17/02/2009
"Ils ont une morale de serpents à sonnettes"
Nick Guest n'est même pas un Rastignac anglais. S'il loue une chambre dans l'hôtel particulier de la famille du député conservateur Gerald Fedden, c'est simplement parce qu'il est ami de ses enfants, Toby et Catherine. Ainsi sera-t-il amené à fréquenter tout le gratin de la société londonienne et à devenir ami avec la jeunesse dorée -voire clinquante- qui s'ennuie élégamment entre prises de coke et parties fines.
Avec un humour pince -sans -rire mais aussi corrosif, Alan Hollinghurst nous peint ici le portrait d'un jeune homme tiraillé entre ses origines et le milieu qu'il fréquente, confronté à un monde dont il découvrira les coulisses mais auquel il n'appartiendra jamais totalement. C'est aussi l'occasion de brosser le portrait de ces années 80 , les années fric, mais aussi les années- Sida, ce qui donne au roman une tonalité douce -amère au fur et à mesure de son avancée dans le temps.
Alan Hollinghurst réussit à ne pas rendre antipathiques des personnages qui au départ n'avaient rien pour me plaire , ces play-boys gays et oisifs qui n'osent pas assumer leur sexualité par exemple , ou ce député inamovible qui méprise ses électeurs mais réussira toujours à se sortir de tous les chausse-trappes que le sort lui réservera, entre un concours de lancer de bottes et un scandale financier.
Le style est chatoyant et alerte. 635 pages qui se lisent sans faiblir.
Ce roman a obtenu le Man Booker Prize en 2004.
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16/02/2009
Pour ceux qui aiment être déstabilisés
David Case, quinze ans, se sentant poursuivi par le destin, change d'apparence et d'identité et prend la fuite...Au fil de ses rencontres, david devenu Justin, plongera dans le plus profond désespoir mais saura aussi trouver de précieux alliés, réels ou imaginaires...
Je n'ai pas vraiment adhéré à Si jamais... , y trouvant trop d'invraisemblances et d'incohérences. Certes, Meg Rosoff trouve un subtil équilibre entre fantastique et réalisme, déstabilisant le lecteur pour son plus grand plaisir, mais cette fuite éperdue m'a paru trop longue. Le portrait de cet adolescent tourmenté est fouillé mais tourne un peu en rond. Restent les descriptions originales et pleines d'humour noir dont je me suis régalée.
Ainsi , "David était peut être un de ces garçons qui trouvaient l'adolescence inconfortable. Ce n'était qu'une phase - une étape ponctuée de délires, d'incohérences, de hantises, d'insomnies dont il émergerait calmé et mûr pour réussir son bac, décrocher un bon boulot, rencontrer une chouette fille , acheter une maison, élever des enfants, prendre sa retraite, avoir une crise cardiaque et se réjouir d'une belle affluence à son enterrement."
La description de la rentrée des classes m'a également réjouie , j'ai apprécié aussi le vocabulaire parfois soutenu (effet de la traduction ? ) mais ces "morceaux choisis" ne m'ont pas empêché de déplorer un sentiment d'inachevé.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : si jamais, meg rosoff, destin, adolescence
15/02/2009
Un texte incandescent
En quarante quatre chapitres, parfois très courts, qui vont de "Naître" à "Vivre" en passant par "eczéma", "littérature," féminité" ou "Himalaya", Lorette Nobécourt nous donne à voir son parcours. Un parcours exigeant, marqué par la souffrance, mais aussi par de très grandes joies. Tour à tour exaltée ou maîtrisée, l'écriture rend compte du travail de l'auteure sur elle même, sa réflexion inlassable, puisant aussi bien dans la psychanalyse que dans des traditions mystiques éclectiques, l'acculant parfois aux bords de la folie.
Passant d'un style limpide à des passages plus obscurs, d'une poésie charnelle aux réflexions philosophiques, Lorette Nobécourt sculpte à même la chair, sans pathos, sa douleur , parfois inextinguible.
Alors, bien sûr, on pense à Marie Cardinal, à Marguerite Duras, mais jamais encore je n'avais ressenti une telle force, une telle pugnacité ,dans un texte aussi ramassé , traversé d'envolées et de brûlures intenses : "Car nous sommes habités par des forces qui nous dépassent et nos comportements, apparemment extravagants, le sont si peu en comparaison des immensités que nous abritons."
A la sortie de ce livre, je suis restée un moment immobile, comme frappée de stupeur devant une telle énergie rageuse.
Il ne me reste plus qu'à relire ce texte et à découvrir d'urgence le reste de l'oeuvre de Lorette Nobécourt.
A éviter si l'on a envie de tiédeur ou de confort.
L'usure des jours. Lorette Nobécourt. 133 pages. Editions Grasset.2009
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14/02/2009
Vient de sortir en poche
Billet ici!
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : cochon d'allemand, kund romer
13/02/2009
"De battre mon coeur s'est arrêté..."

Attirée par la couverture rouge de cet album sur la table thématique de la ma médiathèque, j'ai découvert un livre tout à fait charmant et de saison...
Jouant des expressions contenant le mot "coeur", Stéphane Delabruyère nous entraîne au fil des pages dans une réflexion pour répondre à la question initiale:
"Dans ma poitrine bat mon coeur
Pour qui pour quoi ? "
Les photos poétiques de Sylvia Schidge l'accompagnent . Cette artiste n'a pas son pareil pour dénicher des coeurs que ce soit dans des détails de la nature (pétale, caillou, feuilles...),dans des objets du quotidien (cintres, laisses ou tags). On l'imagine , le nez en l'air, traquant l'éraflure du panneau de signalisation, ou carrément au ras du sol, cherchant la trace en forme de coeur...De quoi nous donner envie de l'imiter.
Un joli moment de poésie pour tous.
06:00 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : amuuuur toujours, coeurs and co, livre de coeurs, stéphane delabruyère, sylvia schilge
12/02/2009
Le retour de Linley
Après le meurtre de son épouse et de l'enfant qu'elle portait, Thomas Minley accomplit un périple en solitaire le long des côtes de Cornouailles. Au pied d'une falaise, il sera le premier à découvrir le cadavre d'un jeune grimpeur . D'abord soupçonné, Linley sera enrôlé bien malgré lui pour mener l'enquête et ainsi aider l'inspecteur Bea Hannaford. Ils ne seront pas de trop pour faire face aux nombreuses personnes susceptibles d'avoir souhaité la mort de la victime...
Le rouge du péché nous permet avec bonheur de renouer avec l'univers d'Elisabeth Geoge, plus britannique que jamais malgré sa nationalité américaine.Le duo Linley,Lord jusqu'au bout des doigts , Barbara Havers, fagotée comme l'as de pique mais d'une loyauté à toutes épreuves, se reforme mais seulement au tiers du livre. Nous découvrons avec plaisir l'inspectrice atypique Bea Hanaford, qui , comme toutes les femmes de ce roman est dotée d'une forte personnalité. Elisabeth George nous introduit aussi dans l'univers du surf et nous mène par le bout du nez, multipliant les fausses pistes avec bonheur.Pourtant, bizarrement, il m'a fallu un temps de réflexion pour vraiment apprécier ce roman. Je l'ai lu d'une traite, certes, mais pas avec la même ferveur que les premiers , sans doute par ce que je l'avais trop attendu. Un bon cru cependant.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : elisabeth george, le rouge du péché, surf, sex and rain
11/02/2009
La Belle au bois dormant revisitée
Geneviève Brisac, dans Je vois des choses que vous ne voyez pas reviste le mythe de la Belle au bois dormant mêlant habilement références au conte et thématiques personnelles. Ainsi , Belle se pique avec un stylo et sombre dans un mal-être qui est fortement lié à l'adolescence et à l'anorexie (on retrouve ici quasiment mot pour mot une phrase de son roman Petite : "Échappons à la chaîne alimentaire, c'est une chaîne comme les autres chaînes. La pire peut être."
L'héroïne sortira de son malaise existentiel grâce à la rencontre d'une troupe de théâtre plus que par le baiser de son prince charmant , innovation importante.
Difficile de lire une pièce de théâtre, surtout quand celle-ci est entrecoupée de chansons (écrites par Alice Butaud) dont on ne peut qu'imaginer imparfaitement comment elles s'intègrent à l'action.pourtant ce texte est d'une lecture agréable, d'autant que les illustrations de Nadja habillant Belle d'un rouge somptueux,la reliant au monde du désir, concourent à notre plaisir mais rien ne vaut à mon avis la position de spectateur et non celle de lecteur.J'ai été en outre quelque peu gênée par l'accumulation de marques citées. Pour les inconditionnelles de Genenviève Brisac.
06:00 Publié dans théâtre | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : geneviève brisac, je vois des choses que vous ne voyez pas, théâtre
10/02/2009
"La branchouillarde et le cul-bénit."
Deux amies perdues de vue depuis longtemps renouent sept ans après que leurs chemins se soient séparés. Recommencent alors leurs drôles de relations, oscillant entre dépendance et désinvolture, amour et haine, voire folie...
Marine Bramly dans ce premier roman, Festin de miettes, s'aventure sur un territoire déjà bien balisé, celui de l'amitié féminine , en y instillant une dose de noirceur réjouissante. Commencé de manière plutôt conventionnelle et primesautière, le récit va progressivement virer à l'aigre quand sera révélé le motif de la brouille qui avait séparé Deva la vierge folle et Sophie la vierge sage.
L'auteure analyse finement la psychologie de ses personnages et fouille avec délectation leurs plaies . Elle les promène de St germain des prés aux quartiers les plus pauvres de Dakar et nous les suivons avec le même enthousiasme car elle a l'art de rendre vivants jusqu'aux personnages secondaires. Dommage que la fin ne soit pas à la hauteur de nos espérances, mais là c'est mon fichu besoin de vraisemblance qui refait surface. !Un fort joli moment de lecture.
Sortira en poche le 11 février mais j'ai craqué sur l'édition "France Loisirs"!
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : festins de miettes, marine bramly, amitié, trahison, folie
09/02/2009
A couper le souffle !
Quittant un mari brutal et un pays , l'Australie, Julia trouve refuge en France dans le château familial, en compagnie de ses deux enfants . Dans l'immense demeure, peu de paroles seront prononcées tandis que se nouera un drame familial.Pas question que je vous en dise plus sur l'intrigue que jamais je n'ai trouvée morbide.
Avec une extrême économie de moyens, Julia Leigh arrive à créer une tension digne du Tour d'écrou de Henry James. On suit le souffle court, fasciné et horrifié, la montée de l'intensité dramatique, et n'était l'utilisation d'un téléphone portable, on pourrait se croire plongé dans un de ces romans noirs anglais du XIXème siècle.
Une oeuvre puissante qui donne le frisson.
Julia Leigh, Ailleurs. Christian Bourgeois éditeur.105 pages dévorées le souffle comme suspendu.
Mon seul regret : avoir mis autant de temps à me décider et pourtant vous avez été nombreuses à me tendre la perche !
Le billet de Solenn qui vous mènera vers plein d'autres .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : ailleurs, julia leigh, j'en frissonne encore
06/02/2009
"Une chose n'a pas besoin d'exister pour rendre les gens heureux, pas vrai? "
Rosamond vient de mourir mais a laissé à une mystérieuse Imogen, jeune femme aveugle,une série de cassettes enregistrées où, s'appuyant sur vingt photos dûment sélectionnées, elle révèle un secret de famille courant sur trois générations de femmes.Plus que tout cela peut être, l'objectif est de lui laisser "la conscience de [son] histoire, de (son )identité, la conscience de [ses]origines, et des forces qui [l]'ont façonnée."
Traversée par des coïncidences qui réapparaissent par delà les années, par des scènes qui semblent se rejouer, La pluie, avant qu'elle tombe est sous-tendu par le thème de l'amour maternel déficient et des conséquences qu'il peut entraîner sur plusieurs générations.
Tissant avec virtuosité l'histoire de cette lignée de femmes à celle de l'Histoire, Jonathan Coe nous livre ici une oeuvre sombre mais fluide, qui se lit sans déplaisir, mais qui laisse un peu sur sa faim. le style et la construction sont impeccables mais il manque cette petite étincelle de folie qui faisait tout le charme de la maison du sommeil.
L'avis de Marie.
celui de Lily.
06:10 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : jonathan coe, la pluie avant qu'elle tombe