22/08/2022
#Cherconnarddespentes #NetGalleyFrance !
"Si je parle, je déclenche la haine. Si je me tais, j’étouffe. "
Zoé, jeune femme de trente ans, balance sur les réseaux sociaux le harcèlement dont , attachée de presse débutante, elle a été victime des années auparavant., de la part d'Oscar, romancier un peu connu. Face au déferlement de haine , dont ils sont tous deux victimes , ils vont se rapprocher, sans le savoir, de Rebecca, actrice célèbre , qui doit affronter la cinquantaine et les dix kilos qu'elle a en trop.
Oscar et Rebecca vont échanger des lettres , évoquant d'abord leur enfance commune (Rebecca étant amie avec la sœur d'Oscar), au sein de familles modestes, mais aussi leurs addictions (drogues, alcool). Au fil des messages, faisant face au confinement, leurs relations vont évoluer, allant, peut être vers un apaisement.
Les réseaux sociaux, les luttes intestines entre mouvances féministes, les pressions faites aux femmes (une très belle énumération des dissociations dont elles sont victimes), mais aussi par petites touches, la dégradation d'une société où les machines semblent supérieures aux hommes, Virginie Despentes porte son regard acéré un peu partout et même si parfois cela reste un tantinet superficiel, cela n'en reste pas moins nécessaire.
Tout ce qui concerne les addictions et la manière dont les protagonistes vont s'en défaire est un peu trop détaillé mais présente un point de vue original. Un texte qui fait déjà débat mais dont il faut espérer qu'il laissera de la place aux autres romans de cette rentrée 2022.
Grasset 2022.
06:00 Publié dans Rentrée 2022, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : virginie despentes
18/08/2022
Quelque chose à te dire
"Elsa ressentait chaque phrase écrite par Béatrice au plus profond d'elle-même: elle nommait ce qui ce qui ne l'avait jamais été , et à travers ses mots, c'était une vision du monde profonde, neuve, qui affleurait à la conscience. Elle avait le don de vous révéler des parties de vous-même dont vous ne soupçonniez pas l'existence jusqu'alors, des zones inexplorée qui ne demandaient qu'à surgir, à s'affirmer enfin."
Elsa Feuillet, écrivaine encore en devenir, admire profondément l’œuvre de Béatrice Blandy, autrice reconnue, charismatique , qui vient de disparaître.
Contactée par l'époux de cette dernière, Elsa va entamer une relation amoureuse avec lui, suscitant l'ire d'une de ses amies: "Eh bien si les femmes de quarante ans sortent avec les hommes de soixante ans, celle de cinquante avec ceux de soixante-dix, on leur laisse qui à nos mères ? Les cadavres ? ".
Mais Elsa , que tout sépare en apparence de Béatrice (la reconnaissance sociale, l'aisance (dans tous les sens du terme)) va peu à peu s'identifier à celle qu'elle admire tant, n'hésitant pas à emprunter ses vêtements et à visiter le bureau, seule pièce qui lui était interdite. En effet, elle est persuadée qu'un manuscrit inédit de Béatrice s'y trouve...
Jusqu'où ira l'identification à Béatrice ? L'imagination d'Elsa et l'amour de l'écriture ne l'entraîneront-elle pas trop loin ?
Irrigué par les références à Vertigo, le film d'Alfred Hitchcock, le roman multiplie les allusions autobiographiques, accroissant ainsi l'illusion de réel pour mieux troubler le lecteur et flouter la distance entre fiction et réalité.
Carole Fives , dans ce texte dédié "Aux autrices qu' [elle ] aime, à jamais vivantes", analyse avec finesse le processus de création qu'elle scande en trois étapes: admirer, explorer, imaginer , les trois premières parties de ce texte et fait basculer son récit dans le thriller avec la dernière qui donne son titre au roman. Une belle déclaration d'amour à la littérature, à la création et à leurs pouvoirs. Une autrice à son meilleur.
Gallimard 2022
06:00 Publié dans Rentrée 2022, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : carole fives
17/08/2022
Ce matin là...en poche
"Clara se dit qu’elle voudrait trouver un lieu où poser ce qui la transperce. Pour s'asseoir et écouter le silence."
Ce Matin-Là, son véhicule ne veut pas démarrer. Le corps de Clara non plus ne lui obéit plus. Incapable de prévenir qui que ce soit , la jeune femme peine à regagner son appartement. Ce matin-là et beaucoup d'autres ensuite, elle ne pourra plus "en découdre avec la vie".
Récit d'un burn-out qui ne dira jamais son nom, le roman de Gaëlle Josse cerne au plus près et en un peu plus de deux cents pages ce corps qui lâche, qui regimbe et force Clara à reconnaître sa fragilité, sa vulnérabilité.
Pourtant la "reverdie" s'amorcera progressivement, à partir d'un rien, un bouquet de tulipes qui tente la jeune femme , à partir d'une amitié fidèle par-delà les années.
Avec délicatesse, poésie même , Gaëlle Josse nous livre ici un livre précieux comme un talisman et qui atteint bien le but qu'elle s'était fixée en le rédigeant :
" J'ai voulu un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule."
Un livre qui ne peut que filer sur l'étagère des indispensables.
10:59 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gaëlle josse
09/08/2022
Deux femmes et un jardin
"Ou parce que je voulais, comme on dit, garder Mariette pour moi, et garder l'image que j'avais d'elle : libre, fantasque, ne recevant d'ordre de personne et acceptant d'en payer le prix."
De Mariette nous ne saurons pas grand chose. Quelques indices nous laissent deviner une vie fruste, sans joie, au service des autres. Quand elle hérite de ce qu'elle qualifiera de "maison de poupée"-un logis passablement délabré au fin fond de la campagne, entouré d'un jardin qui a repris sa liberté, elle peine à y croire. Pourtant, elle s'y rend- une véritable expédition- et entreprend de s'approprier les lieux, tout en respectant la sauvagerie du jardin.
Petit à petit va également se nouer une relation avec une adolescente, en vacances dans le bourg voisin et qui va apprivoiser Mariette, sans pour autant percer son quasi mutisme. La relation s'étiolera au fil du temps mais restera marquante pour la jeune femme.
Un titre simple , à l'image de ce récit qui fait le choix de ne pas trop en dire, et c'est tant mieux, avec une autrice qui peint avec délicatesse autant les femmes que les plantes. Un grand coup de cœur.
Éditions Interférences.
L'avis d'Aifelle qui m'avait donné envie: clic.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : anne guglielmetti
21/06/2022
#Assemblées #NetGalleyFrance !
Trois femmes gravitent autour d 'Antoine Olin, député charismatique de la majorité qui se rêve ministre : son épouse d'abord, Estelle, sa dernière maîtresse en date, Jeanne et celle qui rêve de le devenir, Lila.
C'est donc dans les coulisses de l'Assemblée Nationale, que Clémentine Autain nous invite à voir évoluer ses personnages, qu'ils soient assistant. e. s parlementaires ou militant.e.s. Séduction mais aussi harcèlement sexuel sont les thématiques fondamentales de ce roman , souvent par trop démonstratif, au style appliqué et dont les personnages manquent singulièrement de chair. On suit sans déplaisir, mais sans réel intérêt, l'évolution de ces trois femmes dans ce roman léger où je me suis toujours sentie mise à distance.
Grasset 2022.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : clémentine autain
16/06/2022
On était des poissons...en poche
"Quand on est jeune, on apprend vite, il faut garder le rythme, il faut que je devienne aussi folle qu'elle. "
Embarquée par sa mère, Alice, sur la Côte d'Azur alors que l'année scolaire n'est pas terminée, Agathe, onze ans, est déjà sur le qui vive. Dès lors, elle scrute avec une extrême attention le visage maternel, prompte à décrypter les changements d'humeur de cette dernière et à s'y adapter. Car elle l'aime sa mère qui lui fait vivre des montagnes russes émotionnelles depuis que le père de a fillette est parti fonder une nouvelle famille aux États-Unis.
Très vite ces vacances rythmées par le cri de ralliement "Maillot de bain" vont tourner à l'aigre et le duo mère-fille devenir duel car Alice s'est mise en tête d'éduquer sa fille à se détacher d'elle. La tragédie se met en marche...
La photo de couverture, tirée de la collection personnelle de l'autrice , met bien en scène cette intensité et ce récit à hauteur d'enfant la rend tout autant palpable. Les mots se font silex, on oscille sans cesse entre des émotions contraires et on termine le souffle court ce roman. Un grand coup de cœur en dépit de quelques baisses de rythme.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nathalie kuperman
08/06/2022
Age tendre...en poche
[...]; je me suis soudain senti comme arraché à mon vrai monde , placé de force dans un monde sans justesse, sans joliesse et sans joie et ça me semblait extrêmement injuste.
Alors j’ai erré, erré et j'ai trouvé un magasin de peinture.
Age tendre et tête de bois *, ajouteront par automatisme tous ceux qui ont connu les années soixante, et cela conviendrait ma foi fort bien à dépeindre en partie Valentin, astreint à faire son service civique dans les Hauts de France.
Le collégien (il entrera en classe de seconde à l'issue de cette mission) est en effet arcbouté sur un certain nombre de certitudes ,surtout dues à sa méconnaissance de la vie et de ses fluctuations et qui le rendent parfois cruel sans qu'il s'en rende bien compte.
Son stage dans un centre pour personnes âgées atteintes d’Alzheimer va lui permettre de s'épanouir en découvrant les années 60, minutieusement reconstituées afin de reproduire l'univers qu'ont connu les pensionnaires dans leur jeunesse.
Sa première mission sera de faire venir un sosie de Françoise Hardy afin de satisfaire une pensionnaire persuadée d'avoir gagner un concours dans feu Salut les copains !
C'est le rapport de stage de Valentin "Le rapport ne devra pas dépasser trente pages dactylographiées.[...]
Longueur : 378 pages
(J'ai dépassé.) "
que nous lisons , avec ses maladresses, son humour involontaire et nous découvrons surtout son évolution depuis le langage stéréotypé qu'il s'applique à reproduire , avant de s'en affranchir et de laisser la part belle aux émotions, aux repentirs, aux précisions rétrospectives, aux réflexions sur l'écriture et la fiction.
Clémentine Beauvais fait le choix de ne jamais poser d'étiquettes sur ses personnages , jeunes ou vieux, ne les enferme jamais dans une catégorie( sexuelle, médicale ...) et ne tombe jamais dans les bons sentiments , même si on sent beaucoup de bienveillance et d'amusement.
Elle choisit de les faire évoluer dans un monde qui pourrait être le notre très bientôt , ou pas,se permet quelques jolies entorses à la réalité (les pensionnaires boivent du champagne) et brosse un portrait plutôt sympathique et poétique de ma région, tout cela avec beaucoup de fluidité. Bref, c'est une réussite !
*Nom d'une émission de variétés des années 60 .
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : clémentine beauvais
02/06/2022
L'anomalie...en poche
Dévoré en une journée. Un livre vertigineux et drôle qui m'a donné envie de manger une andouillette. C'est grave , docteur ?
19:18 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : hervé le tellier
26/05/2022
Le dernier bain de Gustave Flaubert...en poche
"Le style, cette puissance, ce couperet, cette déflagration. Le style qui recrée le monde à force de s'en emparer, de le réfléchir, d'en construire un double sublime."
C'est à un véritable tour de force, stylistique et romanesque que nous convie ici Régis Jauffret dans cette biographie romancée de l'auteur de Madame Bovary.
Flaubert prend donc son dernier bain, sera sans doute ensuite victime d'une crise d’épilepsie puis d'une attaque cérébrale.
Dans cet entre-deux, Jauffret imagine donc les hallucinations, les souvenirs, vrais ou faux, les apparitions de personnages de romans qui viennent demander des comptes (en particulier celle qui se montre la plus vindicative, Emma Bovary), des anecdotes peu reluisantes qui disent la vérité d'une époque et brossent un portrait, non pas en majesté, mais en déliquescence, du vieil auteur qui profitait autrefois, avec avidité et égoïsme ,des plaisirs de la vie.
Nous sommes donc emportés dans un maelstrom charriant aussi bien des considérations sur les mots, le style, les procès, la censure (dont furent à la fois victimes les deux écrivains), les amours, le tout dans un style puissant et gourmand de mots. On y trouvera aussi bien des mots contemporains de Flaubert que des mots du XXI siècle employés par l'auteur de Bouvard et Pécuchet car, Flaubert peut à la fois être mort et sur le point de mourir dans ce roman qui se joue de la temporalité avec maestria. Flaubert lui-même ne se penche-t-il pas , dans une fascinante mise en abîme sur sa postérité et sur le "saligaud de son espèce" qui "s’emparerait de celui qu il fut" ?
Car oui, en plus d'être brillant ce texte est bourré d'humour (noir, façon Jauffret, bien sûr). Un chutier (dont la taille de police est juste bonne à nous crever les yeux) complète le plaisir en nous offrant, non pas les scories, mais tout ce qui n'a pu trouver place dans ce roman magistral.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : régis jauffret jauffret
18/05/2022
Un colosse...en poche
"Jean-Pierre sera glorieux, mais il continuera à travailler la terre."
Jean-Pierre Mazas naît dans le sud-ouest de la France en 1847 et ne commence à grandir de manière démesurée qu'à partir de 16 ans . Ce gigantisme facilité sa tâche de laboureur mais bientôt il deviendra aussi lutteur et sa notoriété dépasseras frontières.
Pascal Dessaint, délaissant le roman noir, se penche ici sur une destinée hors-normes, celle d'un homme qui finira phénomène de foire et curiosité scientifique dans un monde qui évolue très rapidement par certains côtés, mais conserve aussi certains vestiges du passé.
Le romancier mène l’enquête, rétablit quelques vérités et/ou approximations et peint un tableau plein de vie d'une société qui exhibe sans honte ceux qu’elle considère comme des monstres. C'est donc l'histoire d'un corps, mais aussi d'un paysan, tous deux voués à un destin tragique que nous propose Pascal Dessaint.Un récit court, un peu plus de 120 pages, mais dense.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal dessaint