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11/02/2014

Boy

"Elle ne s'était pas trompée en essayant de donner du corps et de la vie aux textes inaboutis du père. Ses héros sont venus le chercher."

Boy, appellation trompeuse pour une jeune femme qui refuse sa féminité et incarne dans le monde réel les personnages inventés par son père.  Boy tombe amoureuse. Un homme, une femme l'aiment aussi et un tueur en série vient brouiller les pistes et faire basculer le récit dans la violence et la mort.richard morgieve
Roman noircissime Boy interroge les rapports entre fiction et réalité .Le style, volontairement saccadé, répétitif, scande cette quête éperdue d'amour où les fantasmes viennent bousculer le lecteur, le poussant dans ses retranchements. On a parfois envie d'arrêter sa lecture tant la violence qui se donne à lire est  crue mais l'humanité de Boy l'emporte toujours. On sort de là un peu sonné par une telle intensité !

Boy, Richard Morgiève, carnets Nord, éditions Montparnasse, 280 pages intenses.

 

10/02/2014

Les jeunes mariés

"Elle s'efforçait de trouver un lien entre la jeune fille qu'elle imaginait si souvent dans l'appartement de ses parents et l'épouse américaine se servant d'un lave-vaisselle et d'une machine à laver ou consultant ses mails sur l'ordinateur du salon.La tâche était d’autant plus difficile qu'à Rochester  personne ne connaissait la Munni d'avant, et dans son pays ,personne ne connaissait celle d’aujourd’hui.Parfois, elle se demandait si les deux filles  s'éloigneraient de plus en plus jusqu'au jour où elles ne se reconnaitraient plus."

nell freudenberger

Amina,jolie jeune femme bangladaise, et Richard, ingénieur américain de trente-cinq ans , ont fait connaissance par le truchement d'un site de rencontre sur internet. Tous deux, forts pragmatiques, ont chacun le projet de fonder une famille. Mais ce qu'Amina ne révèle pas immédiatement c'est que pour elle cela implique que ses parents la rejoignent aux États-Unis.
Par rapport à Amina , jolie, déterminée et intelligente, Richard paraît bien falot. Mais peut être n'est-il pas aussi lisse qu’il le paraît...
La première partie du roman est malicieusement intitulée " Un mariage arrangé". En effet, Amina met tout en œuvre pour réaliser son rêve: aller vivre aux États-Unis, mais sans jamais paraître froide ou manipulatrice. Les deux chapitre suivants, forts intéressants, sont consacrés à son intégration et à sa conquête de la citoyenneté américaine. En contrepoint des héros, la cousine de Richard, qui a échoué dans son mariage avec un Indien ,vient donner un nouvel éclairage sur les couples dits mixtes. J'ai été moins convaincue par la dernière partie, "Une demande en mariage" qui décrit avec beaucoup trop de détails les embrouilles  familiales dans lesquelles sont enferrés les parents d'Amina. Un roman qui, malgré quelques longueurs, confirme le talent de Nell Freudenberger.Un joli parcours de couples qui s'effectue d'une certaine façon à l 'envers mais qui est fort convaincant dans son souci des détails et sa vérité psychologique.

Les jeunes mariés, Nell Freudenberger, traduit de l'anglais (E-U) par  Sabine Porte,  Quai Voltaire 2014,  427 pages.

Du même auteur en poche: clic !

08/02/2014

La promesse du bonheur...en poche

"Les familles sont comme les anémones de mer, promptes à se refermer."

Fi du stoïcisme anglais ! Charles doit bien l'admettre : avec l'incarcération de sa fille préférée, Juliet (dite Ju-Ju), c'est toute la famille qui a été touchée dans ses fondements les plus intimes. Le choc a été d'autant plus rude que Juliet avait tout pour elle: intelligence, charme, beauté. Personne ne comprend donc pourquoi elle s'est retrouvée impliquée dans le vol d'un vitrail  et incarcérée deux ans aux Etats-Unis où elle avait commencé une brillante carrière dans le monde de l'art.
Mais à y regarder de plus près ce délitement n'avait-il pas commencé plus tôt ? En tout cas, le retour de la fille prodigue en Cornouailles est l'occasion de réflexions et de subtils ajustements pour chacun tente de redorer l'image qu'il se fait de la famille.9782330027049.jpg
Sous la plume à la fois acérée et bienveillante de Justin Cartwright c'est toute une tribu avec ses mensonges plus ou moins gros, ses solidarités secrètes, sa tendresse aussi qui se donne à voir. De la mère qui tente de faire face en cuisinant d'improbables recettes, au père qui se voudrait parfait mais n'assume absolument pas , en passant par le frère à qui l'on confie le rôle d'élément équilibrant, sans oublier la cadette qui aurait tout pour jalouser sa soeur aînée, chacun se donne à voir en ses replis les plus intimes. Une réflexion sur la famille donc, mais aussi sur l'illusion, dont la condamnation de Juliet n'est qu'un exemple.
Le récit ne ménage pas les révélations mais chaque personnage est présenté de manière nuancée et l'écriture est tout à fait splendide !  Vite, découvrez cet auteur qui vient enfin d'être traduit en français !

Justin Cartwright, Babel 2014

07/02/2014

Les bourgeoises

 "Je suis encore en proie à une curiosité malsaine, ça me rassure de voir le dedans pauvre des riches au-dehors."

 "Énervée, revancharde et impatiente", Sylvie Ohayon a su tracer son chemin de la Courneuve (qu'elle n'a pas reniée pour autant) jusqu'à Paris, territoire de la bourgeoisie.
"Rabouilleuse balzacienne, ambitieuse, tête chercheuse d'or et trouveuse d'emmerdes", l'auteure qui manie parfois les mots comme des nunchakus , alliant la verve des banlieues à l'amour de la littérature, brosse un portrait acéré des bourgeoises qu'elle a rencontrées. ça balance sec car l'univers feutré du XVI ème arrondissement s'accorde mal avec le franc parler qui fait voler en éclats l'hypocrisie de rigueur.sylvie ohayon
On se sent quelquefois gêné aux entournures devant la brutalité de ces textes qui allient formules à l'emporte pièces efficaces (on sent la publicitaire aguerrie !) et réflexions plus sensibles.Mais  si la vision est parfois manichéenne , elle est toujours emplie d'une belle énergie et l"écriture toute cabossée" s'accorde parfaitement aux propos de l'auteure.
Sylvie Ohayon assume ses contradictions et termine par un autoportrait malin , sincère et qui nous la rend finalement des plus sympathiques ! Un livre revigorant !

Pocket 2014, 323 piquetées de marque-pages !

Du coup, j'ai hâte de lire la suite que je viens de commander !

 

L'avis de Cuné, qui avait préféré le premier. Moi, c'est l'inverse !

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06/02/2014

La dame à la camionnette

"Il était rare qu'on lui rende le moindre service sans avoir en même temps envie de l'étrangler."

Nul doute que cette couverture jaune primevère aurait beaucoup plu à Miss Sheperd ! Cette vieille dame marginale et excentrique repeignait inlassablement de cette couleur les différentes camionnettes dans lesquelles elle vécut successivement à la fin de sa vie.alan bennett
Victime de l'embourgeoisement de son quartier, mais dotée d'un grand sens de la manipulation et d'une mauvaise foi inébranlable, Miss Sheperd finit par établir ses quartiers dans l'entrée du jardin d'Alan Bennett. Une cohabitation improbable et chaotique, entre exaspération et volonté d'aider cette vieille dame soucieuse de préserver sa dignité et ses secrets ,qui dura une vingtaine d'années.
Une synthèse pleine d'humour des notes qu'Allan Bennett  a prises au fil du temps sur cette vieille dame qui faisait tache et dont un des habitants du quartier se demandait si elle était vraiment excentrique... Une peinture d'une transformation en marche qui ne tombe jamais dans l'autosatisfaction ni dans l'apitoiement. 114 pages so british !

La dame à la camionnette, Alan Bennett,  traduit de l'anglais par Pierre Ménard ,Buchet-Chastel 2014.

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05/02/2014

âme qui vive

véronique bizot"Et il est un fait que pendant ces visites ma solitude m'apparaît comme en relief,je la perçois clairement, distante de moi mais palpable, cependant j'ai définitivement cessé de me faire pitié, si bien que je ne m'en émeus plus."

Quatre hommes , très différents, que ce soit par l'âge, leur activité, leur passé (dont nous n'apprendrons que des bribes) expérimentent la solitude dans un univers de brouillard et de campagne un peu montagneuse.
Le narrateur qui ne s'exprime plus depuis un événement traumatique prend en charge le récit et observe la chorégraphie de ces personnages qui ,bien que solitaires, ne peuvent vivre sans maintenir des liens avec les autres.
Des événements ,minuscules ou pas, viennent briser l'austérité choisie de ces vies, avec une volonté de briser toute prévisibilité narrative. Amateurs de récits cadrés, formatés, passez votre chemin ! Un long paragraphe par chapitre, sans que pourtant le lecteur se sente étouffé, telle est ici la mesure de l'écriture  de Véronique Bizot. On sourit, on s'étonne, on souligne , on s'émerveille devant plein de phrases  comme celle-ci : "Les choses paraissaient plus solides que chez nous, comme absorbées dans une sourde densité qui tenait le monde à l'écart." Et le lecteur d'acquérir un regard neuf, à l'image du narrateur, plongé dans un univers à la fois si proche et si étrange.110 pages hors-normes, hérissées de marque-pages !

Âme qui vive, Véronique Bizot, Actes Sud 2014.

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04/02/2014

Le bruit de la gifle

"Personnellement, j'ai toujours été très famille.Malheureusement, en fait de parents proches, je n'ai plus que mon père, et sans doute pas pour très longtemps: je songe en effet à m'en débarrasser."

Un peu de paix, une parenthèse de silence, de solitude, brève ou définitive, voilà ce à quoi aspire la plupart des personnages des nouvelles d'Emmanuelle Urien dans Le bruit de la gifle.
En quelques pages, la nouvelliste crée ainsi des univers très différents mais toujours au plus près des sensations et des sentiments de ses personnages. Nous sommes au bord d'une plage du Nord où un homme vient effectuer un étrange pèlerinage , savourant immuablement un goûter d'enfance: "Pain, beurre, chocolat" "en savourant la moindre miette, lentement grimaçant chaque fois que ses dents crissaient sur les grains de sable qui s'immisçaient à l'intérieur du sandwich, quelques soient les précautions prises pour l'envelopper.", à bord d'"un bateau sur l'eau" avec un homme perdu qui joue à l'aventurier, dans un drame rural où l’héroïne mettra "Les pieds dans le plat", conciliant Éros et Thanatos, gourmandise et amour. Entre autres.emmanuelle urien
Souvent d'ailleurs, l'auteure glisse une petite phrase qui, mine de rien, nous annonce ce qui se joue en sous-main: " Violette saisit l'inspecteur par le bras, comme si elle voulait l'emmener en promenade. Le balader pour ainsi dire."
Entre humour noir et tendresse, Emmanuelle Urien scrute le cœur de ses personnages avec bienveillance, nous gratifiant au passage de superbes phrases témoignant de son sens de l'observation et de sa finesse psychologique : "Quelquefois le promeneur espère malgré tout qu'elle changera, d'elle même; qu'elle se fatiguera  de sa propre douleur à vivre, et découvrira l'autre versant des choses, celui où on peut se réjouir. De ce qui est, de ce que l'on a . Il se dit qu'elle chemine pour atteindre le sommet. Qu'il faut du temps. Qu'elle a de petites jambes."

Le bruit de la gifle, Emmanuelle Urien, Éditions Quadrature 2014, 101 pages qui ne nous laissent jamais sur notre faim.

 

03/02/2014

Les endormeurs #8

"Une perte  réveille la souffrance de pertes anciennes  et on peut se demander si on est en mesure de résister à tout cela."

à la mort de sa femme, Drik, psychanalyste voit sa constellation familiale se réorganiser.Sa sœur, Suzanne, endosse le rôle d'aînée pour soutenir cet homme qui avait mis sa profession entre parenthèses pour accompagner les derniers mois de son épouse. Elle-même reprend aussi son travail d'anesthésiste, ce qui lui permet d'oublier un peu que sa fille, Rose, a choisi brutalement de quitter le domicile familial, événement que son mari, Peter, accepte plus facilement.
Si Suzanne accomplit ses tâches avec aisance, il n'en est pas de même pour Drik placé par un patient retors dans un conflit d'intérêts inextricable.anna enquist,anesthésie,pschychanalyse
Roman sur la perte, Les endormeurs permet aussi à Anna Enquist, elle-même psychanalyste d'explorer deux univers en apparence antinomiques. Comme elle le précise en conclusion: "Dans ma profession, la psychanalyse, nous partons du principe que, dans la plupart des cas, le patient gagne à savoir ce qui se passe en lui, que cela lui est salutaire.[...] Quand le refoulé peut s'exprimer, on accède au symbolique, le refoulé s'apaise et les symptômes disparaissent. L'anesthésiste, lui, épargne les sensations douloureuses à son patient, il considère qu'il a bien fait son travail si le patient n'est absolument pas conscient de la souffrance qu'on lui a infligée pendant l'intervention."
Très documenté sans jamais être pesant, ce roman nous donne l'occasion de visiter les coulisses de deux univers passionnants , de nous remémorer que tous ceux à qui nous confions nos corps et/ou nos âmes sont faillibles, eux-aussi. 361 pages à laisser infuser.

Les endormeurs, Anna Enquist, traduit du néerlandais par Arlette Ounanian, Actes Sud 2014.

Du même auteur : clic

 PS: surtout ne pas lire la quatrième de couv' qui relate presque entièrement le roman !

31/01/2014

Bilan de janvier

Rien de transcendant apparemmment ce mois-ci, plutôt des coups de griffes contre

*Le(s)? scénariste(s) qui, à force de vouloir profiter du filon des personnages de Kate Atkinson (en particulier Jackson Brodie, le si craquant) ont versé dans le grand n'importe quoi dans cette saison 2. Un seul épisode correct , basé sur roman , Parti tôt , pris mon chien et les deux autres ...exaspérants au possible. à fuir.EMI_398738.jpg

 

* The Americans, série américaine mettant en scène un couple d'espions soviétiques installé aux Etats-Unis dans les années 80. Aux magouillages d'espions viennent s'ajouter les tensions entre les deux héros , appariés par leur état-major, qui ont eu deux enfants , symbolisant ainsi la famille typique américaine. Pour pimenter le tout, évidemment les enfants ne sont pas au courant  de la vraie profession de leurs parents et un membre du FBI vient s'installer avec sa propre famille juste en face des espions soviétiques !original_654956.jpg
La réalisation est mollassonne et comment croire qu'un homme affublé d'une perruque atroce , lui donnant l'air d'un psychopathe, puisse séduire une secrétaire , même en manque affectif ?

 

*Les programmateurs de DCI Banks, série classique mais efficace, qui n'ont rien trouvé de mieux que de programmer l'épisode pilote le 30 janvier. Du coup, nous connaissons d'avance le coupable car un épisode programmé précédemment y faisait référence. De l'art de se tirer une balle dans le pied.index.jpg

 

 

 

 

 * Heureusement, heureusement, nous sommes allés au théâtre voir Instants critiques,  une adaptation de François Morel et Olivier Broche d’après les échanges entre Jean-Louis Bory et Georges Charensol lors de l’émission Le Masque et La Plume sur France-Inter.images.jpg
 La mise en scène François Morel, pleine de rythme d'inventivité et de tendresse donne leur pleine mesure à ces échanges parfois musclés, mais toujours pleins d'humour entre les deux critiques de cinéma en apparence si opposés. D'un côté Jean-Louis Bory, plein de sensibilité , qui s'approprie les films "intellos" de Pasolini ou Godard. De l'autre, Charensol qui affecte aimer un cinéma plus commercial. Mais tous deux se rejoignent pour conspuer Alain Delon ou communier en chanson avec "Les parapluies de Cherbourg". Une magnifique complicité donc et de l'émotion tout à la fin du spectacle pour évoquer avec délicatesse la disparition de Jean-Louis Bory.
Je craignais un peu l'aspect statique de ces échanges mais Olivier Broche, Olivier Saladin et Lucrèce Sassella au piano, (car oui, autrefois un pianiste accompagnait les échanges de l'émission de France Inter) ,chantent, dansent,et font revivre avec sensibilité ces échanges quasi mythiques ! à ne pas rater !


28/01/2014

L'écriture et la vie

"Écrire, c'est plonger en soi, oui, mais tout en plongeant, faire éclater ce moi, repousser ses propres frontières pour accéder à un espace plus grand. Écrire, c'est faire se rejoindre l'intérieur et l'extérieur, le moi et les autres."

Parce qu'elle éprouve une "impression terrible de fausseté", qu'elle ne parvient plus à trouver "les mots vrais", pendant vingt et un mois Laurence Tardieu a perdu le chemin de l'écriture. L'écriture et la vie est le journal de cette quête de lumière.laurence tardieu
Laurence Tardieu, avec intensité, avec précision, revient aussi sur son roman précédent, La confusion des peines,(où elle faisait éclater 10 ans de silence après la condamnation de son père pour corruption) en soulignant la violence mais aussi la nécessité. Dans les deux textes, on retrouve cette même exigence de vérité pour se tenir debout et sortir du silence ou de la nuit. L'auteure traque sans relâche les mots vrais, analyse avec précision, explore avec ténacité ses liens avec l'écriture et avec la vie. Cette recherche est toujours fluide, jamais laborieuse.
On sort de cette bataille un peu sonné mais aussi revigoré et l'on attend avec impatience le prochain écrit de Laurence Tardieu.

Comment rendre compte d'un texte d'une centaine de pages dont presque toutes sont hérissées d'un marque-page ? 

Éditions des Busclats 2013