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15/01/2020

#LaDeuxièmeFemme #NetGalleyFrance

"Leurs mains se touchent et encore une fois ce contact ouvre des portes quelque part dans Sandrine, un quelque part d'autre où elle peut toucher des gens sans que ça veuille rien dire, que des mains qui se posent, gentiment, parce que les humains parfois se touchent pour avoir chaud ou trouver leur chemin."

"Grosse, grosse moche, tête de conne, tête de conne", Sandrine se le répète à l'envi, ayant parfaitement intégré ce qu'elle a entendu depuis l'enfance. Aussi quand elle tombe amoureuse de celui qu’elle appelle l'homme qui pleure et que ces sentiments s'avèrent réciproques, la jeune femme croit avoir trouvé sa place au sein d'une maison, avec un fils déjà tout fait, celui d'une femme qui a disparu, probablement morte.
Pourtant, cette femme réapparaît. Amnésique, il lui faut retrouver son passé, sa famille. Que va devenir Sandrine la trop gentille , la trop peu sûre d'elle?louise mey
Tout le talent de Louise Mey est d'opérer à partir de ce moment un virage qui va entraîner son héroïne dans une spirale de violence dont elle ne peut s'extraire, car elle est sous emprise de celui qu'elle doit se résoudre à appeler M. Langlois.
Avec talent, l'autrice se glisse dans la peau de Sandrine, tout en ménageant un suspense parfois insoutenable. Alors oui, elle est exaspérante Sandrine pour ceux qui sont extérieurs à ce qu'elle subit mais Louise Mey prend soin d'elle en plaçant sur son chemin des femmes bienveillantes qui , peut être, pourront l'aider à s'extraire du processus.
Un roman nécessaire qui parle  aussi avec précision  du corps des femmes et de la manière dont certains hommes le traitent quand il ne correspond pas aux critères fixés par la société.
Et zou sur l'étagère des indispensables.

Le masque 2020louise mey

De la même autrice : clic.

22/11/2019

Les sorcières de la littérature

"Angela arrose ses rosiers lorsqu'une poupée vêtue d'une houppelande écarlate fait irruption dans son jardin. Encore une, c’est pas vrai ! Angela lève les yeux au ciel. elle saisit on poignard et frappe la poupée en plein cœur." (extrait de la présentation d'Angela Carter)

Ouvrez vite ce grimoire qui dévoile la magie de 30 femmes écrivaines, poétesses minimalistes ou incandescentes, autrices de science-fiction, de fictions horrifiques, d'hier ou d'aujourd'hui.
Venues des quatre coins du monde, connues ou non, injustement oubliées ou pas, il convient de se précipiter sur ce livre pour célébrer leur force créatrice, leur volonté de briser les carcans de la société, par le truchement de leurs mots.taisia kitaiskaia,katy horan,chloé delaume,cécile roche
Une définition vigoureuse les présente en quelques mots, dégageant les thèmes de leurs œuvres. Ainsi de Sylvia Plath : Furie de la maternité, du mariage et de la lune ; formules tour à tour évocatrices et énigmatiques qui donnent envie de découvrir les autrices qui nous sont encore inconnues : Sibylle aux multiples visages , aux ovules célestes et aux fantasmes tordus (Yumiko Kurahashi).
Taisia Kitaiskaia se charge ensuite de présenter la biographie de chacune d'entre elles et de nous livrer une liste de lectures recommandées (de quoi faire grandir nos Piles à Lire...), textes que Katy Horan illustre d'un portrait en couleur de chacune  de ces sorcières de la littérature. Une préface de Chloé Delaume complète le tout.
Voilà donc tous les ingrédients d'un livre enthousiasmant qui file directement sur l'étagère des indispensables et qui devrait se trouver au pied de chaque sapin de sorcière .

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Roche, Autrement 2019

11/11/2019

Chroniques du hasard

"La parole écrite peut engendrer des versions cinématographiques très variées, mais une version cinématographique de haut niveau s'impose avec une telle force  et une telle précision, que, une fois produite, elle barre la route à toute autre œuvre de qualité."

Finesse, précision, intelligence sont au rendez-vous de ces chroniques hebdomadaires qu'Elena Ferrante a tenu dans The Guardian en 2018 et qui sont ici élégamment traduites par Elsa Damien.
Qu'elle évoque son rapport à la maternité, à sa propre mère, aux autres femmes,  l'écriture, le cinéma, la politique italienne, les plantes, l'auteure de l'Amie prodigieuse, est toujours enthousiasmante.
On devine chez elle une belle énergie, qu'elle a su maîtriser, et ce qu'elle peut révéler de personnel, elle si jalouse de son identité, a ici toujours valeur d'universel.elena ferrante,andrea ucini,elsa damien
La chronique intitulée Nationalité linguistique ravira les amoureux des mots et en particulier les traducteurs et traductrices qui pour elle sont "des héros".
Qu'elle fustige les points d'exclamation car "Dans l'écriture au moins, il faudrait éviter de faire comme ces fous qui gouvernent le monde  et qui menacent, trafiquent, traitent et, quand ils gagnent, exultent, en truffant leurs discours de ces minuscules missiles à tête nucléaire qui concluent chacune de leurs misérables phrases." ou évoquent plus trivialement Les Odieuses (les connasses, quoi ), elle suscite toujours l'intérêt et la réflexion.
J'ai parfois pensé à Virginia Woolf ou à Doris Lessing, dont elle partage le féminisme et j'ai été ravie de découvrir cette auteure (dont je n’avais pas réussi à lire le roman précédemment cité ) car elle a suscité chez moi l'"apprentissage voluptueux, [l']apprentissage qui nous modifie de façon intime et même dramatique, sous le choc de paroles aussi lucides que passionnées."
Le tout est présenté de manière raffinée et illustré de manière à la fois élégante et suggestive par Andrea Ucini, ce qui fait de cet objet un cadeau idéal à glisser sous le sapin. mais,en attendant, il file sur l'étagère des indispensables.

Gallimard 2019,

 

05/11/2019

Flammes

"Que dire ? Les gens changent.Les carrières partent en eau de boudin. Les vies regimbent. Les fiancés se tapent des consultantes en RH spécialisées dans la gestion du changement . Blondes. Le gin s'invite dans votre café, D'abord une petite pluie, puis un raz de marée. Alors je ne m'en veux pas quand il m'arrive de vexer quelqu'un , de balancer quelques taloches, de briser quelques os. Je ne ressens plus grand chose."

Parce qu'il ne veut pas que sa sœur Charlotte, comme toutes les femmes de la famille avant elle, soit "condamnée à revenir, métamorphosée et affreuse après sa mort", Levi se fixe un objectif: construire de ses mains un "cercueil apaisant".robbie arnott
Horrifiée par la nouvelle, Charlotte, bien décidée à être incinérée et non enterrée, s'enfuit,direction le Sud de la Tasmanie, l'île où se déroule cette histoire placée sous le signe des Flammes.
Commence alors un périple où la nature, les animaux et le feu jouent des rôles essentiels, où le fantastique s'insinue sans que cela semble poser problème aux personnages, tant il fait partie de leur quotidien. Des personnages qui prennent en charge chacun leur tour des chapitres, donnant à chaque fois une tonalité différente au récit.On suit ainsi le journal halluciné d'un narrateur qui sombre progressivement dans une folie meurtrière.
Des scènes prenantes, voire surprenantes, une écriture qui se renouvelle à chaque chapitre, une construction maîtrisée, tels sont les ingrédients d'un roman indispensable.

Flammes, Robbie Arnott, traduit de l'anglais  (Australie) par Laure Manceau. Actes Sud 2019, 253 pages ensorcelantes.

 

21/10/2019

River

"Pourquoi cette River a-t-elle une bonne moyenne générale et range-t-elle son vélo au milieu du salon  quand elle est invitée chez les gens  ?Pourquoi la vie est-elle si compliquée par une enfant compliquée ?"

"...strange, zarbi, bizarre, glauque même...", voici quelques-uns des adjectifs qu’on accole spontanément à River, bientôt quinze ans, six thérapeutes, une mère dévouée qui s'efforce de toujours traduire positivement les comportements de sa fille les plus dérangeants, un père plutôt perplexe et une sœur parfaite en tous points. Sans oublier deux grands-mères qui prennent ponctuellement le relais.
Un solide maillage familial donc , mais qui ne pourra empêcher le harcèlement de cette jeune fille par une bande de garçons manipulateurs et brutaux qui profitent du fait que River ne maîtrise pas les codes sociaux.
Avec une extrême finesse, Claire Castillon se glisse dans la peau de River, n'apposant aucune étiquette  psychologique  à l'adolescente, libre à chacun de glisser ce qu'il veut derrière cette notion de "différence" et de ne pas réduire le personnage à un "cas" médical.claire castillon,différence,harcèlement scolaire
Le récit qui ménage un formidable retournement de situation  est aussi intelligemment mené, révélant par petites touches ce qui sera le calvaire de River avant que l'adolescente ne trouve en elle-même les moyens de se sortir de cette situation . Soulignons au passage que dont les membres de l'institution scolaire ne sortent pas vraiment grandis de ce roman, mais il est vrai que la loi du silence ne les aide en rien. Un roman qui broie le cœur.

Gallimard Scripto, 2019, 185 pages qui ouvrent les yeux des plus sceptiques.

 

Et zou sur l'étagère des indispensables.

08/10/2019

Voyage du côté de chez moi

"Foulant l'humus et les feuilles sèches, je me remplissais de joie, j'étais attentif à la moindre manifestation, sensible au moindre signe de la vie sauvage. l'abri de ces grands arbres m'était confortable, il me consolait de mes déboires, de mes peines, de mes chagrins. il y avait toujours des formes à emporter, à garder à l'esprit."

A rebours d'autres voyageurs qui "font" des pays étrangers, recherchent l'insolite, l'inconnu ou l’exploit sportif, Jean-Luc Muscat nous propose ici un Voyage du côté de chez moi. jean-luc muscat
Périple de sept jours durant lequel, l'auteur, ancien forestier comme nous l'indique la quatrième de couverture, va prendre le temps de se poser, d’observer jusqu'à se fondre dans le paysage ce qui l'entoure. Voyage contemplatif qui s’oppose à la vitesse exigée par notre société, voyage passionnant pour qui veut bien emboîter le pas à Jean-Louis Muscat et s'émerveiller à ses côtés de ses découvertes et de ses réflexions. Un grand coup de cœur. Et zou, sur l’étagère des indispensables.

Éditions Le Mot Et Le Reste, un volume fin , dans tous les sens du terme, 85 pages à glisser dans sa besace.

 

05/09/2019

Miss Islande

"- Tu n'as toujours pas avoué à ton poète que tu écris ?
Elle aurait aussi bien pu me demander: Est-il au courant que tu caches en toi une bête sauvage qui n'attend que d'être libérée ? Un écrivain est-il capable de comprendre un autre écrivain ? "

Elle aurait pu choisir de se présenter, comme  d'aucuns le lui conseille à l'élection de Miss Islande, ou plus simplement endosser, comme son amie Isey, le destin de mère de famille. Mais Hekkla, qui écrit avec une facilité déconcertante, veut accomplir son destin d'écrivain.
La voilà donc qui quitte son père et sa campagne pour aller de petit boulot en petit boulot à Reykjavik. Là elle retrouve son meilleur ami, Jon John, homosexuel qui , comme elle espère pouvoir déployer ses ailes  dans la capitale.audur ava olafsdottir
Mais en 1963, dans ce tout petit monde qu'est alors l’Islande, certes irrigué par la poésie, une femme écrivain et un jeune homme considéré de par son orientation sexuelle comme "...un criminel, un déviant, un malade [...] une infamie." vont avoir du mal à se frayer un chemin.
Par petites touches subtiles, sans jamais donner de leçons, Audur Ava Olafsdottir montre ce que l'on n’appelait pas encore le harcèlement sexuel, la condition des femmes qui n'avaient pas encore accès à la contraception, l'aliénation des mères de famille et la mise au banc des minorités sexuelles, mais aussi la bohème des apprentis poètes.
Ses héros sont lumineux, et si l'on connaît rarement les pensées de Hekkla, on les devine grâce aux lettres de son amie. Tous les personnages sont croqués à ravir et même si la décision finale de la jeune femme est frustrante, elle s'inscrit parfaitement dans la logique de l'époque. Un très grand bonheur de lecture et une héroïne qu'on n'oubliera pas de sitôt.
L'étagère des indispensables, bien sûr.

Magnifique traduction d'Eric Boury.  Zulma 2019, 268 pages et plein de marque-pages.

Cuné est enthousiaste : clic

 

27/08/2019

#LesGrands Cerfs#NetGalleyFrance

claudie hunzinger"Je découvrais "l'effet affût": le monde arrive et se pose à nos pieds comme si nous n'étions pas là. Comme si nous n'étions pas, tout court. On constate que le monde se passe de nous. Et même davantage: il va mieux sans nous."

"Un tonnerre de beauté", telle est la première métaphore pour désigner l'un de ces êtres magnifiques qui donnent son titre au nouveau roman de Claudie Hunziger. Cette apparition nocturne, dans la lumière des phares le 29 octobre 2017 va déclencher une nouvelle étape d'un processus né de la rencontre avec un photographe animalier se consacrant uniquement aux cerfs, Léo.
Ce dernier a demandé à la narratrice -qui ressemble fortement à l'autrice-,des années auparavant, l’autorisation d'installer un affût sur un terrain des Hautes-Huttes, nouvelle appellation à ce lieu retiré ,parfois appelé Bambois dans d'autres textes de Hunziger. A commencé alors une amitié en pointillés, Léo toujours sur la réserve, pendant laquelle le photographe a distillé ses connaissances sur les différents cerfs de ce coin des Vosges.
La narratrice , fascinée par la beauté des cervidés, prend aussi conscience des enjeux économiques qu'ils représentent pour des intérêts contradictoires: ceux des chasseurs et ceux de l'Office National des Forêts. Intérêts contradictoires mais ayant quand même pou runique résultat la destruction des cerfs.
Ce roman est une splendeur,  par la langue, à la fois ultra précise concernant le vocabulaire spécifique lié aux cerfs, que poétique. C'est à un véritable bain de nature que nous convie Claudie Hunziger, bain alarmiste toutefois car l'autrice tire aussi la sonnette d'alarme sur la disparition des espèces animales et végétales, qu'elle a pu elle-même constater en une dizaine d'années.
Un roman qui file sur l'étagère des indispensables.claudie hunzinger

 

Grasset 2019.

De la même autrice :clic , clic et reclic

23/08/2019

UnPur

"Comment on continue quand il y a eu à ce point un avant ? "

Depuis Je voudrais que la nuit me prenne, c'est avec un peu d'appréhension que j'ouvre un roman d’Isabelle Desesquelles. En effet, encore ici, elle prend à bras le corps les thèmes les plus angoissants pour des parents, sans pour autant tomber dans les pièges inhérents à ce type d'ouvrage, tant elle y met de sensibilité.
La preuve ? UnPur où d’emblée la victime se retrouve sur le banc des accusés. Nous revenons ensuite sur le parcours de Benjaminquejaime, brutalement  de son jumeau Julienquejaime, comme les appelle leur mère, célibataire volontaire et fantasque. L'enfant a été kidnappé par un prédateur sexuel.isabelle desesquelles
Isabelle Desesquelles mène avec une maîtrise totale son lecteur par le bout du cœur,  ne ménageant ni les rebondissements ni les ambiguïtés.A plusieurs reprises, je l'avoue, j'ai survolé certaines pages, tant la tension était insoutenable.
Riche en émotions et en subtilité, ce roman est une nouvelle fois un tour de force, tant par sa structure que par son écriture, à al fois frontale et poétique. Il file donc nécessairement sur l'étagère des indispensables.

Belfond 2019, 221 pages angoissantes.

De la même autrice: clic, clic (qui vient de sortir en poche), clic.

22/08/2019

Ce qu'elles disent

"Nous sommes des femmes sans voix, répond Ona avec calme. nus sommes des femmes en dehors du temps et de l'espace, privées de la langue du pays dans lequel nous vivons. Nous sommes des mennonites apatrides. Nous n'avons nulle par où aller. Les animaux de Molotschna sont plus en sécurité que les femmes dans leurs foyers. Nous, femmes, avons toutes des rêves donc, oui, bien sûr, nous sommes des rêveuses."

1 Ne rien faire.2 Rester et se battre. 3 Partir. Telles sont les solutions qui  s'offrent aux femmes , parfois très jeunes, qui ont été violées et rouées de coups durant plusieurs années dans une communauté mennonite en Bolivie.
Le diable est-il le responsable ?,comme l'affirme l'évêque Peters. La vérité finit par éclater: ce sont des hommes de la communauté qui, usant d'un anesthésiant en pulvérisateur ,abusent de celles qu'ils côtoient au quotidien.miriam toews
Analphabètes, totalement coupées du monde extérieur, les femmes se réunissent et choisissent comme rédacteur du procès-verbal de cette assemblée August Epp, qui vient de réintégrer la collectivité.
Pied à pied, se construit une réflexion féministe universelle qui déborde du cadre de ce groupe de femmes pour englober toutes celles qu'on maintient volontairement dans l'ignorance et la servitude, que ce soit par le biais d'une quelconque religion ou par le truchement de biens commodes traditions.
Se dessinent aussi au fur et à mesure les personnalités de ces femmes, riches d'humanité et d'intelligence laissée en jachère. Le roman traduit au plus près leurs aspirations ,"Nous voulons pouvoir penser", leurs déchirements aussi (faut-il emmener si elles  partent les enfants mâles et si oui jusqu'à quel âge ?), sans pour autant négliger l'aspect romanesque, tendu par une romance en sourdine, ainsi que par un vrai suspense.
Inspiré de faits réels, écrit par une femme née dans une communauté mennonite canadienne, ce roman, bouleversant, piqueté de marque-pages, file à toute allure sur l'étagère des indispensables.

Traduit de l'anglais (Canada) par Lori saint-Martin et Paul Gagne, Éditions Buchet-Chastel 2019225 pages qui se tournent toutes seules ou presque.