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22/08/2015

Dans les yeux des autres...en poche

"Elle sent en elle les milliers de feuilles de livres lues et déposées en elle comme un terreau, comme un engrais."


Anna relit ses carnets, revit ses amours et ses désillusions. N'ayant écrit qu'un seul roman, elle a quitté la scène littéraire et ses petits maîtres (dont l'auteure brosse un portrait vachard) et , ce qui faisait sa vie vingt ans auparavant: l'engagement politique .geneviève brisac
Démunie, elle loge chez sa sœur Molly qui, même "cabossée" ,continue à militer ,mais par le biais son travail de médecin dans un dispensaire. Entre elles, une relation complexe, des hommes, mais surtout une mère excentrique qui essaie toujours de tirer la couverture à elle, d'attirer l'attention: Méline.
Portrait d'une génération aventurière et pleine de vie, Dans les yeux des autres fait la part belle à l'idéal, l'humour, le tout saupoudré d'un soupçon de mélancolie. On retrouve ici  avec plaisir l'écriture ample et belle de Geneviève Brisac , qui , par son sens de l'observation, comme les romancières anglaises , sait être au plus près du quotidien : "Une urgence vous prend d'être à la maison, de sentir l'odeur de renfermé de la maison, d’ouvrir les fenêtres et le courrier : de désengourdir l'air. On voit certaines personnes qui, des dizaines de kilomètres avant la gare d'arrivée, rangent leurs affaires, remettent leurs vestes, sortent le ticket du métro qui les ramènera chez elles."Nulle mièvrerie dans sa description des rapports humains mais une réelle empathie qui n'exclut pas le regard critique. Un bilan de vie salé-sucré mais un roman enthousiasmant !

19/08/2015

La maladroite

"...et je me souviens que je me suis dit, Diana aura quand même eu droit à ce que maman pleure pour elle."

"Quand j'ai vu l’avis de recherche, j'ai su qu'il était trop tard." . Ainsi s'exprime dès la première ligne l'une des institutrices de Diana, celle qui avait donné l'alerte, dressant la liste des meurtrissures, blessures diverses que la petite fille expliquait à chaque fois soigneusement.
Tous ceux qui ont côtoyé Diana, huit ans, ont tenté ou non d'intervenir, prennent ici la parole, à l'exception notable de ses parents, et ces paroles distillent un profond malaise.alexandre seurat
En effet, si chacun, professionnel, ou non, sent bien que les récits des parents et celui de Diana concordent trop bien, s'il y a suspicion de maltraitance, la rigidité du cadre institutionnel, le fait que les parents soient "soudés comme les mécanismes d'une machine, et la machine marchait toute seule", sans oublier "le nœud d'énergie, de résistance, dans ce petit corps sur cette chaise", rien ne  peut  freiner la tragédie qui se met en marche , quasiment dès la naissance de l'enfant.
La grande force du premier roman d'Alexandre Seurat est de ne jamais tomber dans le pathos, de ne jamais accuser qui que ce soit et surtout de donner la parole d'une manière qui sonne très juste à des personnes extrêmement différentes. La situation n'est jamais envisagée de manière sordide, voire méprisante. Tout est dans l'ambiguïté et dans la difficulté  que ressentent les différents témoins à poser des mots justes sur une situation qui se dérobe.
On lit ce roman d'une traite, la gorge serrée,car, même si on en devine l'issue, on ne peut s'empêcher d'espérer, et il entre en nous "par petits éclats, comme une multitude d'échardes dans la peau" avant de nous laisser groggy.

à lire et relire, un premier roman qui file droit sur l'étagère des indispensables.

La maladroite, Alexandre Seurat, Éditions du Rouergue 2015, 122 pages qui résonnent longtemps en nous.

14/08/2015

La silencieuse...en poche

"Ce n'est pas la campagne qui ne me convient pas, c'est moi."

 Suite à une rupture amoureuse, Clara , sculptrice,  va s'installer, provisoirement ou pas, elle n'a encore rien décidé, à la campagne.
Là, elle prend peu à eau ses marques,  observe la nature, se promène au bord du fleuve avec le chien du voisin et, même si elle vit dans une demeure plutôt isolée, va bientôt tisser des liens avec des habitants du coin. Elle prend aussi conscience de la quête qui l'anime : "De ce qui me retiendrait  mes sculptures et moi, de cette incessante tentation de s'envoler."ariane schréder
Comment ne pas tomber sous le charme en apparence fragile mais puissant de ce roman  ? Il donne l'impression à chacun de ses lecteurs qu'il n'a été écrit que pour lui ou elle . Comment ne pas être ému par ce personnage intimidé par "la nouveauté du lieu, de ma vie ici"  et qui ne trouve pas toujours les mots ? L'écriture est lumineuse et le portrait sensible. Un grand coup de cœur !

La silencieuse, Ariane Schréder, Philippe rey /fugues 2015, 190 pages qui font du bien.

Je l'avais laissé passer chez Aifelle, je ne l'ai pas raté chez Antigone ! Merci à toutes !

Plein de liens chez Keisha qui en parle aujourd'hui .

12/08/2015

Les fuyants...en poche

"Son corps était en train de déclarer forfait. Jacob a mis du temps  à réunir assez de courage pour être lâche . Ou l'inverse."

Dans la famille Hintel , les hommes ont une fâcheuse propension à se carapater et à fuir toute forme d'engagement sentimental. Le petit dernier de cette lignée familiale, Joseph, aidé par son oncle Simon, parviendra-t-il, en explorant le passé, à dépasser ce schéma transgénérationnel ?arnaud dudek
Ils auraient tout pour qu'on les déteste ces Fuyants mais tout l'art d 'Arnaud Dudek, par une construction subtile du récit, par un humour parfois tendre, parfois féroce (ah la visite au beau-père potentiel collectionneur de tire-bouchons !) et surtout par son écriture , fertile en formules et en métaphores, est de nous les rendre sinon sympathiques , du moins diablement attachants. Car il y a  beaucoup de tendresse et de délicatesse dans ce roman qui revisite, sans prendre la forme d'un règlement de comptes, les périlleuses relations père/fils. Un roman qui nous laisse un peu K.O, avec juste l'envie de le relire aussitôt pour encore mieux le savourer. Un pur délice !

27/06/2015

Les évaporés...en poche

"Les soupçons, c'est une chose, c'est comme les probabilités, mais les images, la certitude, la vérité. Comment font les gens pour vivre avec la vérité ? "

Dans un Japon qui peine à se remettre de la catastrophe de Fukushima, vont se croiser trois trajectoires: celle d'un homme qui disparaît, s'évapore comme on dit dans ce pays, où ce phénomène est courant et n'entraîne aucune recherche par les autorités; celle de sa fille, depuis longtemps installée aux États-Unis qui engage son ex -petit ami détective privé et surtout poète et romancier, Richard B. pour rechercher son père; celle, enfin d'un adolescent qui tente de survivre dans les rues.thomas b. reverdy
Dans un pays gangrené par les yakusas (la mafia locale), ces personnages se confrontent avec une douce mélancolie à la perte et cherchent des moyens pour se réinventer.
Avec poésie et délicatesse, Thomas Reverdy nous brosse le portrait de la face cachée d'un pays qui nous paraît encore très étrange, surtout en ce qui concerne l'identité (une simple carte de visite permet d"en attester). Mais ce que j'ai aimé par dessus tout, c'est l'idée formidable d'imaginer le retour au pays de Yukiko, accompagnée de celui qui fut son petit ami, le romancier Richard B(rautigan). Les lecteurs qui avaient eu un coup de cœur pour cet auteur  atypique et hautement addictif lors de la première parution de ses écrits en France, peuvent ainsi le retrouver . Un très joli voyage au Japon que je vous recommande chaleureusement.

25/06/2015

Le non de Klara

"Haine. je crois pouvoir avancer ce mot, le poids de ce mot. Si j'avais réfléchi au vocable haine, pour moi, la manifestation en aurait été passionnée, excessive, fracassante, convulsive, un sentiment qui se voit. Au lieu de quoi, sa voix raconte posément des choses brûlantes qui se refroidissent en sortant d'elle. Elle parvient, je ne sais comment, à exprimer sa haine froidement. presque légèrement. En permanence, il y a cette dichotomie entre ce qu'elle dit d'abominable et la façon dont elle le formule."

 Aparté :Clara Dupont-Monod est une chroniqueuse dangereuse. Elle parvient, tout en révélant la fin du roman, à me donner envie de lire un texte dont j'ai beaucoup entendu parler , sans jamais me décider. Et je l'en remercie !

Klara, juive allemande, a survécu à Auschwitz et, après un périple à travers l'Europe ,rentre en France en juillet 1945.soazig aaron
Elle est accueillie par Angélika, sa belle-sœur et amie, qui commence alors un journal afin de mieux comprendre l'attitude de la survivante . Cette dernière refuse en effet  de voir sa fille de trois ans et peine à se réadapter à la vie quotidienne. Par bribes parfois, par de courts récits souvent, s’élabore le récit poignant mais d'une dignité absolue d'une femme qui analyse cliniquement son attitude pendant et après le camp.
Le non de Klara est un roman d'une sourde violence et un récit très éclairant sur la société française de l'après-guerre vis à vis des survivants des camps. De maladresses en aveux troublants, Soazig Aaron peint de manière non manichéiste des Français ordinaires qui ne prennent pas la véritable mesure de ce que les déportés ont enduré. J
'ai lu quelque part que, aussi surprenant que cela paraisse,  la majorité des Allemands , dans les années 60, ignoraient la réalité des camps. Un fait qui permet de mieux comprendre les attitudes dépeintes dans ce texte.

Un roman déniché à la médiathèque. à lire absolument, si ce n'est déjà fait.

 

 

20/06/2015

Le club des pauvres types

"Société d'individualistes incapables de venir en aide à des personnes en délicatesse avec la vie."

Paul, le narrateur, parfait anti-héros,vient enfin de franchir un cap : il s'est installé avec son amoureuse, Claire.Les ajustements ne vont pas sans mal et le trentenaire peine à répondre aux exigences de sa compagne.
Les aléas de la vie vont lui faire rencontrer d’autres hommes, en couple ou non, ayant plus ou moins de difficultés avec l'engagement amoureux, et Le club des pauvres types va naître.
"Ce club est né spontanément, sans préméditation ni mauvaises intentions d'un regroupement d'hommes dans la fleur de l'âge voulant simplement faire connaissance, il s'est progressivement transformé en un lieu de débat, de lutte et de camaraderie militante."
Mesfames, si vous avez déjà rêvé de connaître la vie secrète des trentenaires masculins, jonathan curielprécipitez-vous sur le roman de Jonathan Curiel ! Du décryptage des profils sur les sites de rencontres, au récit épique d'un Enterrement de Vie de Jeune Homme , en passant par les affres du choix du cadeau parfait, vous saurez tout sur ces pauvres hommes, accablés par la pression professionnelle et totalement déboussolés par les femmes  et leurs requêtes: "Et veut-on des enfants ? Plutôt voudraient-ils de nous ? On a déjà du mal à apprivoiser et à se faire accepter par notre électroménager, est-on programmé pour gérer les caprices et les pleurs d'un enfant ? ".
C'est bourré d'humour, un peu superficiel parfois, mais le narrateur manie l’autodérision et l'hyperbole avec virtuosité. Son application du vocabulaire de l'entreprise au management du couple est un pur régal et l'on sourit sans cesse tout au long de ces 316 pages.

Le club des pauvres types, Jonathan Curiel, Fayard 2015.

23/05/2015

Réparer les vivants ...en poche

Mais qui ne l'a pas lu ? !:)

 "... c'est la première fois qu'ils nidifient une cavité de repli au sein de leur anéantissement..."

Réparer les vivants est "la somme des actions et la somme des mots, la somme des espaces et des sentiments" qui, partie du cœur de Simon Limbres, jeune surfeur de vingt ans, aboutira -ou non -à sauver la vie d'une receveuse en attente de transplantation.maylis de kerangal
Le roman de Maylis de Kerangal n'a rien d'un récit journalistique. Il acquiert une dimension quasi mythologique, brassant l'espace et le temps, replaçant l'organe dans sa dimension à la fois affective et symbolique. Il ne s'agit pas ici de réparer un organe défaillant mais bien de s'interroger sur les mots qui manquent pour exprimer l'émotion, les mots qui devront sonner juste pour convaincre les proches, mots qui parfois se mueront en chant pour mieux saluer le corps qui a encore une apparence de vie même si l'activité cérébrale a signalé sa mort, car il s'agit de creuser "ensemble dans cette zone fragile du langage où se déclare la mort.".
Cette trajectoire alterne les points de vue, y compris celui de la receveuse potentielle qui n'est pas sans interrogations, détaille aussi le ballet des intervenants médicaux, ne les réduisant pas à une fonction mais les inscrivant dans une humanité pleine de justesse.
Nous ressentons pleinement toutes les sensations , tous les sentiments qui bouleversent de fond en comble les personnages !
Le style précis, imagé et élégant,le récit tendu comme un arc et empli d'émotions sans jamais verser dans le pathos, font qu'une fois levés les a priori susceptibles d'entraver notre lecture, on ne peut quitter ce roman qui pulse et fait battre le cœur.

Et zou, sur l'étagère des indispensables !

 

22/05/2015

Ce qui est arrivé aux Kempinski...en poche

"Une des particularités comiques de l'enfance est que l'on traverse une gamme infinie de sentiments dont on ignore les noms.  Tant que le mot n'a pas épinglé  la sensation, comme une aiguille perçant les thorax d'un insecte,  les impressions papillonnent en liberté autour de nous  et en nous, éblouissantes, féériques, mais aussi parfois menaçantes  car nous n'avons aucune idée de leur trajectoire, de leur taille,  de leur venimosité."

Dans les quatorze nouvelles composant Ce qui est arrivé aux Kempinski, la réalité fait un pas de côté et les rêves deviennent plus réels que la réalité. Le titre d'un roman apparaît différemment à sa lectrice, les identités sont faussées, fluctuantes. Usurpations, impostures, trahisons sont au rendez-vous et même le diable sera dupé par une femme. agnes desarthe
Le familier révèle ses double-fonds, les sentiments inavouables (que faut-il faire des cadeaux rapportés de l'école, ces "offrandes  [...]la plupart du temps ratées et mystifiantes de laideur"  ?, se demande une mère de famille éprise de perfection). On sourit, on admire aussi l'écriture éblouissante d'Agnès Desarthe qui traque au plus près le réel qui se dérobe sous nos pas.

« Mon âme, dit-elle. Mon âme, que vaut-elle ? Mon âme est une liste de courses. Mon âme est une déclaration d’impôts, un bulletin de notes au bas duquel ne figurent pas d’encouragements. Mon âme est le mode d’emploi du lave-vaisselle remplacé depuis huit ans, un bordereau de la poste datant de trois mois (le paquet est reparti, mais où, et que contenait-il ? Une rivière de diamants, sans doute). Mon âme est pleine de “Bonjour, madame”, “Au revoir, madame”, elle est salie par les corvées, corrompue par la fatigue de jours sans héroïsme, sans passion, sans péril. »

Et zou, sur l'étagère des indispensables !

19/05/2015

La femme au carnet rouge

61b18Ck8wjL lfcr.jpg"Laurent  se trouvait devant une femme-puzzle. Une silhouette floue, comme dernière une vitre pleine de buée , un visage semblable à ceux que l'on croise dans les rêves et dont les traits se brouillent dès que l'on tente de se les remémorer."

Laurent Letellier, libraire, découvre un jour un sac mauve, probablement volé,  sans indication de l'identité de la propriétaire. Il décide alors de mener une enquête , placée sous les auspices de Modiano (que nous croiserons ! ) de Sophie Calle et de Pessoa, afin de le lui restituer.
Se tissent alors entre l'apprenti détective et la victime du vol des liens qui vont très largement dépasser le simple acte civique...
Si je n'avais pas acheté ce roman en format poche, il est probable que j'aurais moins ressenti le charme  subtil, quelques fois un peu forcé, de ce roman agréable et léger qui fait un bien fou, car j'en aurais sans doute attendu trop. Mais là, nonobstant une couverture criarde (je sais que le jaune est à la mode cette saison, mais c'est définitivement non à cette couleur) , je me suis régalée à  lre cette romance qui s'élabore  quasi malgré les principaux protagonistes.

 Des avis très tranchés sur Libfly !