13/06/2025
De si remarquables créatures...en poche
"Mon nombre de neurones s'élève à une demi-million , répartis entre mes huit bras. Quelquefois, je me demande si je n'ai pas plus d'intelligence dans un seul de mes tentacules qu'un humain dans son crâne entier."
Dans son bassin, le bien trop intelligent Marcellus, pieuvre géante du Pacifique , s'ennuie. Alors, il a trouvé le moyen de régulièrement prendre la poudre d'escampette, la nuit, avant de regagner ses pénates. La seule à être au courant de ces escapades est Tova, agente d'entretien zélée, mais qui est minée par la disparition inexpliquée de son fils , trente ans auparavant. Heureusement son groupe d'amies"les Tricotoquées" l'entoure chaleureusement.
L'arrivée d'un jeune homme intelligent, mais qui a le chic pour se fourrer dans des situations lamentables ,va perturber tout ce joli petit monde et changer la donne.
Un premier roman choral mettant en scène des vieilles dames pleines d'énergie et de vitalité et ayant comme narrateur un poulpe,voilà qui pouvait s'avérer extrêmement risqué, voire ridicule. Et pourtant le pari est gagné car les personnages sont riches d'humanité et d'expérience, la narration est fluide et les péripéties entraînent le lecteur à tourner les pages sans s'en rendre compte ou presque. Vous cherchiez une lecture estivale ? La voici !
05:55 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : shelby van pelt
23/05/2025
Sur l'île...en poche
"-L'île que vous avez dans la tête...Je ne pense pas qu'elle existe. "
Une île galloise (imaginaire mais inspirée de plusieurs îles au large de la Grande-Bretagne et de l'Irlande) en 1938. L'existence est rude pour les pêcheurs et leurs familles. Manod, 18 ans, aux côtés de son père et de sa plus jeune sœur, rêve d'une autre vie sur le continent. Elle est vive, intelligente et sait parler anglais.
La tranquillité insulaire est bientôt rompue par une baleine morte qui s'échoue sur le rivage et l'arrivée de deux ethnologues qui lui feront envisager, non sans cruauté, la possibilité d'un avenir loin de l'île. Au loin, des rumeurs de guerre, mais les îliens se préoccupent surtout de leur survie.
Par petites touches, nous découvrons la beauté de l'île, mais aussi et surtout la rudesse de l'existence des insulaires, rudesse que ne semblent pas vouloir admettre les ethnologues et leur vision biaisée. L'autrice laisse deviner les sentiments de son héroïne et fait confiance aux lecteurs pour combler les ellipses. Roman de formation et d'émancipation, plein de poésie et de délicatesse, Sur l'île génère une sorte de magie dont on sort un peu étourdi et mélancolique. Un grand coup de cœur.
Traduit de l'anglais par Claire Desserey.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : elizabeth o'connor
21/05/2025
Eté...en poche
"Un conte triste, c'est mieux pour l'hiver, alors Shakespeare injecte l'artifice de la tristesse, c'est un artifice de dramaturge: il répand l’hiver partout précisément pour avoir un véritable été et faire jaillir un conte joyeux d'un conte triste. "
Comme la pièce de Shakespeare que Grace a joué tout un été il y a trente ans et dont elle conserve un souvenir ébloui, le roman d'Ali Smith commence en hiver. Paradoxe qui s'explique par la relation au temps qui irrigue tout le roman et qui emprunte beaucoup à Einstein dont est féru Robert, un jeune garçon pour le moins surprenant.
Par l'intermédiaire d'une expression prise au pied de la lettre par son frère Robert, Sacha, seize ans, va faire la connaissance d 'Art et Charlotte qui , de fil en aiguille , vont emmener les ados et leur mère, Grace, rencontrer un très vieil homme qui a connu la mère d'Art.
Avec un grand sens du montage quasi cinématographique, la romancière nous fait passer de l'époque contemporaine - dont elle fustige les travers avec acuité- à l’époque où l'île de Man accueillait dans des camps (qui demeuraient néanmoins des prisons) les Allemands qui avaient cru qu'il seraient en sécurité durant la Seconde guerre mondiale en Angleterre. Nous y croiserons Fred Uhlmann, qui n'avait pas encore écrit L'Ami Retrouvé mais dessinait pour témoigner de ce qu'il ressentait.
Il est très difficile de résumer le roman d'Ali Smith qui, de prime abord peut paraître touffu, mais dont la lecture s'avère d'une étonnante fluidité. L'autrice y évoque par petites touches l'importance des mots dans une période de changement à la fois climatique, politique et pandémique, la nécessité de l'hospitalité et de l'engagement , sans jamais se montrer "donneuse de leçons".
Son roman est riche d'humanité et l'été qui lui donne son titre irradie chaque page tant les sensations y sont présentes. 358 pages dévorées d'une seule traite.
Traduit de l'anglais par l'excellente Lætitia Devaux ; Grasset 2023.
Ce roman clôture la tétralogie mais peut se lire indépendamment des autres saisons.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ali smith
16/05/2025
Comment enterrer son mari en toute discrétion...en poche
""Pourquoi j'ai fait ça, Sal ? Bon sang, pourquoi j'ai accepté la situation ? "
Je serre sa main dans la mienne.
"Nous ne l'avons pas acceptée, ils nous l'ont imposée. Et nous ne savions pas comment y mettre un terme. ""
Sur une impulsion, Sally met fin à vingt ans d'"accidents domestiques" en balançant un grand coup de poêle à son mari-bourreau. Mort.
Plaider la légitime défense lui paraît hasardeux et Sally veut préserver ses enfants qui viennent de prendre leur indépendance.
Comment se débarrasser du cadavre en plein confinement ? Heureusement internet est là . Bientôt Sally se rend compte , au vu de la quantité de litière pour chat qu'elle a dans son caddie, que sa voisine a sans doute consulté le même site qu'elle pour les mêmes raisons.
Au final, elles sont cinq femmes, d'âges et d'origines différentes, mais avec le même problème : Comment enterrer son mari en toute discrétion ?
Avec humour, l'autrice aborde un thème dont on ne veut pas toujours entendre parler, celui des violences domestiques. Parfois un peu trop didactique, mais avec un rythme enlevé et une célébration dans les actes de la sororité, ce roman ne fait jamais l'apologie de la violence féminine: "il pose tout au plus la question de la représentation des femmes qui, après avoir subi des années de violences aggravées ne voient pas d'autre issue à leur calvaire. "
Objectif atteint et dans la bonne humeur, ce qui est appréciable.
Traduit de l’anglais par Cécile Hermellin.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : alexia casale
15/05/2025
L'irrésistible appel de la vengeance...en poche
"Ce que je sais, en revanche, c'est que l'amour au temps d'internet est rapide et superficiel, autant dans les mécanismes que dans la prose: messages brefs, directs, clairs, transparents, pas de phrases complexes et surtout pas de ponctuation. Au mieux, un retour à la ligne.Imagine du Marcel Proust à l'envers et tu auras une idée assez précise de ce qui se passe à notre époque. "
Rien ne va plus pour Amanda , quinquagénaire un peu trop portée sur le gin, ni dans sa vie privée ni dans sa vie de romancière de polars , toujours pas adaptés sur Netflix, ce qui améliorerait singulièrement son niveau de vie.
Faute de mieux, elle anime un atelier d'écriture de polar devant un public hétéroclite , tant par son origine sociale que par ses objectifs cachés ou non. Amanda leur assène des règles d'écriture et tandis que la rédaction commune d'un polar classique se met en place, d'autres intrigues évoluent en dehors de l'atelier.
Double narration donc et avec de nombreux personnages mais Rosa Mogliasso ne perd jamais son lecteur en route et le divertit de manière efficace et très plaisante.
Traduit de l’italien par Joseph Incardona.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers, romans italiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rosa mogliasso
14/05/2025
Le Baiser des Crazy Mountains...en poche
- Quels autres gibiers peut-on tuer en cette saison?
- Juste les dindes. Et les mecs infidèles . Ils font toujours de jolies cibles.
Le cadavre d'une jeune femme est retrouvé coincé dans une cheminée. Meurtre ou accident ? La shérif Martha Ettinger et le détective mateur Sean Stranahan se lancent dans un enquête qui les mènera à fréquenter, de près ou de loin, le monde des rodéos et des éleveurs de chevaux.
Bienvenue dans le Montana, ses paysages fabuleux, ses rivières à truite et ses cowboys . L'auteur bat ici en brèche les clichés de la virilité car son héros ne porte pas d'arme, pratique le "no kill" quand il pêche la truite et s'adonne à la peinture. Il se fait en outre mener par le bout du nez par sa comparse de dix ans plus âgée que lui. L'intrigue est très bien ficelée, non dénuée de d'humour et de suspense et j'ai dévoré d'une traite ce roman très divertissant.
Si j'en crois la chronologie que j'ai déniché quelque part, nous avons ici le volume 4 des aventures de ce "couple" d'enquêteurs mais cela ne m'a posé aucun problème, juste donné envie de lire tous les épisodes !
Totem (Gallmeister).
Traduit par Marc Boulet.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : keith mccafferty
12/05/2025
le règne de la nuit
""A plus tard mon chou. Ne fais rien que je ne ferais pas ! " .Ce qui laissait à Freda un champ d'action assez large. "
Londres, 1926. Si une grande partie de la population est encore meurtrie par la Grande Guerre, à Londres, la vie nocturne bat son plein et ce pour le plus grand profit de Nellie Croker qui, grâce à ses dancings, a bâti un empire qui suscite bien des convoitises. Et ce aussi bien de la part d'ennemis extérieurs que de sa propre famille...
Venant de York dans l'espoir d'y gagner la célébrité, deux jeunes filles, peut être pas aussi naïves qu'on pourrait le croire, disparaissent bientôt. Profitant de récente émancipation une autre jeune femme , au caractère bien trempé, Gwendolen Kelling se lance à leur poursuite et va bientôt devoir se mesurer à la famille Coker.
On le sent d'emblée, c'est avec une grande jubilation que Kate Atkinson s'est emparée de cette période (qu'en France nous avons appelé "Années folles") située entre la première et la Seconde guerre mondiale . Son roman, riche en péripéties évoquant le roman victorien, et en personnages hauts en couleurs, évoluant sur une crête ténue entre le bien et le mal, est hautement addictif. L'humour pince sans rire y est aussi bien présent et les 500 pages de ce roman se tournent presque toutes seules. Et zou sur l'étagère des indispensables.
Traduit de l'anglais par Colin Reingewirtz
Editions Bourgois 2025
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : kate atkinson
06/05/2025
On rêve tous de l'impossible
"-Vieillir n'est pas fait pour les âmes sensibles, plaisante Jonah.
-Je suppose que c'est mieux que de ne pas vieillir.
- Très juste."
Edi et Ash partagent une relation d'amitié très forte depuis l'enfance , riche d'humour et de bienveillance. Elles n'ont jamais lâché prise, face aux remous de la vie, mais Edi , en phase terminale d'un cancer, doit partir dans un établissement spécialisé où on pourra l'accompagner dans ses derniers instants.
Rien de très attrayant à première vue, mais l'énergie, l'humour des personnages hauts en couleurs font de ce roman un texte qui célèbre la vie, sans chichis, sans pathos, sans grandes formules péremptoires.
Franchement, j'aimerais qu'un tel établissement, où les animaux des patients sont acceptés, où le personnel, aidé de volontaires, a le temps et les moyens d'adoucir les derniers moments de leurs patients, existe en France .
Editions Robert Laffont 2025.
Traduit de l'anglais (E-U) par Aline Azoulay-Pacvon.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : catherine newman
29/04/2025
Rappel à la vie
"Quand je vois des joggeurs par les vitres de ma voiture, je leur trouve toujours un petit air désespéré, comme s'ils couraient pour fuir ce qui les rend malheureux. Mais c'est peut-être justement pour ça que je vais commencer, pour garder une longueur d'avance sur mon propre malheur avant qu'il ne me rattrape et que je ne puisse plus m'en débarrasser."
"Du canapé aux cinq kilomètres" est un programme de running permettant de lutter contre la sédentarité. Différents personnages , ayant des problématiques et des âges différents, vont le rejoindre et tisser des liens, permettant ainsi de lutter contre leur isolement, leurs doutes, faire même preuve de solidarité en dehors de la course.
Un peu trop programmatique à mon goût, pétri de bonne intentions, ce roman choral très très court (123 pages) fait le job des romans feel good mais sans vraiment susciter l'émotion.
Traduit de l'anglais (Irlande du Nord) par Cécile Arnaud.
Editions La Table Ronde 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : david park
22/04/2025
Les morsures du silence
"Céder n'est pas consentir. Parfois le silence est la seule arme ou le seul bouclier à portée de main. "
Un adolescent, vêtu comme Sainte Lucie, le crâne fracassé, a été retrouvé sur l’île suédoise de Lidingö.
Ce meurtre n'est pas sans rappeler celui d'une jeune fille, dans les mêmes circonstances, vingt-trois ans plus tôt. Or, le meurtrier, petit ami de la victime, a toujours clamé son innocence en prison.
Après une ouverture glaçante, le récit se met en place avec deux enquêteurs , bien campés : le commissaire Aleksander Storm , qui sera officieusement aidé par une Maïa Rehn, une policière française. Cette dernière est en deuil de sa fille et ce thème court tout le long de ce roman qui fait la part belle aux tourments de ses personnages.
L'intrigue est très bien ficelée et le point de vue extérieur de la Française sur la vie quotidienne suédoise apporte un plus très intéressant. Un roman qui se dévore et qui m'a donné envie de découvrir les autres polars de cette autrice française qui vit en Suède depuis plusieurs années.
Editions Calmann-Lévy 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : johana gustawsson