Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/04/2015

Faillir être flingué...en poche

"Il lui semblait parfois marcher pour dénouer ou atteindre en lui une place vide et douce, éloignée des courants, un apaisement."

Qu'elle s'attaque à bras le corps au roman épique médiéval (Bastard batlle) *ou au récit de science fiction Le dernier monde)* , Céline Minard a le chic pour s'emparer d'un genre et se l’approprier. Dans Faillir être flingué, c'est sur le western qu'elle a jeté son dévolu.
J'en vois d'ici certain(e)s faire la grimace, mais oubliez tous vos préjugés sur ce genre et précipitez-vous sur Faillir être flingué , un roman qu'on ne peut lâcher tant il est à la fois dense, fabuleusement écrit et fertile en rebondissements !céline minard
La romancière y alterne scènes contemplatives, scènes de genres (l'arrivée en chariot, l'attaque de la diligence , le héros solitaire dans la ville en butte à ses ennemis...) pour mieux les dynamiter et leur insuffler fraîcheur et énergie. Elle y observe aussi la sédentarisation de ses personnages ainsi que "la propriété, sa nature et sa circulation problématique". En effet, au gré des aventures, les objets passent de mains en mains, de même qu'amitiés et inimitiés évoluent au fil du temps. Nous sommes en territoire connu, du moins le croyons nous, mais Céline Minard se plaît à nous mener où bon lui semble et c'est tant mieux ! Purement jubilatoire !....,

*lus mais non chroniqués.

 

20/04/2015

Dix-sept ans

"On m'accuse de désinvolture.On a raison Les critiques les plus acerbes sont les plus justes."

Lisant un entretien accordé par Annie Ernaux à l'Humanité où elle rappelle qu"une immense solitude entoure les femmes qui avortent.", Colombe Schneck a le sentiment que la romancière s'adresse à elle et qu'il est temps de raconter l'avortement qu'elle a subi à la veille de passer le bac ,en 1984.
Liberté, insouciance, protection, caractérisent le monde privilégié où évolue Colombe Schneck, à mille lieues donc de celui de l'auteure de L'événement.Pourtant , Colombe Schneck ne partagera pas son chagrin, sa souffrance avant 2015. colombe schneck
Elle pose des mots très justes pour évoquer son rapport au corps, évoque l'histoire de la lutte des femmes ayant abouti à cette liberté, souligne qu'elle toujours remise en question dans le monde .
J'ai été frappée par le flou qui entoure les circonstances précises de son avortement, comme si la mémoire se refusait à enregistrer , pour mieux diluer la souffrance.
Sous une apparente légèreté, en 91 petites pages, Colombe Schneck livre un témoignage sensible et pertinent sur un acte qui ne sera jamais anodin.
Bien évidemment, j'ai envie de lire le roman d'Annie Ernaux, L'événement.

Déniché à la médiathèque.

09/04/2015

Le cadeau...en poche

"Il avait fait son propre malheur tout seul, comme un grand. Comme un grand couillon."

"Maniaco-dépressif de l'argent", alternant dépenses inconsidérées et radineries mesquines, Félicien est loin de se douter du tsunami que va déclencher dans sa vie l'achat d'une paire de bottes hors de prix pour l'anniversaire de son amie Laure.eliane girard
Nous le suivons dans le maelström de sentiments qui vont s'affronter en lui, au gré de ses rencontres, certains le confortant dans son cadeau, d'autres le culpabilisant , voire l'agressant , et transformant ainsi en odyssée l'offrande du cadeau.
Chacun d'entre nous pourra s'identifier à ce Félicien cédant aux sirènes de la société de consommation, cherchant à toutes berzingues comment rattraper cette erreur. Un récit qui file à toute allure, drôle et léger et qu'on aurait aimé un tout petit peu plus grinçant.

03/04/2015

Eux...en poche

"D'où viens-tu à la fin ? Pourquoi tiens-tu tellement à faire de nous des assassins ? La famille est un clan. La quitter est puni par une loi, celle du sang."

Être enceinte  c'est s'inscrire dans une lignée, faire bouger d'un cran tous les membres de la famille. C'est aussi réveiller ici les voix des héréditaires qui envahissent l'espace sonore de la narratrice. Par leurs commentaires, tantôt ils attisent ses craintes, tantôt se soucient d'elle et de l'enfant à venir, houspillent, tancent, bref incarnent les remous magmatiques de l'inconscient familial.
En effet, "Chez mes parents, une naissance est toujours considérée comme le présage d'un décès." Lourd héritage qui explique sans doute que la mère de la narratrice se montre tout sauf encourageante...claire castillon
 à cela s'ajoute les craintes de la future mère qui envisage toutes les variations concernant la mort de son compagnon ,son "gars".  Chargé ? Peut être.Mais tout cela est doté d'une formidable énergie, ponctuée d'humour " à cause de moi qui me fiche totalement de la baignoire en plastique qu'elle voudrait me transmettre pour mon enfant; si tu le laves, a-t-elle précisé ."et, sur le thème de la transmission et de l'identité familiale,  Claire Castillon  a écrit un roman qui incarne pleinement tout ce qui se joue d'inconscient (ou pas) dans une grossesse.

02/04/2015

Tom l'éclair

(Comment Thomas Leclerc 10ans 3 mois et 4 jours est devenu Tom l'éclair et a sauvé le monde)

"C'est que Tom n'est plus le même: il ne se demande plus ce que le Monde va faire pour lui, mais ce qu'il est prêt à faire pour le monde."

Au cœur des années 60, Tom est un enfant pas comme les autres,résolvant en un clin d’œil des problèmes de trains qui se croisent ,mais incapable de nouer des amitiés avec les autres collégiens.
Le déclic se fera par l’intermédiaire d'un comic book qui lui ouvrira les portes de l 'univers des super héros auxquels il s'identifiera immédiatement (ne sont-ils pas différents eux aussi ? ). Et Tom de s'inventer de super pouvoirs, pas toujours fiables, mais il fera avec les moyens du bord, pour aller petit à petit vers les autres et trouver des moyens bien à lui d'apprivoiser le Monde.paul vacca
Paul Vacca se penche à nouveau sur le monde de l'enfance et recrée avec bonheur,par petites touches,  les années 60, leur fraîcheur acidulée et leur optimisme confiant. Tout n'est pas rose, loin s'en faut, mais c'est un regard plein de bienveillance que l'auteur porte sur ses personnages et son récit coule tout seul , plein de tendresse et d 'émotion. On passe un excellent moment avec Tom , super héros ou pas  !
Une manière fine et sensible d'évoquer l'autisme.

Tom l'éclair, Paul Vacca, Belfond 2015, 280 pages  qui se tournent toutes seules !

Du même auteur : clic , reclic

01/04/2015

Quarante tentatives pour trouver l'homme de sa vie

"Tout le monde a le cœur fendu, l'âme vacante et le désespoir épinglé dans le dos comme un poisson d'avril."

Voici trois ans que Lucie, instit',a largué Pascal. La solitude commence à lui peser et elle se lance à cœur perdu, mais corps vaillant ,dans la quête de l'homme de sa vie. Où se cache-t-il ? Au supermarché avec son petit panier de produits solo ? Au club de tango, au boulot, sur internet ? Faut-il renouer avec les vieilles passions avortées ? Écrire une lettre lyrique à un agriculteur télégénique ? rachel corenblit
Rachel Corenblit passe en revue avec humour les us et coutumes des célibataires, pointant les ridicules et les travers avec une férocité réjouissante: "J'ai changé. Je ne suis plus le même homme. Une phrase avec laquelle on peut se balader en montgolfière tellement elle ne manque pas d'air."On s'émeut aussi devant le désespoir  de cette jeune femme qui affirme : "Elle ne recherche plus, elle ne croit plus en ces vaines agitations. Elle va juste fumer, boire, se droguer et mourir vieille et abandonnée."Mais Lucie a de la ressource !
Le premier chapitre , "l'amour en général" égrène des instantanés au masculin ("celui qui"), le dernier "L'amour en particulier" lui répond avec l'énumération de "celle qui"et se termine sur une note d'espoir. Malgré tout !

Quarante tentatives pour trouver l'homme de sa vie, Rachel Corenblit, La brune du Rouergue 2015,189 pages toniques, piquetées de marque-pages, dévorées et que je vais prendre le temps de relire pour mieux les savourer !

Premier roman pour adultes d'une Toulousaine qui a beaucoup écrit pour la jeunesse: entre autres: clic et reclic.

28/03/2015

Il faut beaucoup aimer les hommes...en poche

"Les étranges et merveilleuses traces sur ma peau sont le signe que je n'ai pas rêvé-non le signe c'est l'entaille, l'attente, la route ouverte."

Solange, actrice française installée à Los Angeles, rencontre un acteur dans une soirée. Cet homme,  en dépit d'une description extrêmement fouillée, nous ne l'apprenons pas immédiatement, est noir. Et alors ? , comme se demande la quatrième de couverture. Et alors, cela ne va pas de soi et Solange va en faire l'expérience.marie darrieusecq
Marie Darrieusecq place son roman sous l'égide de Marguerite Duras (par son titre, extrait d'une citation de l'auteure de L'amant) et effectivement on va retrouver ici certains des thèmes chers à Duras :  les relations amoureuses interraciales,  l'attente mais aussi la description de la Nature opiniâtre (la mer dans Un barrage contre le Pacifique, la forêt africaine ici).  Mais Marie Darrieusecq, si elle analyse finement tout ce qu'implique cette relation entre une femme blanche et un homme noir, met aussi en scène un créateur habité par une vision : il veut à toutes forces adapter au cinéma le roman de Conrad, Au cœur des ténèbres et le réaliser en Afrique, bien évidemment. S'en suit une description hallucinée du tournage où Solange devra lutter pour trouver sa place.
L'écriture de Marie Darrieusecq est à la fois puissante et lumineuse. Elle sait aussi bien s'attacher aux détails , de superbes pages sur l'attente, que décrire la puissance inexorable de la nature africaine. Un roman souvent cruel mais où l'héroïne parvient toujours à conserver sa dignité.
Un roman enthousiasmant,  tout hérissé de marque-pages ! Un énorme coup de cœur et un énorme merci à Clara !

Ps: Solange, adolescente ,était déjà l'héroïne de Clèves, un roman non chroniqué, au charme trouble qui m'avait moins convaincue.

25/03/2015

Et je danse, aussi

"Ceci dit, la littérature n'est que mensonge, enfin invention, ce qui est la même chose, l'invention étant un mensonge avoué par avance, non ? "

Un écrivain à succès mais qui n'écrit plus, une lectrice qui lui envoie une mystérieuse enveloppe qu'il subodore,par habitude, être un manuscrit, un échange, un peu vif au début, de mails . Mais petit à petit, "Une complicité s'est établie, comme lorsque tu rencontres une personne dont tu sais au bout de quelques minutes seulement qu'elle te convient."
Cette même complicité  je l'ai ressentie d'emblée avec ce roman épistolaire, plein d'humour (la double relation en simultané d'une scène de séduction à un vieux couple partageant la même boîte mail m'a fait rire aux éclats !) , d'émotions et de rebondissements.anne-laure bondoux,jean-claude mourlevat
On sent que les auteurs se sont régalés à raconter cette histoire où le thème du mensonge et de la fiction s'entremêlent avec bonheur. Qui manipule qui ?
En tout cas, le lecteur prend un énorme plaisir de lecture à se laisser mener par le bout du nez par des personnages hauts en couleurs, dont les mails miment avec une grande véracité le flux versatile des thèmes abordés lors d'un échange au long cours par courriels interposés. Un livre plein de vie, de détails qui sonnent justes , où s'intercalent des poussins et un slip kangourou, ça ne se refuse pas  !

Un énorme Merci à Cuné qui m'a donné envie !

Et je danse , aussi, Anne-Laure Bondoux, Jean-Claude Mourlevat, Fleuve 2015 , 280 pages épatantes !

 Et si c'était le coup de cœur du printemps ?

J'ai dévoré ce livre d'une traite (et tant pis pour le repassage en retard !) , ralentissant juste mon rythme à la fin pour le faire durer un peu plus longtemps...

21/03/2015

Voir du pays...en poche

"Elles étaient cassées: la guerre était en elles."

Deux soldates. Deux amies de longue date qui ont passé un accord : "jamais elles n'iraient mal en même temps. Il en aurait toujours une pour soutenir l'autre [...]. Coûte que coûte. C'était une question d'amitié et de survie. C'était une promesse."
Mais les promesses d'adolescence tiendront -elles le choc face à la violence et à la guerre ?
Revenues d'Afghanistan après six mois d’horreur, Aurore et Marine vivent trois jours de décompression ,organisés par l'armée, dans un hôtel luxueux à Chypre. Un sas nécessaire pour se réhabituer à la vie civile et  tenter de se délivrer des traumatismes. Trois jours qui vont se révéler plus intenses et violents que prévus. delphine coulin
Ces filles qui étaient parties Voir du pays parviendront-elles  se retrouver ?
Avec une grande économie de moyens, Delphine Coulin brosse un magnifique portrait de femmes et de soldates.
Les parcours de vie, différents, de Marine et Aurore, leur ajustement aux contraintes militaires, leurs manières très opposées de faire face à la violence et à la mort, tout ceci est dépeint avec une grande justesse et sans pathos. La langue est fluide et on lit d'une traite ces 262 pages qui traitent d'un  thème peu évoqué en littérature française: le retour de soldates à la vie civile après un conflit armé .
 le billet de Clara qui m'avait donné envie !

20/03/2015

Kinderzimmer...en poche

"Tenir encore, malgré l'hypothèse du gaz."

Lors d'une intervention dans un établissement scolaire, la question d'une jeune fille vient perturber le discours bien rodé de Suzanne Langlois venue témoigner de son internement dans un camp de concentration en 1944. "Alors quand avez-vous compris que vous alliez à Ravensbrück ?"Elle prend alors conscience de l'ignorance qui était la sienne à cette époque et émet le souhait: "Oh, retrouver Mila, qui n'avait pas de mémoire. Mila ,pur présent."valentine goby
Mila qui est enceinte à son arrivée au camp et se demande si cette grossesse peut influer positivement ou non sur sa survie. Mila qui se raccroche à des faits ténus-le fait qu'un chien SS ne l'ait pas mordue- pour ne pas se jeter sur les barbelés électrifiés . Mila qui va découvrir l'impensable: cette chambre des enfants, Kinderzimmer, oasis de survie dans un univers voué à la destruction.
J'ai tout aimé dans ce roman : la manière dont est relatée l'arrivée ,le fait que pour la jeune femme "rien n'a encore de nom", que "le camp est une langue" , "Le camp est une régression vers le rien, le néant, tout est à réapprendre, tout est à oublier." Comment évoquer de manière plus juste ce  qui a dépassé l'entendement ?
La solidarité, "Vivre est une œuvre collective", le sabotage minuscule mais efficace, l'humour-mais oui !-l'imagination font qu’un des moments les plus beaux et les plus forts du roman est l'effervescence des détenues créée par l'accouchement de la jeune résistante : chacune apporte sa contribution et leurs paroles  "tissent un châle de voix melliflues autour de Mila revenue". La joie parvient à forer son chemin dans cet univers où la mort peut surgir à tout instant.
Valentine Goby revient aussi sur un de ses thèmes de prédilection, le corps des femmes, mais sans voyeurisme ni pathos.  Avec son écriture sensible et imagée,  elle tient la note juste tout au long de son roman et parvient à faire sien l’univers concentrationnaire sans tomber dans les pièges inhérents au thème en soulignant toute l'ambiguïté des situations. On y bascule en effet de la tendresse à la cruauté en un clin d’œil et il faut l'accepter.
Il se dégage de ce roman une force exceptionnelle et un pouvoir quasi envoûtant (je n'ai pas pu le lâcher une fois commencé). Je redoutais le caractère effroyable des situations (et il existe bien sûr) mais ce que je retiendrais finalement de ce livre c'est sa formidable force de vie.