16/08/2017
Mercy, Mary ,Patty
"Quinze jours pour trancher qui est la vraie Patricia, une marxiste terroriste, une étudiante paumée, une authentique révolutionnaire."
Qu'ont en commun les Mercy, Mary, Patty du titre ? Ce sont des jeunes femmes kidnappées à des époques différentes, qui ont toutes choisi de rester-définitivement ou pas - avec ceux qui les avaient enlevées, tournant ainsi violemment le dos à leur éducation de filles soumises.
Centré sur la figure de Patricia Hearst, fille d'un milliardaire enlevée en 1974 par un groupuscule révolutionnaire, le roman de Lola Lafon analyse par le biais d'une universitaire américaine venue enseigner en France, Gene Neveva, et chargée de rédiger un rapport pour l'avocat de la jeune femme, toute l'affaire d'un point de vue féministe, original et extrêmement fouillé.On est bien loin ici du syndrome de Stockholm couramment évoqué ou de la manipulation évoquée par les avocats de l'héritière.
En outre, le roman imagine aussi la manière dont une jeune française, Violaine, chargée d'aider Gene Neveva, verra sa vie si tranquille et tracée d'avance, radicalement bouleversée.
Des destins de femmes qui résonneront longtemps dans nos mémoires, un style percutant, des phrases soulignées à la pelle font de ce roman un indispensable.
Mercy, Mary, Patty, Lola Lafon Actes Sud 2017.
Lu dans le cadre du Grand prix des Lectrices de Elle.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, rentrée 2017, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lola lafon
15/08/2017
Les attachants
"Une classe, c'est comme un roman. Vingt-six histoires qui se combinent, qui se heurtent qui s’emboitent. Cinq jours sur sept, de huit heures du matin jusqu'à la fin de l'après-midi, près de neuf mois dans une année, ces histoires se tissent. Si l'on calcule le temps passé ensemble, on s'effraie de constater à quel point une classe absorbe les individus qui la constituent."
Après quelques années passées à jongler avec les remplacements, ça y est, Emma a enfin "sa" classe à l'école des Acacias. Celle qui était en dernière position sur sa liste de vœux.
Encore mal aguerrie, idéaliste et "montant dans les tours" tout aussi vite qu'elle s’indigne, la jeune instit va devoir faire face à une classe de CM 2 comptant pas mal d'individus tout aussi insupportables qu'attachants.
En contrepoint, se déroule aussi l'histoire personnelle d'Emma, son évolution et son entrée dans l'âge adulte.
Alors oui, "Ce n'est pas parce que c'est petit que c'est gentil. A trois ans, on peut être déjà pas mal vicieux.", mais les enfants dont ils est question dans ce roman sont aussi le fruit de l'éducation ou de ce qui en tient lieu qu'ils ont reçue, par des parents qui souvent rejettent l'institution scolaire, parfois violemment : "Devait-on en rire, de ce doute immense, cette perte de confiance, cette revanche de pauvres gens qui ne savaient plus que haïr et s'en prenaient aux enseignants qui s'occupaient de leurs enfants, dans un geste irrationnel et si triste ? "
Sans angélisme ni défaitisme, c'est toute une galerie de parents et d 'enfants qui se donne ici à voir. parfois émouvants, parfois atroces, toujours riches d'humanité. on n'oubliera pas de sitôt Ryan, Caïn, Karima et tous les autres.Des enfants dont on ne peut s'empêcher de penser que la République les oublie...
Quelques éclairs d'humour et de rares instants d'harmonie permettent tant aux enseignants, toujours sur la corde raide entre bienveillance, volonté de ne pas couper le lien avec des familles dysfonctionnelles et volonté de sauver des enfants, qu'aux lecteurs, de souffler un peu. j'allais oublier de parler du style: juste magnifique !
Un grand coup de cœur ! Et zou sur l’étagère des indispensables! La rentrée littéraire commence fort !
Les attachants, Rachel Corenblit, Éditions du Rouergue 2017, 188pages que tout futur enseignant devrait lire.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, rentrée 2017, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : rachel corenblit
11/08/2017
La faille
"Elle avait raison, bien sûr, mais je ne voyais pas en quoi une chose que personne ne lirait ferait du tort à l'intéressée. Son malheur deviendra plus réel, a dit Lucie."
Quand la narratrice, Mina, retrouve Lucie, la plus belle fille du lycée, qu'elle avait laissée à l'aube d'une carrière prometteuse de comédienne, cette dernière est presque méconnaissable.
Rapidement, Mina constate que Lucie semble être sous l'emprise de VDA, son mari, homme plus âgé qu'elle qui exploite sans vergogne La faille de Lucie. En effet, Lucie, que sa mère ne trouvait pas suffisamment intelligente, veut à tout prix plaire, est prête à tout pour les hommes dont elle tombe amoureuse.
Il est beaucoup question de manipulations, mais aussi d'art dans ce roman dont la narratrice est le double de l'auteure. Beaucoup question aussi de mères mal aimantes et de pères absents.
Un roman qui souffre de quelques longueurs (500 pages) mais qui manipule avec brio son lecteur.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : isabelle sorente
10/08/2017
Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ?
Dans cet opus de l'excellente collection Les petites pommes du savoir, la neurobiologiste et directrice de recherches à l'institut Pasteur à Paris, Catherine Vidal, fait le point sur recherches les plus récentes sur le sujet.
Elle en profite aussi pour tordre le cou à quelques idée fausses, encore véhiculées par les médias, bien que basées sur des recherches maintenant dépassées.
Partant des stéréotypes les plus anciens (le lien erroné qu'on tentait d établir autrefois entre taille du cerveau et intelligence), elle bat ainsi en brèche toutes les idées reçues concernant les différences traditionnellement établies entre hommes et femmes.
Oui, les cerveaux des hommes et des femmes sont différents, mais principalement parce que tous les cerveaux sont différents entre eux et parce que l'éducation va entraîner la sollicitation de certaines zones du cerveau entraînant ainsi la reproduction de stéréotypes culturels.Le cerveau étant extrêmement plastique, peut, si l'on sollicite régulièrement ces zones , devenir tout à fait performant.
Néanmoins, malgré les progrès de l'imagerie cérébrale et la découverte de la plasticité du cerveau, "L'argument du déterminisme biologique des différences entre les sexes fait toujours autorité." et Catherine Vidal tire la sonnette d 'alarme pour "éveiller la responsabilité des chercheurs sur l'impact de leurs travaux dans le champ social et politique."
Un excellent livre de vulgarisation.
Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ?, Catherine Vidal, Éditions le Pommier 2012, 56 pages passionnantes.
Découvert grâce à l'émission Les savantes sur France inter, le samedi à 10h clic.
J'attends avec impatience la sortie en septembre de ce livre:
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : catherine vidal
08/08/2017
Nuit
Après Glacé, qui avait vu la rencontre du flic toulousain Martin Servaz et du psychopathe Suisse Julian Hirtmann, Bernard Minier poursuit les aventures de ses héros dans ce nouvel opus, après Le cercle et N'éteins pas la lumière.
Le récit commence sur une plate-forme pétrolière norvégienne dont une technicienne a été assassinée. L’inspectrice locale Kirsten Nigaard découvre sur place , dans les affaires d'un technicien manquant à l'appel, des photos de Martin Servaz, ainsi que celles d'un enfant prénommé Gustav.
Kirsten se rend donc en France pour prévenir Servaz.
De rebondissements en assassinats, sans oublier quelques manipulations, Bernard Minier nous balade jusqu'en Autriche où le psychopathe et le flic toulousain vont s'affronter.
Un roman qui nous prend par la main, nous balance pas mal de statistiques (pour mieux faire oublier quelques invraisemblances ?) mais qu' on suit sans défaillir ou presque. Une lecture facile, qu'on ne lâche pas, du bon boulot.
Merci à Cathy pour le prêt.
Pas besoin d'avoir lu les précédents romans, on peut très bien" prendre le train en marche".
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bernard minier
07/08/2017
Les filles au lion
Odelle, originaire des Caraïbes,vit depuis quelques années à Londres, où elle poursuit son rêve de devenir écrivains tout en vendant des chaussures. Le destin va lui donner l'opportunité de travailler comme dactylo dans une galerie d'art pour une femme au tempérament affirmé, Marjorie Quick.
La jeuen fille fait aussi la connaissance de Lawrie Scott, jeune homme charmant en mal d'argent, qui possède un tableau atypique représentant Les filles au lion.
Odelle va mener l'enquête et établir un lien entre Marjorie, le tableau et un peintre Andalou des années trente.
Alternant les chapitres se déroulant dans deux périodes historiques, le roman de Jessie Burton fait la part belle au romanesque, multipliant les coups de théâtre .
Si j'ai apprécié la description des sixties londoniennes (l'auteure n'oublie pas de montrer leur racisme décomplexé), j'ai moins été convaincue par certains personnages de la partie pré guerre d'Espagne, trop caricaturaux à mon goût. En outre, je n'arrive pas à comprendre le choix que fait l'une d'entre elle ,mais bon peut être que je réagis avec une mentalité trop contemporaine.
Déniché à la médiathèque.
Les filles au lion, Jessie Burton, traduit de l’anglais par Jean Esch, Gallimard 2017, 484 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : jessie burton
06/08/2017
Un grand merci à tous et toutes...
...pour votre fidélité et vos bons vœux. ça fait chaud au cœur et on en a bien besoin en ce moment car la canicule est un mot n'appartenant pas à notre vocabulaire dans le Nooord !
Quelques infos en vrac :
* Recalée (pour la deuxième fois )au prix des lecteurs du Furet du Nord, mais sélectionnée pour le Grand Prix des Lectrices de Elle (jury d'octobre). je précise que j'avais envoyé la même critique...Je suis en pleine lecture de la sélection et je peux déjà vous dire qu'une des tendances de la rentrée est de s’emparer de la vie de personnages plus ou moins connus, sous forme d’enquête, de fiction et/ou de mélange des deux. c'est les cas notamment pour les textes suivants :
Comme d'hab', je ne publierai les billets qu'à la date de sortie des ouvrages et non pas en avance.
* adoré la série Feud qui met en scène la rivalité (savamment entretenue par les studios) entre Joan Crawford et Bette Davis sur le tournage de “Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?”. Jessica Lange et surtout ma chouchoute Susan Sarandon sont formidables. En plus, des commentaires permettent de bien resituer le contexte et de comprendre les enjeux pour les actrices en général à cette époque. Les vacheries fusent et c'est génial.
*Beaucoup ri (à ma grande surprise) en regardant le film Sisters. Le genre: on fait la fête et on détruit une maison. genre qui a priori n'est pas ma tasse de thé mais les deux actrices ont une énergie folle et ces deux sœurs très dissemblables mais qui s'adorent et refusent de tirer un trait sur leur adolescence jusqu'à ce que la réalité les rattrape m ont su me séduire. elles osent tout mais tout! On ne fait pas dans la dentelle et parfois ça fait du bien !
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (12)
07/07/2017
Bon an, mal an...
...ce blog fête ses 11 ans et prend ses quartiers d'été ! à bientôt !
10:16 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (20)
03/07/2017
Body...en poche (réédition)
"Je savais pas ce que le mot souffrir voulait dire avant que je me lance là-dedans."
Bienvenue à l'hôtel Flamingo où va se tenir le concours pour être élue Miss Cosmos, suprême récompense que visent deux candidates bodybuildeuses que tout oppose. D'un côté Shereel Dupont, créée de toutes pièces par son coach, ex red neck devenue une candidate menue au corps parfait ; de l'autre une Noire somptueuse et imposante, dont la masse musculaire a été sculptée par la fonte mais aussi par toute une série de piqûres. Deux conceptions opposées du corps féminin dans un microcosme dominé par les hommes.
Dans cet hôtel devenu un temple du muscle et de l'ascèse ,va débarquer une famille de ploucs XXL dans tous les sens du terme .
De ce choc des cultures, Harry Crews tire un roman qui fait la part belle non aux corps parfaits, mais à ceux qui ne correspondent pas aux canons de beauté en vigueur dans le monde du bodybuilding. Il n'est que de voir le contraste entre les deux scènes de sexe, l'une clinique, l'autre voluptueuse, dans ce roman.
L'auteur analyse aussi le fonctionnement de la société américaine et si on ne s'étonne pas de voir évoquer Arnold Schwarzenegger, le fait de citer Donald Trump, en exemple de l'avidité américaine, s'avère quasi prophétique dans ce roman publié pour la première fois en 1990.
Ce pourrait être juste amusant, et l'auteur a certes le sens de la formule, mais c'est aussi bien noir et bien des indices annonciateurs de la tragédie à venir nous sont donnés au fil du texte. Une découverte improbable au départ qui a su me séduire.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : harry crews, bodybuilding
27/06/2017
Les méduses ont-elles sommeil ? ...en poche
"Il y a cette fille à l'énergie débordante qui me laisse perplexe. Je lui demande à quoi elle tourne pour avoir autant la pêche. Elle me répond : "Au sommeil !". Je suis scotchée."
Roman qu'on devine autobiographique, Les méduses ont-elles sommeil ? est le récit de "huit mois de vie branlante qui m'ont paru des siècles."
Tout juste majeure , la narratrice s'installe à Paris où elle s'empresse de s'immerger dans le monde de la nuit et des drogues, en particulier, la MDMA.
Écrit a posteriori, ce roman n'idéalise jamais et, tendu et âpre, va droit à l'essentiel. On regrettera une fin un peu abrupte et théâtralisée, mais on sent ici une belle énergie et une écrivaine en devenir.
Frédéric Beigbeider qui a le sens de la formule évoque un texte "Entre Bonjour tristesse et Trainspotting."Je n'irais pas jusque là mais ne nierai pas pourtant l'impression durable de ce livre.
Folio 2017, 81 pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : louisiane c. dor