20/02/2014
Le journal secret d'Amy Wingates...en poche
"...à qui j'ai envie d'abandonner mon self-contrôle, le bon sens qui m'a étranglée depuis tant d'années, ma solitude , aussi, vide , aride."
Elle qualifie parfois son journal de "divagations psychologiques à la noix", dépréciant ainsi le contenu du texte qui l'aide à canaliser le flot de ses pensées et à satisfaire la curiosité du lecteur. Elle ? Amy Wingate, prototype parfait de la vieille fille coincée . Du moins en apparence. Car la trop sage Amy qui analyse, sans concessions les liens qui l'unissent à sa riche et jeune amie un tantinet condescendante à son égard, qui use d'elle comme d'un faire-valoir, sait aussi se montrer impulsive et passionnée.
Willa Marsh , avec un style parfois délicieusement suranné (qui fait encore des emplettes de Noël ? ) nous brosse ici un portrait à la fois plein de charme et de causticité. Un régal dont j'ai savouré la lecture en la faisant durer le plus longtemps possible pour ne pas quitter trop vite cette Amy aux multiples facettes. Si délicieusement british !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : willa marsh
19/02/2014
Bonne à (re)marier
"Quand la beauté s'évanouit, on se met à espérer une tête bien faite."
à peine vient-elle d'accoucher de leur second enfant que Sarah apprend que son mari la trompe. "Et me voici frappée d'une crise cardiaque qui laisse mon corps debout."
Divorce, garde alternée , tout ceci la frappe de plein fouet mais il faut faire face, d'autant qu'elle est une femme qui travaille dans un monde où l'apparence est reine: celui de la publicité. à la violence des faits correspond la violence de l'écriture, à la fois cash et plus introspective que dans ses premiers romans. Mais c'est dans la seconde partie du roman, celle où l'héroïne se voit offrir une deuxième chance, que j'ai retrouvé la sensibilité à fleur de peau de l'auteure .
Un roman nourri de l'expérience de Sylvie Ohayon, mais pas seulement, qui parle de souffrances exacerbées, d'amour et du bonheur de se relever comme un boxeur sonné.
Bonne à (re)marier, Sylvie Ohayon, Robert Laffont 2014, 251 pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : sylvie ohayon
18/02/2014
Muchachas
"Croupir dans un château en France, croupir dans une ornière à Aramil, c'est le même destin, le même manque d'amour de soi."
Dans Muchachas, Katherine Pancol se livre à une sorte de patchwork, alternant les passages consacrés à ses héroïnes déjà connues, Joséphine, Hortense et leur adjoignant une petite nouvelle, ferrailleuse de son état, Stella. On est bien loin de l'univers confortable de la mode et de la littérature !
Le propos se fait en effet plus grave, abordant la violence psychologique et physique faite aux femmes mais le ressassement des thèmes , les coïncidences arrivant bien trop opportunément , le lien artificiel entre Joséphine et Stella font que je me suis retrouvée quelque peu partagée devant un roman que j'avais tellement envie d'aimer.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : katherine pancol
17/02/2014
Sanglier noir pivoines roses
"-J'irai cracher sur tes timbres, Annick ! Cette nuit ! Sur tes plus beaux. Cuba ! San Marino !"
Les ICT (Impasses Conjugales Totales), comprendre les sujets de discorde, ne les excitent plus, mais ces vieux couples interchangeables conservent leurs manies, leurs vies bien réglées où les habitudes tiennent lieu de repères. Les célibataires ne sont pas mieux lotis d'ailleurs...
Parfois un incident, sanglier empaillé, chat qu'on s'obstine à acquérir, fait déraper le cours des choses mais "Ma vie, c'est du papier sulfurisé. Rien n'accroche". Alors, entre piscine et mercerie, entre statue de la Semeuse et square Doctavy apparaissent des visions sanguinolentes qui parfois glissent d'une nouvelle à l'autre.
Se crée ainsi un territoire où la réalité, qui pourrait être la notre, fait un pas de côté, où la vision d'un chat donne lieu à une logorrhée hallucinante , où passent des potamochères, équipés ou non de rétroviseurs électriques, où les fleurs en disent long sur la souffrance. L'humour vire souvent au noir,mais le regard est toujours aigu et sensible , prompt à repérer le regard dont on a "extrait l'intérieur, le vivant, l'irrigué, le sensible", "La peau sous ses yeux [...]si fine, de la pâte humaine, translucide, ratatinée, dénutrie"et les mains qu'on aurait pu joindre "Comme un pont entre nous".
Un recueil dévoré d'une traite, un grand coup de cœur pour une écriture à la fois sensible et qui se laisse aller à une douce folie pour mieux dynamiter le réel ! 146 pages enthousiasmantes !
Sanglier noir pivoines roses, Gaëlle Heureux, La Table Ronde 2014.
Merci à l'éditeur et à Babelio !
Lu dans le cadre de Masse critique.
06:03 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : gaëlle heureux
15/02/2014
Contrepoint...en poche
"Dans la boîte crânienne dominerait l'harmonie, rien que l'harmonie."
Une femme décrypte les variations Goldberg et, ce faisant , laisse affleurer à sa mémoire les souvenirs de sa fille, aujourd'hui disparue.
Le pouvoir de la musique, celui des mots sont des thèmes chers à Anna Enquist qui les revisite ici avec une intensité très maîtrisée dans ce texte autobiographique. Et c'est cette maîtrise même qui , dans un premier temps ,m'a fait ruer dans les brancards . Pourquoi nommer les personnages "la mère", "la fille", les tenir autant à distance ? Cette volonté de contenir l'émotion à tout prix correspond au cheminement de la mère qui , au fur et à mesure de ses interrogations sur l'interprétation des variations Goldberg cherche une restauration, une remise en ordre de son monde intérieur totalement bouleversé par cette catastrophe qu'est la mort de sa fille. Elle établit aussi un pont par delà les années entre la vie de Bach , marquée par la douleur et la sienne.
J'avoue que toute une partie des interrogations concernant la musique m'est passé par dessus la tête mais l'émotion portée par l'écriture a su l'emporter et ce texte, tout corné qu'il est, je le relirai j'en suis sûre.
Anna Enquist, Babel 2014.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : anna enquist
14/02/2014
La singulière tristesse du gâteau au citron
"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."
Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !
06:04 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : aiemee bender
13/02/2014
Casco bay...en poche
Cher Ralph,
Grâce à Amanda, que je remercie au passage, j'ai pu dévorer la suite de tes aventures commencées ici. Sept ans ont passé et une fois encore Stoney Calhoun va se trouver aux prises avec des cadavres. Mais dans Casco Bay, il ne mène plus l'enquête en franc tireur car le Sherif Dickman va l'enrôler comme adjoint , ce qui nous vaut une hilarante improvisation de serment :
"-Moi, Stonewall Jackson Calhoun, je jure solennellement de faire respecter toutes les lois de l'Etat du Maine qui me semblent sensées, dit Calhoun. Je jure de faire ce que tu me demandes de faire, pourvu que ce ne soit pas trop stupide. je jure que si, à tout moment, tu veux que je démissionne,je donnerai ma démission sans faire d'histoires. Je jure que pour l'essentiel je te dirai la vérité. Je jure de ne pas être d'accord avec toi quand je te trouverai stupide. je jure que si tu me demandes mon opinion , je te la donnerai , même si je pense que ç apeut te blesser. (Il haussa les épaules) Bon, j'ai tout dit, hein ? "
L'enquête, il faut bien l'avouer est menée de manière assez paresseuse et le meurtrier vient quasiment de jeter dans les bras de Calhoun, bras qu'il a fort musclés car il fend régulièrement du bois de chauffage, autant dans un but utilitaire que pour se vider la tête. Heureusement qu'en bon chien , tu es là pour relancer l'action, Ralph, je dois dire que j'ai tourné fébrilement les pages au moment de ta disparition ! c'est bien aussi l'un ses rares moments où Calhoun a perdu de son flegme, autrement il est d'une sérénité exemplaire, même quand il ne comprend pas sa chérie qui le malmène. Elle ferait bien de faire attention d'ailleurs, car je ne suis pas la seule à juger Calhoun éminemment sexy,( quoi qu'en pense certaine Dame qui se gausse :)). J'ai beaucoup apprécié aussi ta manière à la fois ferme et efficace, mais sans hargne , de mâchouiller les coucougnettes du meurtrier. A croire que la sérénité de Calhoun t'a été transmise par osmose. Serait-ce l'influence de Ralph Waldo Emerson, en l'honneur de qui tu as été nommé? celle de Thoreau? Ou bien un autre effet du coup de foudre auquel ton maître a survécu mais en perdant la mémoire ? Quoi qu'il en soit, cela le rend fichtrement intéressant comme homme et comme apparemment il a terminé sa lecture de l'anthologie littéraire ,pas de problème, je peux glisser ma Pal dans une ou deux valises et aller le rejoindre. Un homme qui aime parler de pêche ou de chiens et qui vit dans une maison au fond des bois ne peut pas être totalement mauvais.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : william g tapply
12/02/2014
Lady Hunt
"L'avenir m'est interdit; le passé est un paysage gelé dans le brouillard; le présent où je vis est déjà loin de moi.Est-cela être malade du doute comme l'écrit l'article sur internet ? "
J'ai laissé passer quelques mois avant d'entamer la lecture de ce roman plébiscité par la critique "officielle", plusieurs semaines avant de le chroniquer et je me dois d’avouer qu'il ne me reste pas grand chose de cette lecture.
Les thèmes , le personnage féminin hanté par le rêve d'une maison et par un héritage génétique freinant potentiellement son avenir, le tout dans une ambiance de roman gothique, avaient pourtant beaucoup d'atouts pour me plaire mais je suis restée totalement extérieure à ce roman trop maniéré, frôlant parfois l'ennui poli. Dommage.
Plein d'avis sur babelio.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : hélène frappat
11/02/2014
Boy
"Elle ne s'était pas trompée en essayant de donner du corps et de la vie aux textes inaboutis du père. Ses héros sont venus le chercher."
Boy, appellation trompeuse pour une jeune femme qui refuse sa féminité et incarne dans le monde réel les personnages inventés par son père. Boy tombe amoureuse. Un homme, une femme l'aiment aussi et un tueur en série vient brouiller les pistes et faire basculer le récit dans la violence et la mort.
Roman noircissime Boy interroge les rapports entre fiction et réalité .Le style, volontairement saccadé, répétitif, scande cette quête éperdue d'amour où les fantasmes viennent bousculer le lecteur, le poussant dans ses retranchements. On a parfois envie d'arrêter sa lecture tant la violence qui se donne à lire est crue mais l'humanité de Boy l'emporte toujours. On sort de là un peu sonné par une telle intensité !
Boy, Richard Morgiève, carnets Nord, éditions Montparnasse, 280 pages intenses.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : richard morgieve
10/02/2014
Les jeunes mariés
"Elle s'efforçait de trouver un lien entre la jeune fille qu'elle imaginait si souvent dans l'appartement de ses parents et l'épouse américaine se servant d'un lave-vaisselle et d'une machine à laver ou consultant ses mails sur l'ordinateur du salon.La tâche était d’autant plus difficile qu'à Rochester personne ne connaissait la Munni d'avant, et dans son pays ,personne ne connaissait celle d’aujourd’hui.Parfois, elle se demandait si les deux filles s'éloigneraient de plus en plus jusqu'au jour où elles ne se reconnaitraient plus."
Amina,jolie jeune femme bangladaise, et Richard, ingénieur américain de trente-cinq ans , ont fait connaissance par le truchement d'un site de rencontre sur internet. Tous deux, forts pragmatiques, ont chacun le projet de fonder une famille. Mais ce qu'Amina ne révèle pas immédiatement c'est que pour elle cela implique que ses parents la rejoignent aux États-Unis.
Par rapport à Amina , jolie, déterminée et intelligente, Richard paraît bien falot. Mais peut être n'est-il pas aussi lisse qu’il le paraît...
La première partie du roman est malicieusement intitulée " Un mariage arrangé". En effet, Amina met tout en œuvre pour réaliser son rêve: aller vivre aux États-Unis, mais sans jamais paraître froide ou manipulatrice. Les deux chapitre suivants, forts intéressants, sont consacrés à son intégration et à sa conquête de la citoyenneté américaine. En contrepoint des héros, la cousine de Richard, qui a échoué dans son mariage avec un Indien ,vient donner un nouvel éclairage sur les couples dits mixtes. J'ai été moins convaincue par la dernière partie, "Une demande en mariage" qui décrit avec beaucoup trop de détails les embrouilles familiales dans lesquelles sont enferrés les parents d'Amina. Un roman qui, malgré quelques longueurs, confirme le talent de Nell Freudenberger.Un joli parcours de couples qui s'effectue d'une certaine façon à l 'envers mais qui est fort convaincant dans son souci des détails et sa vérité psychologique.
Les jeunes mariés, Nell Freudenberger, traduit de l'anglais (E-U) par Sabine Porte, Quai Voltaire 2014, 427 pages.
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06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : nell freudenberger