16/05/2014
Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce
"La Petite Fille au Bout du Chemin , de deux phrases taguées , a dégagé les mots et mis à nu la guerre."
Émilienne, dite Émile, jeune femme pleine de générosité et d'altruisme, est morte pendant quelques minutes, son cœur s'arrêtant de battre soudainement. Pendant qu’Émile dort d'un sommeil artificiel, la narratrice, danseuse classique passionnée, évoque les souvenirs de cette amitié qui s'est tissée dans des circonstances douloureuses.
Simultanément, elle entre en relation avec La Petite Fille au Bout du Chemin, jeune femme qui n'hésite pas à braver les interdits et avec laquelle elle vivra des "odyssées déglinguées" et libèrera son corps entravé.
Comme dans La petite communiste qui ne souriait jamais, ( clic) Lola Lafon parle sans pathos mais avec beaucoup de poésie et de sensibilité du mouvement, des corps des femmes et de la place qui leur est faite -ou non -dans une société marquée par l'ordre et le rigorisme. Les mots, eux aussi sont importants, ceux qui stigmatisent mais aussi ceux qui libèrent.
J'ai savouré et fait durer ces 428 pages marquées du sceau de la révolte et du désir de liberté. Un grand coup de cœur.
Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce, Lola Lafon, Babel 2014.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : lola lafon
15/05/2014
La ballade d'Hester Day
"J'imagine que quand tu épouses secrètement un poète qui veut t'exploiter comme matériel littéraire, il vaut mieux que tu prennes au moins une minute pour réfléchir à ce que tu dirais à tes parents s'ils venaient à découvrir le pot aux roses. Moi, je n'y avais pas pensé."
Capable de programmer l'adoption d'un enfant dès sa majorité toute proche, comme d'agir sous une impulsion, Hester Day se retrouve dans un road movie, brinquebalée entre son mari poète et son très jeune cousin. Qu'elle les connaisse tous deux à peine ne la dérange pas le moins du monde !
Vouée d'emblée à l'échec cette épopée vaut pour les rencontres que nos anti-héros vont effectuer et par la manière si particulière d’Hesther d'envisager sa vie. N'empêche qu'on n'aimerait pas être à la place de sa mère !
367 pages hérissées de marque-pages et un excellent moment en compagnie d'Hester Day !
La ballade d'Hester Day, Mercedès Helnwein, traduit de l’anglais (E-U) par Francesca Serra, La belle colère 2014
06:55 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : mercedes helnwein
14/05/2014
Mon père ce héron
"Moi, mon père, il travaille à la télé...c'est lui qui présente la météo en haut d'une échelle !"
La surenchère règne dans la mare chez les petites grenouilles: "Moi, mon père...", "Moi mon père" jusqu'à ce que l'une d'entre elles, emportée par son élan, lâche "Moi , mon père...c'est un héron !". Or, "Tout le monde sait que les hérons mangent les grenouilles" Et, justement, voilà un héron qui fait irruption...
Rebondissements en cascade jusqu'à la toute dernière page (les hérons ne sont pas épargnés par la vantardise), références culturelles à la nouvelle star ou à Karl Lagerfeld, sans compter celles plus littéraires à Victor Hugo ("Mon père ce héros au sourire si doux"), voire politique avec l'anaphore présidentielle ("Moi, président de la république"), sans oublier l'humour malicieux des dessins de Jul, cet album présente plusieurs niveaux de lecture pour plaire aux petits (5 ans et plus) et aux grands ! Un pur régal !
Mon père ce héron, Jul, Rue de Sèvres 2014, pour enfants de 5 ans et plus.
06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jul
13/05/2014
Tout se mérite
"-Non, ça ne va pas en "métaux". D'abord faut contacter le fabricant pour savoir si l'alliage utilisé contient moins de 3,5% de tungstène et puis le revendeur pour qu'il confirme que la vente est postérieure à mars 2003. Et ensuite revenir ici avec un certificat complet, daté et visé par la préfecture. Pour commencer."
Voilà pour le passage à la déchetterie ! Tout se mérite , affirme Voutch sur la couverture de cet opus où un couple sourit, façon puzzle.
Et de passer en revue les applications de portable, le "coming out" sauvage en deux minutes top chrono, sur arrière plan de réception à la campagne, le cynisme et la bêtise des banquiers exposés crûment, les thérapies, les implants capillaires, le refus d'être un objet sexuel, l'art de présenter la tromperie et les enfants hors-mariage comme " contribution personnelle à la biodiversité", bref un joyeux panel de nos obsessions contemporaines !
Quant aux dessins, ils sont toujours aussi précis dans les détails, aussi beaux à regarder et le contraste entre l'harmonie du décor et l’aspect corseté des personnages toujours aussi efficace ! Éclats de rires garantis !
Déniché à la médiathèque !
06:00 Publié dans BD, Humour | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : voutch
12/05/2014
Ce qui est arrivé aux Kempinski
"Une des particularités comiques de l'enfance est que l'on traverse une gamme infinie de sentiments dont on ignore les noms. Tant que le mot n'a pas épinglé la sensation, comme une aiguille perçant les thorax d'un insecte, les impressions papillonnent en liberté autour de nous et en nous, éblouissantes, féériques, mais aussi parfois menaçantes car nous n'avons aucune idée de leur trajectoire, de leur taille, de leur venimosité."
Dans les quatorze nouvelles composant Ce qui est arrivé aux Kempinski, la réalité fait un pas de côté et les rêves deviennent plus réels que la réalité. Le titre d'un roman apparaît différemment à sa lectrice, les identités sont faussées, fluctuantes. Usurpations, impostures, trahisons sont au rendez-vous et même le diable sera dupé par une femme.
Le familier révèle ses double-fonds, les sentiments inavouables (que faut-il faire des cadeaux rapportés de l'école, ces "offrandes [...]la plupart du temps ratées et mystifiantes de laideur" ?, se demande une mère de famille éprise de perfection). On sourit, on admire aussi l'écriture éblouissante d'Agnès Desarthe qui traque au plus près le réel qui se dérobe sous nos pas.
« Mon âme, dit-elle. Mon âme, que vaut-elle ? Mon âme est une liste de courses. Mon âme est une déclaration d’impôts, un bulletin de notes au bas duquel ne figurent pas d’encouragements. Mon âme est le mode d’emploi du lave-vaisselle remplacé depuis huit ans, un bordereau de la poste datant de trois mois (le paquet est reparti, mais où, et que contenait-il ? Une rivière de diamants, sans doute). Mon âme est pleine de “Bonjour, madame”, “Au revoir, madame”, elle est salie par les corvées, corrompue par la fatigue de jours sans héroïsme, sans passion, sans péril. »
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Qu'est-il arrivé aux Kempinski, Agnès Desarthe, éditions de l'olivier 2014, 191 pages constellées d emarque-pages !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : agnes desarthe
11/05/2014
La grâce des brigands...en poche
"Cette dernière passion, ça ne faisait pas un pli, l'entraînerait loin de Lapérouse, puisque les livres servent, comme on le sait, à s'émanciper des familles asphyxiantes."
Maria Christina Väätonen, qui s'est auto-attribué le titre de vilaine sœur, a quitté son grand Nord et sa famille étouffante dès seize ans pour s'installer à Santa Monica . Quand le roman commence, le 12 juin 1989, elle reçoit un coup de fil de sa mère qui va la faire revenir sur son passé et sur la manière dont, dans les années 70, elle est devenue une très jeune écrivaine à succès.
Quel bonheur que ce livre ! Un je ne sais quoi m'avait toujours retenue dans mon appréciation des précédents romans de Véronique Ovaldé mais ici toutes les restrictions ont été balayées !
Le premier chapitre qui explique l'inclination de l’héroïne pour ce quartier de Los Angeles où elle habite est une pure merveille ! Nous sommes avec elle en train de siroter des sangrias, de sentir le vent frais qui vient des jardins... et ce sera comme cela tout le long du texte car Ovaldé a un don visuel certain. Cet éloge sensuel fonctionne d'ailleurs en contrepoint de la liste sèche et pleine de rigueur de "La vulgarité selon Marguerite Richaumont", la mère de l'héroïne. Les titres des chapitres , "L'encombrant désespoir des fillettes", " Mettre le bras entier dans un trou d'alligator", le style, plein de cette Grâce des brigands vantée dans le texte, font de ce roman d'émancipation féminine une pure merveille, jamais pesante, où les épreuves sont racontées avec justesse, sans auto-apitoiement et avec toujours une pointe d'humour. Une écrivaine qui a atteint une aisance dans l'écriture que nombre de ses confrères lui envieront !
Un grand coup de cœur, constellé de marque-pages, et qui file d'un seul coup d'un seul sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : veronique ovaldé
09/05/2014
Le mystère SherlocK...en poche
"Un esprit non chrétien pourrait se réjouir de la raréfaction de la concurrence...Ah, que certains ont l'âme sombre!"
N'ayant guère d'affinités avec le résident du 221 Baker Street mais beaucoup plus avec l'auteur J.M. Erre, je me suis finalement laissée tenter par la sortie en poche de cet opus. Et j'ai bien fait !
Combinant deux procédés précédemment utilisés par Agatha Christie, Le mystère Sherlock réussit le pari de nous tenir en haleine et de nous divertir avec ce récit d'universitaires bloqués dans une hôtel en pleine montagne. La rivalité fait rage car une seul parmi les présents aura l'immense d'honneur d'être nommé titulaire de la première chaire de Sherlock Holmes- éologie de la Sorbonne.
Comme dans Les dix petits nègres, les cadavres s'accumulent et comme nous sommes aussi chez J.M Erre les éclats de rires aussi ! On apprend plein d'infos sur Sherlock Holmes et , mine de rien, l'auteur nous propose quelques pistes de réflexion sur la littérature des récits à énigmes. Un divertissement intelligent et drôle , à ne pas manquer !
Plein d'avis enthousiastes chez babelio !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (20)
06/05/2014
Miss Alabama et ses petits secrets
"Ethel, quant à elle, lui avait conseillé d'opter pour un chat: "Au moins, c'est toujours propre et ils s'occupent de leurs affaires.""
Ex-Miss Alabama, Maggie Fortenberry a conservé sa beauté et son prestige dans la ville de Birmingham où elle officie désormais dans une agence immobilière.Ayant le sentiment d'avoir connu le meilleur de sa vie, elle décide, en toute lucidité, de mettre fin à sa soixantième année de vie.
Méticuleuse et organisée, elle prépare tout dans le moindre détail mais les événements vont conspirer contre elle et sa décision pourtant bien arrêtée, révélant au passage quelques-uns des secrets de Maggie mais aussi d'une des plus somptueuses demeures de la ville.
Ayant gardé un souvenir savoureux du précédent roman de Fannie Flagg (adapté au cinéma ), Beignets de tomates vertes, sans doute attendais-je un peu trop de celui-ci. D'une lecture agréable, mais un peu trop prévisible, ce livre qui fait du bien remplit parfaitement sa mission , nous distraire, évoquant même au passage les pages les plus sombres de l'histoire de Birmingham. Les personnages sont attachants en diable mais le récit manque un peu de dynamisme. Un bon moment de lecture cependant.
Miss Alabama et ses petits secrets, Fannie Flagg, traduit de l'anglais (E-U) par Jean-Luc Piningre le cherche midi 2014, 435 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : fannie flagg
05/05/2014
Poulpe fiction/quand l'animal inspire l'innovation
"Au Zimbabwe, l'Eastgate Centre de la ville d'Harare, à la fois centre commercial et immeuble d'habitations, reproduit cette organisation [celle des termitières]. L'air est recyclé pendant la nuit et circule grâce à des ventilateurs situés à sa base. Il maintient ainsi une température de 25 °C en économisant 90% d'énergie, comparé à un bâtiment de même dimension- ce qui a permis aux habitants d'économiser environ 3,5 millions de dollars en cinq ans."
Même si vous n'avez pas de formation scientifique poussée (je remercie mes profs de biologie et de sciences qui ont su donner le petit bagage nécessaire pour apprécier cet ouvrage), vous pourrez lire avec enthousiasme ce texte qui montre l'infinité de domaines dans lesquels les chercheurs se sont inspirés et s’inspirent encore de la nature.
Les capacités animales sont extrêmement variées et toutes n'ont pas encore été élucidées ni totalement imitées par la science. J'avoue un petit faible pour ma copine l'araignée qui a donné du fil à retordre aux chercheurs qui voulaient imiter ses capacités extraordinaires . Pour l'instant "La course au fil fabuleux est désormais lancée"pour produire un fil à la fois efficace (en chirurgie notamment) et économique.
Plein d'infos passionnantes donc mais un petit regret: des photos en noir et blanc émaillent le texte alors qu'un cahier central regroupent les photos en couleurs...
Si, comme moi vous êtes curieux et fascinés par les capacités animales, précipitez-vous sur cet ouvrage qui regorge d'informations passionnantes !
Poulpe fiction, Agnès Guillot, Jean-Arcady Meyer, Dunod 2014.
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (3)
04/05/2014
Maine..en poche
"Elle n'avait rencontré aucune famille aussi éprise de sa mythologie."
Alice,( la matriarche imperméable aux sentiments, une femme comme on n'aimerait pas en rencontrer pour de vrai), Kathleen, la fille, (ancienne alcoolique reconvertie dans l'élevage des vers de terre), Maggie (la petite fille trop accommodante) et Ann Marie , la belle-fille parfaite, sont réunies pour quelques jours dans la maison de vacances du Maine.
Si la situation géographique est idéale, la configuration familiale , elle, est pour le moins explosive ! On pouvait craindre le pire, clichés à gogo, situations convenues, mais, roman polyphonique, Maine alterne à chaque chapitre les points de vue et éclaire sous des angles différents les personnages. Nuancés, ils deviennent tour à tour attachants ou exaspérants , mais diablement humains. Notre opinion varie et nous éloigne de toute forme de caricature.
L'exploration psychologique est passionnante, les révélations se succèdent sans que le rythme fléchisse et l'on ne peut que se demander comment une "gamine" de trente ans peut avoir une telle expérience humaine ! Si ce roman , impossible à lâcher, ne devient pas LE roman de l'été, c'est à n'y rien comprendre !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (19)