08/08/2014
Moyenne
"Je vais finir par devenir trop vieille pour devenir grande."
Ne nous leurrons pas : si j'ai acheté ce livre c'est plus pour son titre (quelqu'un qui se revendique Moyenne dans un monde où règne la compétition, ça intrigue) et pour son auteure (la sœur d'une actrice qui bénéficie en ce qui me concerne d'un gros capital sympathie) que pour son thème.
Récit à la première personne du parcours d'une femme qui va devoir se dépasser parce que la naissance de sa fille grande prématurée et handicapée moteur bouleverse sa vie, Moyenne a su m'étonner par bien des aspects.
D'abord par la personnalité de Laurence Kiberlain qui ne se pose jamais en victime, n'agresse (verbalement) personne , même si elle pointe parfois posément au passage les incohérences, les incompétences, la mauvaise foi qui vont accompagner son parcours et celui de sa fille. On sent que c'est une belle personne qui a su s'adapter et évoluer pour elle-même et pour sa fille.
Enfin par le style de ce récit, simple mais pas simpliste, sans effets de manches ni pathos.Posé. On sourit parfois aussi de ses analyses : "Je ne m'y connais tellement en rien que j'ai du recul en tout.", on admire sa lucidité et son courage. Un bon moment de lecture.
Moyenne, Laurence Kiberlain, Livre de poche 2014, 136 pages et quelques illustrations de l'auteure (dont la couverture) et une flopée de marque-pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : laurence kiberlain
07/08/2014
L'attente
"Non, mon enjeu est ailleurs, dans la reconquête d'une solidité ,dans la diminution de ma dépendance affective, dans l'apprivoisement d'une solitude partielle, mais plus dans le don, plus dans cet amour sans condition dont j'ai exploré, avec lui en tout cas, les voluptés et les tourments."
Il y a quelques années j'avais lu un roman de Fanny Hurst, Back street, devenu emblématique de ces femmes qui, maîtresses d'un homme marié, n'avaient d'autre choix que de vivre dans l'ombre, sacrifiant leur vie à un amour impossible.
Je rechignais donc un peu à lire L'attente mais le nom de Catherine Charrier dont j'avais déjà pu apprécier l'écriture dans un premier recueil de nouvelles (clic) m'a décidée.
Et j'ai bien fait ! En effet, il ne s’agit plus ici d'une héroïne soumise (même financièrement) mais d'une femme indépendante, au caractère trempé, mariée, mère de famille et qui se lance avec ardeur dans une relation avec un homme lui aussi marié et père de famille. Pas de grande scène de rencontre mais d'emblée une analyse de l'espace qui devient particulier aux amants et l'enclenchement d'une chronologie, d'un décompte de cette attente qui donne son titre au roman.
Nous n'aurons que son point de vue à elle, ne découvrirons les détails de cette histoire qui va durer treize ans que par l'analyse qu'elle en fera, des chapitres consacrés à l'attente (qui finira personnifiée ,tant elle est récurrente) s'intercalent d'ailleurs entre cette chronologie à J+ qui jalonne le roman, lui conférant sa densité. L'écriture est sensuelle sans être vulgaire, aucune complaisance de la part de l'héroïne mais un récit prenant, sensible et maîtrisé qui emporte l'adhésion. Une réussite ! 239 pages bruissantes de marque-pages !
L’attente, Catherine Charrier Pocket 2014.
Le billet de Clara qui vous mènera vers d'autres.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : catherine charrier
19/07/2014
à bientôt !
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (17)
16/07/2014
Comment se débarrasser d'un ado d'appartement
"Vous êtes au bord de la crise de mère. Maintenant, il faut que jeunesse se casse !"
Le film d’Étienne Chatilliez avait mis en scène un personnage devenu depuis représentatif d'une génération d'étudiants au long cours accrochés comme des berniques au foyer parental, j'ai nommé Tanguy.
Le modèle évoqué par Anne de Rancourt ,dans cet essai tour à tour tendre et acidulé, est celui d'un adulescent (mot-valise , contraction d'adulte et d'adolescent ).En effet, si l'adolescence commence de plus en plus tôt, elle a une fâcheuse tendance à durer très longtemps. Le specimen imaginé (ou pas ) par l'auteure est âgé de vingt-trois ans et il est à la (molle ) recherche du sésame de l'autonomie: un emploi.
ça grince un peu mais on sent bien que derrière les méthodes farfelues (et inutilisables, bien sûr) imaginées par l'auteure, il y a de l'amour mais aussi la volonté de voir l'oisillon prendre son envol et son autonomie devant l’œil embué de sa môman. Une manière de dédramatiser un peu ce phénomène de plus en plus d'actualité.
Comment se débarrasser d'un ado d'appartement, Anne de Rancourt, j'ai Lu 2014, 132 pages que j'aurais aimées un peu plus corrosives.
06:01 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : anne de rancourt
14/07/2014
Patients
"Je découvre les joies de l'autonomie zéro, de l'entière dépendance aux humains qui m'entourent et que je ne connaissais pas hier."
A deux semaines de son vingtième anniversaire, Fabien heurte le fond d'une piscine pas assez remplie . Le diagnostic tombe: risque de paralysie à vie.
De cet accident de plongeon (deuxième cause de tétraplégie après les accidents de la route), à la réanimation où il a le temps d'observer consciencieusement la couleur du plafond et sa teinte, en passant par les centres de rééducation où il rencontrera de drôles de loustics, gais ou tristes , Fabien raconte avec humour et sensibilité, sans auto apitoiement, le passage brutal de sa condition de valide à celle d’handicapé.
Dans ces centres, le tragique côtoie l'humour volontaire ou non,mais quand on a vingt ans , même en fauteuil roulant, c'est aussi l'âge des conneries, aussi limitées soient-elles ! Un récit plein de vie qui analyse avec lucidité le regard que l'on porte sur les handicapés:"Pour ceux qui n'ont pas l'habitude de le côtoyer, le statut d'handicapé (surtout en fauteuil roulant) est tellement marquant (effrayant, dérangeant ) qu’il masque complètement l'être humain qui existe derrière. On peut pourtant croiser chez les personnes handicapées le même genre de personnalités qu'ailleurs : un timide, une grande gueule, un mec sympa ou un gros con."
Patients *Grand Corps Malade, Points Seuil 2014, 166 pages enlevées.
*"Quand tu es dépendant des autres pour le moindre geste, il faut être pote avec la grande aiguille de l'horloge. la patience est un art qui s'apprend patiemment."
PS: je en connais pas bien les textes de slam de Grands Corps Malade, mais la personnalité sympathique de ce grand gaillard m'a donné envie de lire son récit et je ne le regrette pas .
Pour continuer sur un thème identique, avec une écriture plus travaillée , on lira de Régine Detambel:Son corps extrême .clic
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : grand corps malade, fabien marsaud
11/07/2014
Pas son genre, le film, le livre
Lui, parisien, professeur de philosophie, en exil à Arras. Elle, coiffeuse et maman solo. Ils deviennent amants. Mais cette histoire improbable entre deux personnes que la classe sociale, les références culturelles, voire la géographie, opposent inclut-elle les sentiments pour les deux parties en présence ? Tout n’est pas joué d’avance …
On pourrait évoquer ici un roman un peu oublié, La dentellière, dont le personnage avait été incarné au cinéma par la toute jeune et déjà lumineuse, Isabelle Huppert. Mais l’originalité de Philipe Vilain, dans sa manière de traiter ce thème de la différence sociale dans une histoire d’amour, est de laisser planer l’ambiguïté sur son héros masculin (qui décortique à l’envie ses attitudes mais semble incapable d’éprouver vraiment des sentiments, de se laisser aller), tout en laissant une échappatoire à son héroïne.
J’ai d’abord vu le film, pour son réalisateur, Lucas Belvaux et j’ai été enchantée par le jeu des acteurs, Emilie Dequenne, rayonnante, pleine de vie d’énergie et d’intelligence, et Loïc Corbery, beau ténébreux qui réussit à conférer à la fois opacité et ambiguïté à son personnage. Le rythme est plein d’allant mais au final demeure cette question : l’aime-t-il, l’a-t-il aimée ou pas cette petite coiffeuse ?
Pour le savoir, j’ai enchaîné dans la foulée avec la lecture du roman de Philippe Vilain que j’ai trouvé plus cruel mais tout aussi ambigu. L’auto-analyse du personnage masculin est parfois pesante (de longs paragraphes comme autant de pavés) mais la fin du roman contrebalance la vision parfois cruelle du personnage féminin. Dans le film, Jennifer est beaucoup plus subtile autant dans sa manière de s’habiller que dans ses réflexions et l’on sent plus d’empathie de la part du réalisateur. Au final, je n’ai toujours pas tranché et la question reste posée…Un film et un roman à découvrir absolument.
06:00 Publié dans je l'ai vu !, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : philippe vilain
10/07/2014
Moi, j'attends de voir passer un pingouin...en poche
Moi, j'attends de voir passer un pingouin, cette phrase qui m'habite et semble dépourvue de sens est un mantra pour desserrer l'étau. Entendant ou lisant ces syllabes absurdes, les hommes épris de sérieux, les représentants de l'ordre et de la loi, leurs amis, leurs alliés, les rédacteurs en chef, les directeurs financiers, les responsables de tout acabit haussent les épaules et passent leur chemin.
Nous voici tranquilles."
Une narratrice (serait-ce Nouk, une héroïne déjà rencontrée chez Genviève Brisac ?) non identifiée, qui "gagne sa vie en racontant des fariboles de petite ampleur", dans 13 petits textes nous livre des moments de sa vie. Une vie animée par une ribambelle d'animaux, par des dialogues avec son fils, Nelson, ou sa concierge, Céleste. Par des cours d'éducation populaire où elle exprime sa passion pour Rosa Luxembourg, cette révolutionnaire un peu trop oubliée.
Car c'est bien de révolte qu'il s'agit. Geneviève Brisac a choisi en effet d'illustrer ce thème, fondamental pour Pablo Picasso pour la collection Tabloïd de chez Alma éditeur.
Mais pas de révolte flamboyante. non,il faut comme elle l'indique dans son autoportrait "Noter le passage du temps sur les êtres, observer une voile qui se gonfle, décrire les déceptions et les malentendus, la beauté des ciels et des amitiés, l'omniprésente bêtise , les injustices et les insoumissions Rendre réelle cette seconde vie cachée sous la vie officielle."
Il n'en reste pas moins que je suis restée un peu perplexe, accrochant ça et là quelques marque-page, séduite par le style lumineux et enjoué de Geneviève Brisac mais pas tout à fait rassasiée...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : geneviève brisac
08/07/2014
Juin de culasse
"Ben si, le père pensait autrement. Outre que, le mal étant nommé, il se sentait un peu soulagé, il trouvait prodigieux, épatant, même, que le calendrier, la mécanique et la météo, que le grand beau temps et les quatre temps, que le moteur et la chaleur se fussent ligués, juste pour produire ce calembour calamiteux : juin de culasse. le père, des fois, il avait pas toute sa raison."
ça nous est tous arrivé au moins une fois: le coup de la panne en plein cagnard sur la route des vacances. Antoine Martin poursuivant son Histoire de l'humanité (commencée avec Le chauffe- eau clic) transforme une fois de plus en épopée hilarante nos p'tits et gros soucis de la vie quotidienne. On y retrouve son goût des mots , sa jubilation à mêler les registres de langue (et l'on voit bien que son narrateur a suivi des études classiques, le bougre: j'ai apprécié la fonction dictionnaire de ma liseuse !). Son portrait du garagiste d'autoroute, "cette came oléagineuse et rétive, cette tête de delcon", sorti d'un film d'Audiard (ou d'un roman de San Antonio) est délectable ! L'auteur pousse même le vice jusqu'à utiliser le champ lexical de la mécanique dans l'intitulé de chacun de ses chapitres ! Du grand art . J' attends déjà avec impatience le troisième volet !
Juin de culasse, Antoine Martin, le Diable Vauvert 2014,56 pages, 5 euros version papier et encore moins version électronique !
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : antoine martin
07/07/2014
Mince, on est déjà le 7 juillet...
...et il y a 8 ans, sur une impulsion, je lançais ce blog , en apparence stakhanoviste, en réalité fluctuant , mais qui pour l'instant perdure.
8 ans de découvertes, d'enthousiasmes, de coups de cœur, de déceptions aussi parfois, mais reste le plaisir alors, c'est reparti pour un tour !
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (36)
03/07/2014
Le liseur du 6H27
"Je n'ai pas de poireau disgracieux au menton ni de cheveu sur la langue mais je suis nanti d'un vrai nom à la con qui vaut bien à lui seul tous les poireaux et zézaiements du monde."
Guylain Vignolles travaille au pilon, un emploi qu'il abhorre. Alors, il s' arrange pour sauver discrètement des feuillets de la voracité de la machine et les lit à l'auditoire captif de son compartiment de RER de 6H 27.
La découverte d'une clé USB va l'entraîner dans une autre quête, placée elle aussi sous le signe des mots.
J'ai lu jusqu'au bout ces 218 pages, appréciant au passage la variété et l'humanité des personnages secondaires mais plusieurs détails m'ont fait tiquer : une certaine complaisance dans la scatologie et des détails incongrus (qui irait déguster ses friandises préférées dans des toilettes, mêmes rutilantes, en faisant un moment privilégié ? ). Quant au passage d'un livre se déroulant dans une cabine de routier, même si je suis bien consciente que ce type de littérature existe hélas, il a fait hurler en moi la féministe que je suis.
Il fallait bien un esprit grincheux pour mieux mettre en valeur tous vos éloges, les filles !
Le billet ,enthousiaste ,de Clara et celui de Liliba
Celui de Séverine
celui, plus mitigé de Sylire
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : jean-paul didierlaurent, schtroumph grognon le retour