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09/03/2013

Le chapeau de Mitterrand ...en poche

Il avait triomphé de tous les obstacles, à la manière des héros de contes , qui traversent  royaumes, rivières, forêts et montagnes à la recherche d'une pomme d'or ou d'une pierre magique qui leur apportera la puissance et la gloire, ou tout simplement le sentiment du défi relevé."

Daniel Mercier, comptable,  s'approprie le chapeau du Président de la République que ce dernier a oublié dans un restaurant où leurs tables étaient voisines. Dès lors, hasard ou puissance de la projection qu'il fait sur cet emblème de pouvoir, la vie de ce français modeste va être transformée. Mais comme dans tout conte qui se respecte, l'objet magique va passer de propriétaire en propriétaire, influant sur leurs antoine laurainexistences et permettant de brosser au passage une réjouissante rétrospective des années 80. à noter d'ailleurs que seul le premier "utilisateur" du couvre-chef est au courant de l'identité du propriétaire réel, ce qui donne encore plus de saveur à la projection qu'ils vont faire sur cet objet, l'utilisant comme un déclencheur, un levier providentiel qui vient donner une nouvelle impulsion à leurs vies.
Ah on peut dire que j'ai pris mon temps pour me décider à lire  ce roman ! J'ai traîné des pieds mais, une fois commencé, je n'ai plus lâché ce Chapeau de Mitterrand ! Une vraie fontaine de jouvence qui m'a ramenée trente ans en arrière , m'a fait sourire jusqu'à la pirouette finale qui remet en perspective tout le roman !  Une fable réjouissante et un style enlevé, que demander de plus? !

25/02/2013

Je tue les enfants français dans les jardins

"Je me lève le matin pour aller passer quelques heures sous les crachats et puis je rentre."

"N'essayez même pas de faire cours, Mademoiselle. Sauvez votre peau.", tel est le conseil que son inspecteur a prodigué à Julia Genovesi, jeune prof d'italien dans un collège marseillais. Voilà qui est bien loin des attentes de la jeune femme et qui ne lui sera pas d'une grande utilité. Le jour où un des semi-délinquants qui "chauffent" les places de sa classe ira trop loin, Julia ne pourra s'appuyer ni sur ses collègues "ratatinés" ni sur sa hiérarchie, débordée, et ne voulant surtout pas faire de vagues. Elle ne pourra compter que sur elle-même et sur la haine qui l'habite, sentiment qui lui fait horreur.
Roman noir, très noir, Je tue les enfants français dans les jardins analyse de l'intérieur ce formidable gâchis qui est en train de se dérouler dans certains collèges.marie neuser
La narratrice réfute avec vigueur les thèses généralement avancées et balance par dessus bord bons sentiments et langue de bois. Le style est vif, acéré et sensible à la fois. Un premier roman comme un coup de poing.

Déniché à la médiathèque.

Je tue les enfants français dans les jardins, Marie Neuser, L'Ecailler 2011, 164 pages dérangeantes et c'est tant mieux!

21/02/2013

L'art difficile de rester assise sur une balançoire

"Trop de béatitude appelle la baffe ; c'est peut être bien fait pour moi. "

Vlan ! Pauline qui menait une vie parfaite entre mari idéal et enfants modèles se prend un grand coup de réalité en pleine figure quand son époux la quitte . Pour sa meilleure amie, tant qu'à faire. Du cliché banal et douloureux (mais la vie ressemble souvent à ce type de tautologies) qui va la laisser sonnée.
Seul conseil donné par sa mère, psychiatre renommée : une stratégie d'évitement qu'elle va mener de manière jusqu'au boutiste, allant jusqu'à prétendre que son ex-mari est mort. Mais ce dernier s'évanouit dans la nature pour de vrai...emmanuelle urien,divorce
Dévoré d'une seule traite ce roman très fluide et agréable à lire (car on y retrouve l'écriture inventive et imagée d'Emmanuelle Urien) m'a pourtant laissée une impression mitigée.
Je n'ai en effet éprouvé pas beaucoup de compassion ni de sympathie pour celle qui se définit elle-même comme " une petite-bourgeoise désoeuvrée repliée sur l'échec de son couple  ", peut être parce qu'autour de moi je connais beaucoup de femmes qui, à la douleur d'être quittée, doivent ajouter en outre de graves problèmes économiques.
Par ailleurs, le récit ne cède pas à la tentation d'un virage vers une version plus noire qui aurait été, à mon avis, nettement plus intéressante, car plus radicale. Il n'en reste pas moins que j'ai apprécié  l'analyse fouillée des sentiments de cette femme et le récit de son évolution vers une possible renaissance.

Le billet de Françoise Guérin : clic !

L'art difficile de rester assise sur une balançoire, Emmanuelle Urien, Denoël 2013, 217 pages piquetées de marque-pages.

 

 

11/02/2013

Et puis ça fait bête d'être triste en maillot de bain

"Seuls les propres seront sauvés."

 La forme courte et fragmentaire sied parfaitement à ce texte qui revient sur l'itinéraire d'une jeune femme ayant encore du mal à se dire auteure. Dès sa naissance," ...Elle est laide un peu sommaire", aurait dit sa grand-mère, Amandine Dhée constate que "...les mots manquent souvent pour dire ce qui pèse sur le ventre." Mais elle, elle les trouve et nous les llivre avec pudeur et sensibilité.
Si elle explore ses failles intimes , ce n'est jamais avec complaisance ou dolorisme mais avec un humour imparable, qu'elle exerce souvent à ses dépends, forgeant des néologismes qui ne heurtent jamais ni les yeux ni les oreilles. "La camoufle est impossible.", on sent parfaitement qu'Amandine Dhée aime lire ses textes en public !amandine dhée
La famille , "Chez nous, on aime les livres et on se méfie des institutions, [...] ça se boussole pas si mal", mais aussi l'aspect économique de l'écriture "Oui, j'en vis. J'en vis de pouvoir dire. Quelque part, une salle d'attente avec tous ces mots désirant être prononcés.", la maternité qui semble difficilement compatible avec la création, les maladresses en société : "Tenter de séduire et parvenir en une phrase à vexer l'ensemble du service.", mais aussi le décalage entre  les injonctions de la société et nos capacités, tels sont quelques-uns des thèmes qui sont ici envisagés avec  une tonailté très juste. C'est au bel itinéraire d'une chic fille que nous convie Amandine Dhée !

Merci à Libfly et aux Editions de la Contre Allée pour l'envoi !amandine dhée

Et puis ça fait bête d'être triste en maillot de bain, Amandine Dhée, Editions de la Contre Allée, 82 pages piquetées de marque-pages ! Un vrai coup de coeur !

Pour entendre l'auteure parler de son texte et ne lire plusieurs fragments c'est ici !

J'avais aussi beaucoup aimé Du bulgom et des hommes.

et ça nous apprendra à naître dans le Nord (reclic!)

Amandine Dhée sera au bateau Livres à Lille le 7 mars et au salon du Livre de Paris .

Ps: tiens, ça m'a donné envie de faire, pour de vrai, le concours de la plus moche tasse (bon on est plus mug, nous ! )au boulot !

Et un de plus pour le challenge de Lystig ! amandine dhée

09/02/2013

Rien ne s'oppose à la nuit...en poche

"L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser les questions et d'interroger la mémoire."

Plus que l'histoire de cette femme, très belle dès l'enfance, mais qui n'a jamais su s'ancrer dans l'existence car elle était bipolaire, c'est le rapport à l'écriture qui se donne à lire dans ce texte ouvertement autobiographique qui m'a intéressée.419yRqhSsYL._SL500_AA300_.jpg
L'écriture ici est un combat qui malmène physiquement Delphine de Vigan, ce n'est pas une entreprise de lissage qui prétend éclairer toutes les zones d'ombre, révéler la Vérité sur sa mère. Non, dans ce work in progress qui s'intercale avec le récit , l'auteure nous  précise bien qu'il y a différentes versions, qu'il a fallu choisir, elle nous livre ses scrupules vis à vis des membres encore vivants de cette tribu hors-normes dont elle est issue.
Des pans entiers de l'histoire de l'auteure seront passés sous silence et c'est cela qui m'a plu. ça et l'extrême sensibilité qui domine ce texte emprunt de souffrance sans jamais tomber dans le pathos. On n'est ni dans l'hagiographie ni dans le règlement de compte mais dans une entreprise  quasiment de salut familial: comment fonder une famille et avancer sans crainte avec un tel passé ?
à noter aussi une très jolie évocation des années 70.

05/02/2013

Caracal

"L'espoir de vivre autrement."

Caracal, un nom qui roule sous la langue, une île racontée par Coline à Marcel, une île comme un rêve commun pour unir deux solitudes fragiles.natacha andriamirado
Mais peu à peu, dans le roman, se glisse une autre version de cette île où Coline a vécu, enfant. une version plus noire, qui risque de tout faire basculer.
Natacha Andriamirado choisit un point de vue original pour cette histoire d'amour qui se tisse entre deux êtres vulnérables . Ici la résilience est balancée par dessus bord et les mots ne sont pas envisgés comme libérant du poids d'un secret. Les personnages font le choix d'assumer leurs faiblesses , ce qui les rend encore plus attachants.
L'écriture a gagné en maturité mais n'a rien perdu de sa finesse, en témoigne les nombreux marque-pages qui constellent ces 151 pages. Une petite bulle de bonheur à laquelle il faut faire une place dans vos PAL !

 

Caracal, Natacha Andriamirado, Maurice Nadeau 2013, 151 pages dévorées d'une traite !

Du même auteur : clic !


01/02/2013

Veuf...en poche

"Tu as été ma plus belle qualité, j'espère ne pas avoir été ton plus gros défaut."

Jean-Louis Fournier et moi c'est une longue histoire d'amour, teintée d'humour et de mélancolie. Je l'avais trouvé un peu acrimonieux dans son dernier opus mais on ne se refait pas , j'ai craqué quand j'ai vu Veuf en librairie.
Et j'ai bien fait. Car le récit de la vie après le décès de sa femme Sylvie est une merveille de délicatesse. Fournier y navigue à vue," souvent  au cap Horn, au fond de [son] petit bateau malmené par la mer"entre humour- politesse- du -désespoir du veuf qui doit affronter le quotidien lui rappellant sans cesse l'absente et "les mots doux et légers" pour" ranimer nos souvenirs heureux" de ces textes courts . jean-louis fournier
Courts mais fertiles en formules et les post-it ont émaillé quasiment chaque page de ce récit où Fournier ne se présente jamais à son avantage et se montre d'une sincérité désarmante.
Il égratigne au passage les "veuvages mode d'emploi" et toutes les manifestations stéréotypées entourant la mort, soulignant pourtant les marques d'affection qui l'ont touché. On le sent écorché vif et l'humour noir est son bouclier favori contre la douleur.
Pas de panégéryque obligé et figé de la défunte ,même si on voit bien qu'elle fut une belle personne à travers ce qu'il nous en dit.Fournier la célèbre d'une façon bien plus élégante et vivante ,soulignant aussi la complicité qui les unissait.
Un livre qui nous rappelle aussi qu'il faut chérir les moments partagés avec ceux que l'on aime, tant qu'il est encore temps.

"Tu étais le pôle positif, j'étais le pôle négatif. ça faisait de la lumière , et souvent des étincelles."

31/01/2013

Les amandes amères...en poche

"C'pas moi, j'pleure, c'est mon coeur."

Fadila est "une femme lasse et révoltée qui se voit comme une vieille femme", "une femme déracinée", elle a quité le Maroc , et qui surtout ne sait ni lire ni écrire, ce qui lui complique bien évidemment la vie et la rend dépendante des autres.
à cette humiliation, s'ajoute la solitude d'une chambre minuscule où elle ne peut qu'angoisser. Tout ceci, Edith,maîtrisant parfaitement les mots car elle est  interprète et traductrice  ) qui l'emploie pour quelques heures de ménage, le découvrira petit à petit . Sur une impulsion, la française propose à Fadila de lui apprendre à lire et à écrire.laurence cossé
Mais la tâche est rude car d'une part on ne s'improvise pas formatrice et d'autre part parce que Fadila ne progresse pas de manière continue. Ce qui est acquis ne l'est jamais définitivement, et le caractère alternativement rude et plein de douceur de l'élève ne facilite pas les choses. Au fur et à mesure de leur relation, Edith  reconstruit, petit à petit,le parcours d'une femme perpétuellement blessée, tandis qu'en parallèlle se constitue le récit d'une amitié chaotique, tour à tour rugueuse et cocasse ,car Fadila est surprenante à plus d'un égard !
Un roman qui brosse le portrait d'une  femme digne que la vie n'a pas épargnée et qui ne dispose pas du pouvoir des mots pour échapper à l'inquiétude qui la taraude. Un récit sobre et plein d'humanité.

24/01/2013

Je suis un écrivain japonais

"J'ai quelques noms de filles, un titre, des voix, une ville que je connais trop bien, et une que je ne connais pas. Je n'ai besoin de rien d'autre pour faire un roman."

Parce qu'il a promis un roman à son éditeur, le narrateur, écrivain haïtien, résidant au Québec, ayant le génie des titres (c'est lui qui le dit et on le croit volontiers*),  et lisant un livre sur Basho, lance avec assurance que son ouvrage s'intitule: Je suis un écrivain japonais. Normal, quand il lit un roman japonais, il se sent de cette nationalité. Mais comment et sur quoi écrit un écrivain japonais ? dany laferrière,basho
Sous forme de courts chapitres mêlant la réalité de ce narrateur bientôt dépassé par ce roman- même pas encore écrit mais suscitant déjà des polémiques au Japon- et textes correspondant peut être à ce qu'est supposé écrire un romancier nippon, Dany Laferrière évoque avec humour le problème de l'identité du romancier.
Parfois déroutant, toujours  intéressant , Je suis un écrivain japonais évoque  avec justesse le monde de l'écriture et analyse avec finesse l'univers de Basho. Une promenade qui donne envie de (re) lire quelques haïkus ...

Merci à Aifelle pour l'envoi !

* Du même auteur j'avais lu  Comment faire l'amour à un nègre sans se fatiguer !

21/01/2013

Un écrivain, un vrai

"La littérature était enfin à la portée de tous et reflétait la réalité."

Coachée par une épouse ambitieuse, Gary Montaigu a décroché le Booker Prize. Dans la foulée, il accepte d'être la vedette d'une émission de téléréalité. L'occasion selon lui de démocratiser la littérature. Mais flirter avec la médiocrité ambiante est-il compatible avec les idéaux de l'écrivain ?pia petersen,téléréalité
Dénonçant une société de faux semblants, où tout est cadré, scénarisé, où la folie de l'écrivain n'a plus droit de cité Un écrivain, un vrai adopte un style simple et efficace . Pia Petersen sonde les coeurs et les reins de ses personnages, dont aucun n'est vraiment sympathique, avec acuité et pertinence. L'intrigue avance tambour battant vers un final inéluctable. Une vision sans concession du monde de la littérature contemporaine. On frémit d'avance si un tel projet de téléréalité venait à voir le jour...

 

Un écrivain, un vrai, Pia Petersen, Actes Sud 2013, 215 pages piquetées de marque-page.

L'avis de In Cold Blog