06/09/2024
Le jour et l'heure...en poche
"Le monde qui semblait se refermer sur nous depuis des mois s'ouvrait enfin. Le monde que je croyais perdu à tout jamais me revenait grâce à l’art, aux traits, aux couleurs. "
Le temps d'un week-end, une famille va rejouer le scénario d'un départ en vacances d'enfance : les parents, les quatre enfants , devenus adultes, à l'arrière.
Direction la Suisse où la mère de famille, Edith, a décidé de se rendre pour qu'on puisse l'assister à mourir car elle se sait condamnée. Durant ce trajet, à cause de la situation bien particulière, mais aussi du temps qui a passé, la constellation familiale va évoluer et les rôles vont peut être se redistribuer.
Si j'ai apprécié , comme toujours, la manière dont Carole Fives scrute les familles et les interactions qui s'y mettent à jour, je suis restée un peu sur ma faim quant au thème principal.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : carole fives
05/09/2024
Celles qu'on tue...en poche
"Rien de plus facile que d'apprendre à détester les femmes. Les professeurs ne manquent pas. Il y a le père. L’État. Le système judiciaire Le marché. La culture. La propagande. Mais ce qui l'enseigne le mieux, d'après Bia, ma collègue du cabinet, c'est la pornographie. "
L'Acre, l’État qui présente actuellement le plus fort taux de féminicides au Brésil, c'est là que se rend l'héroïne du roman, avocate envoyée par son cabinet pour documenter le cas d'une jeune indigène torturée, violée et assassinée dans des circonstances particulièrement atroces.
Très vite, elle va se rendre compte de l'ampleur du phénomène de ces féminicides impunis et empiler dans un carnet les noms et les circonstances dans lesquelles ces femmes sont mortes.
Cette violence faites aux femmes fait écho à celles faites aux indigènes et à la forêt amazonienne, qui couvre une partie de ce territoire, le tout dans la plus grande indifférence.
Celles qu'on tue est un roman puissant qui nécessite des pauses dans sa lecture tant les situations évoquées suscitent à la fois un sentiment de révolte et d'horreur. La grande force de Patricia Meo est tout à la fois de s'appuyer sur des faits documentés, mais aussi de créer du suspense et de susciter l'empathie avec la narratrice dont la mère a été elle aussi tuée par son époux. Une dimension hallucinatoire et onirique est apportée par le récit des prises d’ayahuasca par l'héroïne qui s'initie aux rituels ancestraux des indigènes. Un roman à l'atmosphère étouffante , mais dont la lecture est nécessaire.
Traduit du portugais (brésil) par Élodie Dupau.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : patricia melo
04/09/2024
L'incandescente...en poche
"Je pensais filer en sa compagnie du côté des enfants amoureux, le seul pays dont je me revendique, où tout est encore lié, les herbes , les mots, le monde."
Découvrant des lettres adressées à sa mère, l'autrice reconstitue l'histoire d'amour qui l'a liée à Marcelle, L'incandescente, avant qu’Emma n'épouse Marcel.
Sous fond de tuberculose, le fléau aux aspects romantiques, Claudie Hunzinger donne vie à toute une époque et à une histoire d'amour enflammée.
Si j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver le style de l'autrice, je suis restée un peu sur ma faim à cause du choix qu'elle fait de ne pas nous livrer le texte de ces lettres, ou de nous les résumer, mais de se les approprier, tout en les commentant , leur conférant ainsi un statut un peu bizarre. Avis en demi-teintes donc.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claudie hunziger
23/08/2024
Sexe bombe...en poche
Ils trouvent génial de rencontrer des râleurs, même en dehors de Paris. C'est culturel, c'est folklorique, c'est la France. "
Comme dans la chanson interprétée par Jacques Dutronc, Eddy, coiffeur reconverti en toiletteur pour chien, aime les roses fanées, comprendre les femmes d'âge mûr "car elles sont aventureuses et captivantes, elles n'ont plus d'interdits ni de tabous." Il emmène donc certaines de ses clients du salon de toilettage canin au septième ciel, c'est à dire chez lui, au premier étage, juste au dessus de son lieu de travail.
Sa routine, comme sa réputation, sont bien établies dans cette ville thermale de Dax où curistes et habitantes du cru se refilent la bonne adresse. Jusqu'au jour où débarque Maryse, ancienne speakerine, veuve, mais pas trop, flanquée de sa fille Chloé. Un très lourd contentieux oppose les deux femmes et Eddy pourrait bien malgré lui, être entraîné dans une histoire qui virerait au noir...
Le souvenir d'une lecture réjouissante ( Roland est mort) m'a incité à entamer ce nouveau roman de Nicolas Robin et je ne le regrette pas. En effet, les personnages sont hauts en couleurs, parfois outrés, mais c'est le jeu. Ils n'en révèlent pas moins des failles qui les rendent sinon attachants, du moins profondément humains. Le récit cavale à toute allure et l'on se surprend à sourire plus d'une fois en tournant les pages de ce bon roman de détente.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : nicola robin
22/08/2024
Les sources...en poche
[...] elle va avoir trente ans et sa vie est un saccage, elle le sait, elle est coincée, vissée, avec les trois enfants, il est le père des trois enfants , il les regarde à peine mais il est leur père, il est son mari et il a des droits. "
D'amour conjugal, il ne sera jamais question dans ce récit en trois actes qui commence le samedi 10 et dimanche 11 juin 1967. Une tragédie est en marche, on le devine à la tension quasi insoutenable qui irrigue les 80 premières pages du roman. Tension entre la narratrice et le tyran domestique qu'elle a épousé. Trois enfants, trois césariennes successives ont saccagé son corps. Les coups, aussi. Et surtout les mots dont il use pour faire "autant de dégâts que les coups, peut-être même davantage parce qu'ils ne la lâchent pas pas et lui tombent dessus au moment où elle s'y attend le moins, quand elle pourrait être à peu près tranquille et penser à autre chose. "Mais, elle aussi commence aussi à mettre des mots sur ce qu’elle vit. Elle possède le permis de conduire et une famille qui pourrait ne plus fermer les yeux. Parviendra-t-elle à sortir de l'emprise de cet homme toxique à une époque où une femme divorcée subit l'opprobre de la société ?
La deuxième partie, sept ans plus tard, donne cette fois la parole au mari et le roman se clôt en 2021 par le constat d'un des enfants revenu dans cette ferme du Cantal où tout a commencé.
Un roman court, une centaine de pages, mais qui concentre des émotions d'une rare puissance, sans pathos mais en étant au plus près des corps. On n'oubliera pas de sitôt ces personnages, témoins d'une époque et d'un lieu. Un roman qui file, bien évidemment, sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie-hélène lafon
14/08/2024
Les dessous lesbiens de la chanson...en poche
"Les chansons sont parfois bien utiles pour montrer ce que les yeux ne sauraient voir."
Qu'elles soient ouvertement des hymnes saphiques" comme "Ouvre" de Suzy Solidor (chanson dont les deux derniers couplets ont été censurés par sa maison de disques ), qu'elles avancent masquées (évoquant des thèmes qui parlent seulement aux initiées, la couleur mauve par exemple) ou laissent libre court à l'interprétation de l'ambiguïté d'un pronom ou d'une situation, les chansons véhiculent la réalité parfois cachée, parfois opprimée de l’homosexualité féminine.Classés en quatre grandes parties, ces textes sont analysés tour à tour dans leur individualité, faisant aussi la part belle à la personnalité de leurs interprètes ou de leurs auteurs ou autrices.
C'est ainsi que l'on croise sans surprise Marie-Paule Belle ou Hoshi, mais aussi Anne Sylvestre, Isabelle Mayereau ou Vanessa Paradis dont le fameux Joe le Taxi était en fait une femme liée au monde la nuit lesbienne. Plus surprenant encore, j'ai appris que "Comme un Ouragan " de Stéphanie de Monaco avait été annexé comme "hymne lesbien".
Mais cet ouvrage présente également le grand mérite de mettre en avant de grandes figures du passé, des éclaireuses, des frondeuses qui ont chanté aussi bien la naissance de l'amour que le coule lesbien âgé, comme Pauline Julien avec "Les deux vieilles" (paroles de Clémence Desrochers).
Les dessins, tout en délicatesse et en finesse de Julie Feydel accompagnent ce panorama exhaustif et diablement intéressant dont la bande son est accessible via un QR code. Une magnifique découverte !
06:00 Publié dans Essai, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pauline paris, léa lootgieter
12/08/2024
La Voix du Lac
"La gentillesse pouvait être tellement plus douloureuse que la cruauté. "
Sur un coup, de tête, Maddie, la parfaite femme au foyer, plaque son mari et son fils adolescent pour tenter de vivre, à l'aube de la quarantaine , son rêve d'adolescente : devenir journaliste.
Scandale au sein de sa famille et de la communauté juive de Baltimore en cette année 1966, où la ségrégation raciale sévit encore aux États-Unis.
La disparition d'une jeune fille juive, à laquelle Maddie va être fortuitement mêlée, puis celle d'une jeune femme noire, non-événement dans la communauté blanche, vont permettre à notre héroïne de tenter de se faire un nom en menant l'enquête.
Roman à suspense, La Dame du Lac est aussi un roman d'émancipation et de critique sociale dont l'héroïne est bien moins parfaite qu'il n'y paraît. Nous découvrons petit à petit ses failles et ses secrets, ainsi que ceux de la ville de Baltimore et c'est un parfait équilibre entre les deux. Un grand coup de cœur.
NB: je m'aurais pas découvert ce roman sans les louanges de Stephen King et bien sûr sans la série qui porte le même titre, mais s'éloigne beaucoup du roman.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : laura lippman
11/08/2024
Coupez ! ...en poche
"Le grand danger quand on cherche des réponses ,c 'est qu'on risque de les trouver. "
Passer presque un quart de siècle en prison pour le meurtre de son amant et recouvrer la liberté à soixante-douze ans dans un monde où " Il lui fallait sans cesse se rappeler que tout le monde s'attendait désormais à ce que tout soit instantané et que le moindre délai représentait un intolérable désagrément , que seul le recours à un téléphone portable pouvait atténuer. " n'est pas aisé. D'autant qu'elle n'a pas su se défendre et lutter contre l'institution juridique.
Un autre personnage qui ne se sent pas à sa place ,c'est Jerry, étudiant en cinéma, d'origine modeste, et fan des films d'horreur de série B. Quittant la résidence universitaire, trop onéreuse et hostile à son goût , il emménage en colocation avec des personnes âgées, dont Millicent.
Avec son fichu caractère , la vieille dame ne lui facilite pas la tâche ,mais découvrir qu'elle officia en tant que maquilleuse experte sur les plateaux des films qu'il adore, dont le fameux Mancipium que personne n'a vu, leur permettra de nouer des liens. Lien qui se resserreront quand Millicent découvrant par hasard un détail qui remet en question toutes ces certitudes quant à son amant se met en tête de renouer avec ses anciens , afin de mettre à jour la vérité.
Le duo improbable commence alors un road trip qui se transformera vite en course poursuite où les morts se multiplient...
Alliant les qualités hétéroclites de ses héros, Brookmyre nous fait découvrir avec gourmandise l'univers des séries B gore, fustigeant au passage notre société contemporaine. L'intrigue est juste parfaite et les 500 pages se tournent toutes seules, alternant passé et présent, multipliant les rebondissements sans jamais forcer le trait.
Un récit haletant, un univers aux antipodes de mes goûts mais que l'auteur rend passionnant, une bonne dose d'humour, souvent noir, des personnages attachants, tels sont les ingrédients d'un roman juste indispensable.
Traduit de l’écossais par David Fauquemberg
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : chris brookmyre
05/07/2024
Bienvenue aux Bergeronnettes...en poche
"- Quatre Épingles, sachez que rien n'est facile dans le mariage. C'est comme un sport pour lequel on n'aurait pas suivi l'entraînement adéquat et où on commencerait directement par les Jeux olympiques. "
La dernière lubie de Maguy ? Transformer leur logis en maison d'hôtes pour artistes. Voilà donc le jardin bichonné par son époux , Germain Germinal, envahi par des "saltimbanques" qui semblent tous détenir un secret.
C'est pourquoi, quand le maire du petit village est assassiné , juste derrière "les Bergeronnettes", les soupçons se portent aussitôt sur les résidents.
"Cosy Mistery" Bienvenue aux Bergeronnettes respecte toutes les règles du genre mis en y insufflant beaucoup d'humanité, d'humour et de bienveillance.
Si les personnages peuvent de prime abord frôler la caricature et leur comportement loufoque sembler quelque peu exagéré, ils gagnent au fil du texte en densité, grâce à la révélation progressive de leurs failles respectives.
Quant au crime, j'avoue avoir été surprise quant à son mobile.
L'écriture est fluide et enjouée. Un très bon moment de lecture estivale.
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : coralie caujolle
04/07/2024
Cinq articles maximum...en poche
"Tout ce tissu pour envoyer les signaux indispensables et témoigner du fait que j'ai compris les codes , je m'habille comme il faut, incorporez-moi dans votre groupe, j'ai tout acheté pour en faire partie, j'ai la panoplie. Alors qu'il suffit d'être humain pour avoir sa place. "
Nous sommes à Niort, mais nous pourrions être dans n'importe quel magasin de vêtements dont les chaînes occupent les centres-villes un peu partout en Europe.
Un lieu où les femmes de tous âges viennent, seules ou en bandes, flanquées ou non de leur compagnon , mais toujours de leurs névroses.
Car oui, s'acheter un vêtement quand on est une femme n'a rien d'anodin et ce n'est pas Juliette, la vendeuse qui sert de lien à toutes les saynètes qui se déroulent dans ce microcosme, qui nous dira le contraire.
Claire Renaud brosse ainsi une galerie de portraits , parfois acides, parfois très drôles, mais toujours justes et remplis d'humanité. Elle nous dévoile aussi l'envers du décor et l’écœurement de Juliette face à cette masse de vêtements : "Je suis ivre de ces marchandises, saturée, comme une cuite quotidienne qui donne la nausée puis fait vomir. "
Un roman bien moins léger qu'il y paraît, que j'ai surligné à tour de bras et qui se révèle une excellente surprise.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claire renaud