20/04/2017
La clé sous la porte...en poche
"S'il faut toujours penser qu'il y a pire pour se dire que ça va bien, c'est que quelque chose cloche sérieusement."
Et pour clocher,ça cloche sérieusement ! Que ce soit pour Ferdinand, pris en tenaille entre une épouse volage et sa fille, ado atroce; José retraité solitaire et endurci; Auguste, dont les parents abusent tout à la fois de sa gentillesse et de sa disponibilité, idem pour Agnès, dont la vie amoureuse est un désastre, mais sur qui ses frères comptent bien pour qu’elle se rende au chevet de leur mère qui agonise pour la énième fois.
Rien de glorieux donc, mais rien que de très normal et de très humain. Seulement cette fois nos anti-héros ont assez et vont ruer dans les brancards, chacun à leur manière, plus ou moins radicale .
Quel régal que ce texte à la fois tendre et caustique ! Un feu d'artifices de remarques qui sonnent juste et qui donnent la pêche !
Sans illusions, ni sur eux-mêmes ni sur les autres, Ferdinand, Auguste et les autres agissent enfin pour secouer leur joug et envoyer valser tout ce qui les forçaient à "abdiquer d'[eux-mêmes]". Tonique et jubilatoire !
La clé sous la porte, Pascale Gautier, , 191 pages pour "ne pas désespérer de l'humaine espèce."
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pascale gautier
18/04/2017
Assez de bleu dans le ciel
"Selon toute vraisemblance, je suis un mari, un père, un citoyen, un enseignant, mais à la lumière je suis un déserteur, un imposteur, un voleur, un tueur. Je possède une certaine apparence en surface, mais je suis sillonné de trous et de galeries en dedans, comme une falaise de calcaire."
Dès la première scène, on est ferrés.Nous sommes dans un coin paumé d'Irlande en 2010. Un homme, Daniel, jauge du regard un intrus potentiel porteur de jumelles et d'un appareil photo. Son épouse sera plus expéditive (et plus efficace): elle tire deux coups en l'air. Exit l'intrus.
Qui est cette recluse entendant bien garder sa tranquillité ? Cette femme, subtilement folle, aux dires de son époux, nous le découvrirons progressivement est Claudette, une ancienne star du cinéma , mystérieusement disparue avec son fils des années auparavant. Elle a refait sa vie avec Daniel et tout va pour le mieux mais, son père étant au plus mal, Daniel doit rentrer aux États-Unis. L'occasion pour lui de renouer avec un passé douloureux qui l'entraînera en grande-Bretagne sur les traces de son premier amour Nicola. Mais l'intransigeante Claudette supportera-t-elle les omissions de Daniel ?
Assez de bleu dans le ciel bénéficie d'une construction virtuose, alternant les points de vue et les époques, pour mieux brosser par petites touches le portrait de ces personnages qui nous deviennent très vite proches et attachants. Une manière supplémentaire d’entretenir la tension , ou plutôt les tensions, qui font que jusqu'à la dernière ligne nous avons le cœur qui bat , nous demandant si le roman va se terminer comme nous l'espérons. Une analyse subtile des sentiments et une écriture élégante font de ce roman une pure réussite !
Et zou sur l'étagère des indispensables !
Assez de bleu dans le ciel de
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Littérature irlandaise | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : maggie o'farrell
08/04/2017
Parmi les dix milliers de choses...en poche
Gary était un peu comme un endroit où l'on aime retourner."
Deb ne peut plus fermer les yeux sur les infidélités de son artiste de mari: un paquet contenant des courriels impudiques vient d'être envoyé au domicile familial par la dernière maîtresse en date de Jack. Par manque de chance, cette boîte tombe d'abord entre les mains des enfants.
Chronique d'une famille en déconstruction, Parmi les dix milliers de choses alterne les voix des quatre principaux protagonistes et peint avec pudeur et retenue les réactions de chacun.
Riche en notations fines, le roman pêche pourtant par sa construction. En effet, une prolepse nous projette dans le futur avant que nous ne revenions sur l'été qui suit la séparation des parents, un peu comme si l’auteure avait voulu se débarrasser de ses personnages.
Des passages très réussis, comme le retour inopiné de Jack chez sa mère et son beau-père, font un peu oublier le manque d'empathie pour les personnages, bobos sans rien vraiment d'attachant. Un constat en demi-teinte donc.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : julia pierpont
07/04/2017
L'amour des Maytree...en poche
Quand même, le nombre de vies qu'on vit !"
Parce que...
-Les romans d'amour, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé.
-Ayant beaucoup aimé Pélerinage à Tinker Creek (que l'on pourrait ranger dans la catégorie Nature Writing), a-do-ré En vivant en écrivant (depuis 1997 sur mon étagère des indispensables), qui sont tout sauf des romans , j'appréhendais un peu la lecture de L'amour des Maytree.
Imbécile bête que j'étais ! Je me suis refusé pendant 3 ans un plaisir subtil ! En effet , Annie Dillard est aussi à son aise dans le domaine de l'essai que dans le romanesque.
Sur une trame en apparence toute simple, un couple qui se forme, un enfant qui naît, les amis, le flux et le reflux de l'amour, le passage des ans, Annie Dillard nous peint avec délicatesse la vie même.Ses personnages, dont on a envie d'emboîter le pas , ne se comportent jamais comme on pourrait s'y attendre. La grâce et l'harmonie, malgré les écueils, règnent en maître, tant dans les paysages décrits (ceux du Cape Cod) que dans le récit. Je me suis tout de suite nichée au creux de ce roman lumineux et puissant dont j'ai allègrement corné de nombreuses pages. Un roman qui flirte avec la poésie et enchante la vie.
L'amour des Maytree, Annie Dillard, traduit de l'anglais (Etats-unis) par Pierre-Yves Pétillon, Christian Bourgois
Plein de livres de cette autrice viennent de ressortir en poche, foncez !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : annie dillard
06/04/2017
ça aussi, ça passera...en poche
"Tout l'amour de mes amis et de mes enfants ne suffit pas pour que je puisse résister aux rafales de ton absence, j'ai besoin d'être agrippée à un homme pour ne pas être emportée dans les airs."
Bianca, quarante ans, vient de perdre sa mère . Elle part en vacances dans la maison familiale de Cadaqués, entraînant avec elle ses deux amies, ses deux ex-maris et ses enfants.N'oublions pas l'amant du moment qui rôdera aussi dans les parages, accompagné de sa propre famille. Une situation pour le moins atypique mais qui correspond bien à la narratrice, amoureuse éperdue de la vie.
Dans un paysage baigné de soleil, au bord de la mer, Bianca qui mène "une vie désordonnée et enfantine" s'adresse à celle qui vient de mourir entre deux considérations sur les relations hommes/femmes et un rendez-vous amoureux. La vie, la mort , tout est mêlé et Bianca , malgré sa douleur, est toujours prête à séduire,à aimer.
Ce pourrait être glauque, c'est lumineux, tendre et cruel à la fois,plein d'amour et d'apaisement. Une petite parenthèse de bonheur.
ça aussi, ça passera, Milena Busquets, traduit de l'espagnol par Robert Amutio, 176 pages ensoleillées.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : milena busquets
05/04/2017
Nos années sauvages ...en poche
En 2014, j'écrivais ceci :
De Karen Joy Fowler j'avais lu, il y a quelques années, un texte fort plaisant,Le club Jane Austen. Mais rien qui nécessite de me précipiter sur un roman pas encore traduit en français , même conseillé par Cuné. Sauf que quand cette dernière écrit :"Toi, il faut ABSOLUMENT que tu le lises, je ne peux pas te dire pourquoi mais tu es LA lectrice idéale pour ce roman, foi de moi :)", on ne peut que craquer !!! En plus sur liseuse, le prix est ridiculement bas et le dico anglais/anglais a permis de me dérouiller vite fait .
Je ne vous cacherai pas qu'au tout début de ma lecture , quand j'ai vu le temps restant s'afficher , j'ai blêmi mais le rythme a été vite pris surtout quand je suis arrivée à la fatidique page77 qui contient un twist tellement renversant que j'ai failli en crier ! Tout ce qui pouvait paraître vaguement intriguant et/ou bizarre dans ce qui s'annonçait comme un secret de famille avec disparitions à la clé et narratrice perturbée prend alors tout son sens et sa profondeur. Cette révélation (surtout ne pas lire les billets, articles, 4 ème de couv' révélant Le secret de la page 77 ) n'est pas un effet de manche de l'auteure (regardez comme je vous ai bernés) mais correspond parfaitement à la volonté de renverser notre point de vue sur un thème ô combien passionnant !
Un roman bouleversant brassant , entre autres, les thèmes de la culpabilité et du souvenir à découvrir absolument ! Et zou sur l'étagère des indispensables !
17:57 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : karen joy fowler
Bons baisers de Mesménie...en poche
"- Je m'appelle Chlobak Androv Peranovski et j'arrive à pied de la Russie. J'ai faim et j'ai froid , madame. Je ne voulais pas abuser de vos poules."
Vous n'avez jamais entendu parler de la Mesménie ? Normal car c'est "un petit territoire nordique [...] pustule marécageuse pour ainsi dire, dans la mer balte.", "une des régions les plus pauvres de l'URSS qui en comportait pourtant beaucoup".
Thomas Lagrange , suite à une petite annonce cherchant un traducteur "pour le mesmène vers le français" va se trouver embarqué dans une série d’aventures qu'il ne va guère maîtriser, bien loin de sa petite vie plan plan et parisienne.
Tout va partir de sa traduction catastrophique d'un roman mesmène, langue dont il ne possède que quelques rudiments, et de la pression qu'il va se mettre à rendre son travail rapidement. En effet, notre ami Thomas, tout "immature ", "irresponsable " et "inconséquent " soit-il est aussi doté d'une belle imagination qui l'entraîne à violer allègrement toutes les règles de la traduction,ce qui m'a valu de nombreux éclats de rires !
Si le voyage en Mesménie est un peu moins réussi à mon goût, tournant un peu trop vite à la farce lourdaude, et ralentit un peu le rythme,il n'en reste pas moins que la description psychologique des personnages est très réussie et très drôle (voir comment Télématin rythme la matinée de sa copine est un pur régal...).
L'évolution de Thomas est aussi très intéressante et Fabienne Betting réussit à brosser un portrait nuancé de ce velléitaire professionnel, ce qui, au début, n'était pas gagné d'avance...
Un premier roman qui, malgré quelques maladresses, nous offre un bon moment de lecture! embarquez vite pour la Mesménie !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fabienne betting
04/04/2017
Rien n'est trop beau pour les gens ordinaires
"J'avais le pouls qui battait à tout rompre, le cerveau transformé en un compost de souvenirs où vérités et mensonges copulaient dans la promiscuité."
Berthold Sidebottom, acteur qui ne partage avec George Clooney que la date de naissance (et en aucun cas la notoriété), a dû retourner vivre chez sa mère. Las, quand celle-ci décède, pour conserver son logement, à cause d'un stupide loi locative, il doit adopter une vieille dame originaire d'Europe de l 'Est et tenter de gruger les services sociaux.
Quant à Violet, jeune métisse , elle occupe un appartement dans le même immeuble que Bertie et s'apprête à faire ses premiers pas dans le monde de la finance à Londres. En bas de ce bâtiment dont l'architecte affirmait que :" Rien n'est trop beau pour les gens ordinaires",une cerisaie ,que la municipalité entend bien sacrifier sur l'autel de l'immobilier, va peut être les réunir. C'est du moins ce qu'espère Bertie.
Désillusions, corruption sont au programme dans ce roman où des exilés se croisent dans l'immeuble, personnage central de ce roman. C'est tout un monde de gens modestes devant se battre contre la crise économique, les règlements absurdes et les contrats à zéro heure qui nous est donné à voir.Si j'avoue avoir été quelque peu lassée par la retranscription des discours de la vieille ukrainienne qui multiplie à l'envi les à peu près et les confusions historiques et/ou géographiques, j'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'autrice de Une brève histoire du tracteur en Ukraine et son empathie pour les gens de toutes origines.
Rien n'est trop beau pour les gens ordinaires, Marina Lewycka, Éditions des Deux Terres 2017,
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : marina lewycka
01/04/2017
les ennemis de la vie ordinaire...en poche
"Être addict, ça ne me défrise pas. Je suis addict , et alors. Le problème, c'est de se donner les moyens de son addiction."
Voici une jolie"bande d'irréductibles, d'asociaux [...] de fous furieux" réunie par une thérapeute résolue à bouleverser le monde de la thérapie en réunissant dans un groupe de parole transversal des gens de milieux sociaux très différents et accro qui au sexe, qui à la drogue, qui au sport, entre autres.
Un mélange détonnant qui ne va certainement pas atteindre les résultats escomptés et ce, pour le plus grand plaisir du lecteur qui se laisse embarquer dans ce récit où l'on croise un prêtre accro à la coke, sosie du pape François, célébrant une messe inoubliable et qui m'a fait éclater de rire. Car oui, si l'on n'est pas adepte du politiquement correct, on rit et sourit beaucoup en lisant ce roman qui ose beaucoup (mais sait aussi ménager quelques délicates ellipses).
Des personnage féminins très forts, qui, comme Mylène, sont des "guerrières, des ennemies de la vie ordinaire", même si au départ, elles se considèrent plutôt comme des épaves.
Seul petit bémol: toutes les subtilités du poker , dont il est beaucoup question dans la dernière partie du roman, m'ont totalement échappé , mais ce n'est pas bien grave. un roman tonique, iconoclaste et drôle.
Les ennemis de la vie ordinaire, Héléna Marienské , 319 pages jouissives.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : héléna marienské
31/03/2017
Hermine blanche et autres nouvelles
"De sillonner la campagne, on l'a déjà presque épuisée. On a décrit toutes les rondeurs de ses collines, la mystérieuse neige, les étoiles piquetées dans le ciel et les bosquets figés, et on tourne en rond à la recherche d'autres détails pour féconder l'inspiration."
Il ne fait pas bon être un animal blessé, voire un blessé tout court, chez les personnages de Noëlle Revaz. Animés par une certaine candeur cruelle, ils ne font pas de quartier et ne pêchent pas par sentimentalisme.
Cette innocence apparente se retrouve de manière plus édulcorée , amis tout aussi trouble, chez ces jeunes adultes confinés dans dans l'enfance par des parents trop et mal aimants qui se livrent parfois à des simulacres hors de propos.
Certaines jeunes femmes n'hésitent pourtant pas à revendiquer leur autonomie dans des monologues souvent très drôles et acérés, même si parfois les coups pleuvent sur elles et que le mari se révèle un ogre, enflant à la mesure de son appétit.
Dans un univers souvent teinté d'onirisme et qui évoque parfois celui de Dino Buzzatti ou le monde des contes, Noëlle Revaz nous trouble par ces textes qui dérangent sans effets de manches. L'autrice use d'articles définis là où on attendrait l'indéfini, use d'helvétismes et crée ainsi de légères discordances qui entretiennent le malaise.
L'humour, souvent noir, est aussi présent et on n'oublie pas de sitôt les personnages un peu décalés qui en disent finalement beaucoup sur notre monde.
Une magnifique découverte !
Hermine blanche et autres nouvelles, Noëlle Revaz, Gallimard 2017.
Ce recueil rassemble certaines nouvelles parues dans des revues et le monologue à plusieurs voix Quand Mamie paru en 2011 aux éditions Zoë
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : noëlle revaz