Toulon, mais en plus elle vient de lui forcer la main pour qu'il cohabite avec son amoureux, un nommé Gaston Leroux (comme l'auteur, pas la chicorée), un Gaulois pur jus ! Forcément, ça va faire des étincelles (d'autant plus que Mohamed est artificier...).
Alors, pour retrouver sa sérénité, le père bougon se réfugie dans les contes et légendes qu'ils partageaient avec sa fille quand elle était petite, des contes qui tissent un lien entre le passé de 'Algérie et le présent parisien. Mais attention, ces contes qui s'entremêlent savamment avec la réalité,il y parle "avec des mots d'aujourd'hui.ça va vite, il fait swinguer les phrases et les mots d'argot.", ils ne sentent pas la naphtaline !
Commencé sur un mode humoristique et léger, le roman,au fil des récits du passé algérien gagne en gravité et profondeur. On sourit d'abord de ce père qui ne veut pas admettre que sa fille n'est plus à lui tout seul. On a le coeur serré quand le roman se termine et on se sent un peu orphelin à l'idée de quitter ces personnages croqués avec la verve d'Akli Tadjer.
Akli Tadjer. Il était une fois peut être pas. JC Lattès.327 pages
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