16/04/2009
"La réalité sera toujours plus forte que la fiction."
"Ce livre relate le destin d'une famille: Les Mendelson, dont l'histoire, cinq générations durant, s'est confondue avec celle du vingtième siècle." Le tome 1 de cette saga est intitulé "les exilés" car la première génération, l'horloger Isaac, sa femme Basheva et leurs enfants , David et Leah devront successivement fuir Odessa puis Vienne avant de se réfugier aux Etats-Unis où certains d'entre eux participeront aux premiers pas du cinéma, art encore balbutiant.
Ils sont exceptionnels les Mendelson, tant par leur propension à affronter avec énergie les tourments de l'Histoire que par leur capacité à rebondir, aussi bien dans leur vie privée que dans leur vie professionnelle. La variété des documents (photos, fac-similés de lettres) ajoute encore au plaisir de lecture en renforçant l'impression de réel . Les entrevues que le narrateur a eues avec certains des Mendelson permet également d' "aérer" le récit qui, fait rare dans un roman historique, parvient à établir un juste équilibre entre les informations nécessaires à la compréhension du contexte, et la narration proprement dite. Trop souvent en effet, le lecteur, dans ce type de roman se trouve saturé de détails qui entravent son plaisir.Ce n'est pas le cas ici, la fiction étant dotée d'une structure souple , sans être lâche, qui laisse la part belle à l'imagination .Le lecteur est ainsi happé par un récit qui ne ménage pas les rebondissements , tout en brossant le portrait d'individus aux personnalités fortes et variées. On croise également au passage un certain peintre raté dont le prénom est Adolf ou ,plus plaisant, Louis B. Mayer , grand producteur de cinéma.
J'ai pris un plaisir fou à dévorer ce roman et pourtant la partie n'était pas gagnée d'avance: seul le nom de Fabrice Colin* m'avait décidée car je n'éprouve pas de goût particulier, loin s'en faut , ni pour les sagas, ni pour les romans historiques d'ailleurs. Je me suis d'ailleurs surprise à différer la lecture de la fin de premier volume , pour mieux la savourer et attend déjà avec impatience la sortie du 2 ème volume en novembre 2009 !
Un grand merci à Lily et ses livres !
L'avis de Cuné qui a été conquise aussi !
Celui d'ICB
Celui de Clarabel
*dont j'avais beaucoup aimé Le syndrome Godzilla.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : la saga mendelson, fabrice colin, exil, famille juive exceptionnelle
15/04/2009
"Son image s'est pyrogravée en moi."
Un roman sur l'enfance, quoi de plus banal? Et pourtant Dominique Resch, avec Les poules, réussit le tour de force de nous embarquer dans le récit de ses vertes années avec une fraîcheur et une drôlerie revigorantes.
On commence le roman et immédiatement on est embarqué dans cette description drôle et poétique du monde familial SANS les lunettes de l'enfant et nous voilà accrochés à l'hameçon de Dominique Resch! On se laisse balader avec bonheur dans ces années soixante où la télé commence juste à faire irruption dans les foyers : Alors, le soir, ma mère hésitait à se déshabiller devant l'écran et quand ma grand-mère venait chez nous, elle s'habillait en dimanche pour se présenter devant Catherine Langeais et l'armée française. C'était comme ça. Il fallait le temps de s'habituer à ces choses nouvelles : les vedettes de la chanson, les speakerines et les chars d'assaut dans le salon." Vous l'aurez compris, il y a un ton Dominique Resch et parfois en le lisant ce premier roman, j'ai pensé aux premiers textes de Jaenada (les parenthèses en moins !), la tendresse en plus car c'est bien aussi de cela qu'il s'agit, la tendresse envers ses deux grands-mères si différentes et la tendresse pour le petit garçon qu'il était ... Un vrai bon moment et une bonne nouvelle: ce roman n'était plus donné comme disponible mais l'est de nouveau et c'est ici !
Les poules, Dominqiue Resch, éditions Anota.
Et plein de surpises en rapport avec le livre : ICI
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : les poules, dominique resch, enfance, tendresse, humour
14/04/2009
"On se fera écraser une autre fois, le coeur n'y est plus."
"Ne les regardez plus. On les a assez vus." Ah ça bataille ferme, mine de rien, dans les familles observées à la loupe par Isabelle Minières ! ça se déchire à belles dents ou à petit bruit mais on ne sait pas ce qui est le mieux. Ou le pire. Mieux vaut peut être se balancer "il n'y a qu'un prof de lettres pour être aussi bête !" que de ruminer de sales pensées par devers soi. Quant aux enfants, ils ont tout compris quand ils affirment : "C'est pas une histoire pour les grandes personnes. ça leur fait peur. C'est une histoire pour les enfants." Et du coup, parfois, les personnages d'Isabelle Minières préfèrent partir, faire Maison buisonnière , partir voir "dehors si j'y suis", au moins ils ne traîneront plus dans les pattes des atres membres de leur famille...Alors évidemment c'est noir , très noir mais plein aussi d'un humour féroce. L'auteure a l'art de traquer les petites noirceurs quotidiennes, tout ce clapotis d'eau nauséabonde qu'on feint d'ignorer pour préserver les apparences et "la paix du ménage".Une petite merveille de noirceur !
ps: une seule nouvelle m'a paru un tantinet trop longue : la dernière, mais c'est ma seule restriction .
Un grand merci à Laure pour le prêt !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maison buissonnière, isabelle minière
13/04/2009
"L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant." René Char
Trois romanciers français sont victimes de manoeuvres d'intimidation (ou de tentatives de meurtres ?). Leur point commun ? Faire partie du comité secret de sélection qui préside aux belles heures de la librairie "Au bon roman". Qui a pu fomenter toutes les basses manoeuvres dont a été successivement victime cette librairie hors du commun qui fait fi des nouveautés commerciales et privilégie la qualité à la quantité ? Dans un monde où le livre est devenu une marchandise comme les autres, ce que certains feignent de déouvrir, une telle exigence de qualité ne peut que susciter le rejet voire la haine...
497 pages . Malgré les avis enthousiastes de Cuné, Amanda et Clarabel, mes poignets criaient grâce d'avance. Pourtant, un jour je me suis lancée dans la lecture d'Au bon roman et...je ne l'ai pas regretté !J j'ai cormé fièvreusement les pages où se trouvaient références littéraires , citations de tous ordres ou passages complets suscitant mon enthousiasme de lectrice boulimique. Une telle librairie évidemment nous en rêvons tous et Laurence Cossé joue sur du velours en nous la proposant virtuellement. Pourtant son roman, même s'il aligne arguments et contre-arguments, se révèle une mine d'informations concernant le fonctionnement d'une librairie ,fait aussi la part belle aux personnages, que ce soit Ivan , le libraire passionné,ou Francesca, la femme blessée qui joue en toute discrétion les mécènes. Nous les regardons avec tendresse se frôler, esquisser des gestes l'un envers l'autre, sans que rien ne soit dit jusqu'au jour où... Les portraits d'écrivains, chacun dans un genre très différent, sont aux aussi très réussis. Du début à la fin, nous sentons le grand amour de Laurence Cossé pour la littérature, un amour dont elle sait témoigner avec ferveur et enthousiasme.
Ps: cela n'est sans doute pas un hasard si la librairie ouvre ses portes un 31 août, titre d'un précédent roman de l'auteure...
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : au bon roman, laurence cossé, amour de la littérature, librairie idéale
11/04/2009
"Saute dedans, sardine, voilà ta boîte."
Rien que le titre et l'utilisation de cet adjectif gentiment désuet m'enchantent : Agrippine déconfite ! Qui prononce encore ce mot ? Enfin une nouvelle BD de Claire Bretécher qui nous donne des nouvelles de toute la famille : les parents sur le point de divorcer ou pas, le petit frère Biron qui traverse une mauvaise passe, la grand-mère qui refuse d'arrêter son antidépresseur car "les effets secondaires me font trop de bien", sans oublier l'arrière grand-mère, Zonzon, qui a entamé une brillante carrière de graffeuse. Parfois on se demande si Agrippine n'a pas raison et si elle n'est pas la plus normale de la bande !
Mais plus que toute cette vie familiale trépidante c'est l'inventivité langagière de Bretécher qui me ravit : que ce soit lagrand-mère qui demande "Combien la rançon mademoiselle? "pour connaître le prix de LA paire de boots ou qui s'exclame: "Putain,j'ai la rage en fleur",on en redemande !
Du coup, nous nous offrons, grâce à la médiathèque, une relecture intégrale de la série car Ferdi est mordu ! Gare aux effets secondaires!
Ps: dans le volume Allergies, un dessin de chambre d'ado plus vrai que nature...
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : agrippine déconfite, claire bretécher, ados, inventivité langagière, humour à fond la caisse
10/04/2009
"On refait toujours son enfance, on revisite les mêmes lieux, on recopie."
"Ma vie d'apprenti rebelle ou celle de dealer de shit, père de famille ou musicien bagarreur, citoyen antisocial ou canaille acceptable...Mes différentes existences se superposent comme des plaques tectoniques, et les souvenirs remontent à la surface, radoubés par ton omniprésence à jamais pétrifiée." Ainsi parle le narrateur des Clous du fakir,star de la scène rock alternatif dont la fille vient de mourir. Dès lors il ne rêve plus que de vengeance...
Le roman de Pierre Hanot est tout sauf confortable , et c'est tant mieux. Il faut accepter de se laisser secouer par la houle de ses mots, par la houle des sentiments extrêmes qui n'ont rien de consensuels. J'ai failli arrêter ma lecture car comme le narrateur l'avoue lui même , à trop se "bronsoniser", à se muer en vengeur implacable et non politiquement correct, la saturation pointait le bout du nez. C'eût été dommage car j'aurais raté le dernier saut périlleux du récit ...Une oeuvre sombre et puissante. Dérangeante.
Les clous du fakir, Pierre Hanot, Fayard noir.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pierre hanot, les clous du fakir, sexe, drogue, rock'n roll, vengeance
09/04/2009
A picorer pour se remonter le moral !
D'emblée la couverture est délicieuse et le contenu l'est tout autant !Imaginez : les "classiques" de l'humour anglo-saxon (Woody Allen, Groucho Marx , entre autres) mais aussi et surtout plein de petits "nouveaux" qu'on n'imaginait pas forcément aussi drôles, se sont donné rendez-vous et rivalisent d 'autodérision et de finesse pour nous faire rire et sourire !
Ouvert au hasard : " Dieu a offert aux hommes un cerveau et un pénis, mais pas suffisamment de sang pour que les deux fonctionnent en même temps." Si c'est Robin Williams qui l'affirme, on peut le croire , non ? !
J'ai remarqué beaucoup d'autodérision chez les acteurs et actrices , ainsi Joan Rivers : " Ma meilleure méthode de contraception en ce moment est de laisser les lumières allumées.". On y retrouve aussi cet absurde flegmatique dont les Anglo-saxons ont fait leur marque de fabrique : "Ma grand-mère était une femme très forte. Elle a enterré trois maris dont deux seulement faisaient la sieste."
Un régal où piocher quand la morosité pointe son nez !
Le petit livre de l'humour anglo-saxon, le cherche midi, 4 euros.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : le petit livre de l'humour anglo-saxon, ah si les stars françaises avaient autant d'humiour
08/04/2009
"La morosité n'est pas l'alliée de la victoire."
Poussant tour à tour coups de gueule et cris d'amour, Pascal Dessaint dans ces Chroniques vertes et vagabondes nous emmène dans une drôle de balade, un pied dans son Nord natal, un pied dans le Sud-Ouest, sa région d'adoption.
Attentif à la vie sous toutes ses formes, Dessaint s'émerveille tour à tour de la présence d'un hérisson dans son jardin clôturé et urbain ou se réjouit (et nous avec lui) de la réapparition d'une espèce d'oiseau que l'on croyait disparue.
On se régale avec lui de magrets saignants arrosés de Buzet, de balades en compagnie d'amis, écrivains ou pas, on s'identifie "Je n'ai toujours pas lu Dostoïevski" mais c'est pas grave car "C'est un beau jour pour le compost" et on sourit car Pascal Dessaint partage avec nous la même manière d'accélerer le compost (évidemment, je fais appel aux hommes de la maison !).On glane au passage plein de références de lecture que l'auteur a eu la bonne idée de collecter en fin de volume (je sens que je vais craquer sur Rick Bass!) et on s'étonne au passage d'apprécier ici un texte qui était apparu plutôt décevant dans la revue où il était précédemment paru , "Au Nord, toute !". Bref, il ne faut pas résister à L'appel de l'huître ! une savoureuse collecte de textes où l'on sent à la fois Dessaint apaisé mais toujours prêt à se révolter contre l'usage que l'Homme fait de la nature . En même temps l'auteur est dans la transmission et rien n'est plus émouvant que les interstices par lesquels se glissent quelques bribes de sa vie familiale...On se sent parfois sur des montagnes russes, Dessaint passant de la colère à l 'appréciation sensuelle des plaisirs simples de la vie mais au final on se sent tout ragaillardi ! Pascal Dessaint est définitivement quelqu'un de bien.
L'avis d'Anne .
Merci encore à Cath pour l'envoi !
Le site de l'auteur.
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : pascal dessaint, l'appel de l'huître, chroniques vertes et vagabondes
07/04/2009
"Il faut le dire dès le début, sinon on t'apporte toujours plus de bols."
1984. Une petite fille qui joue les détectives en herbe disparaît.2003.Un agent de sécurité du centre commercial Green Oaks à Birmingham aperçoit sur un écran de contrôle une fillette et sa peluche. Cette image furtive lui permettra de nouer le contact avec Lisa, employée surmenée d'un magasin de disques. A eux deux, ils mèneront une enquête dans les couloirs de service du centre commercial, autant sur Kate, la petite fille disparue ,que sur eux-mêmes, renouant les fils d'un passé où règnait peut être l'innocence... Au coeur de ce récit, fascinant et menaçant, un immense centre commercial.
Tout cela semble sinistre à première vue mais se révèle un mélange subtilement dosé d'émotion , d'humour, de suspense, de critique de la société de consommation, où les gens sont bien contents d'aller faire un tour au centre commercial le dimanche pour combler le vide de leur existence, où l'on assiste à une hilarante formation commerciale. Sans compter que Catherine O'Flynn , dont c'est ici le premier roman , possède tout à la fois l'art de rendre ses personnages attachants, Kate la première, mais aussi de maîtriser totalement l'art de la narration. Rien n'est gratuit, tous les détails ont leur importance mais tout se met en place harmonieusement, comme les pièces d'un puzzle. Quand la date 1984 est réapparue dans la dernière partie du livre, j'ai eu le souffle court tout en tournant les pages... Quant à la polyphonie des narrateurs, elle permet aussi bien de donner le point de vue de chacun des protagonistes que de mimer les voix peuplant cette tour de Babel qu'est le centre commercial.Jusqu'au bout du récit , les éléments s'imbriquent pour le plus grand plaisir du lecteur qui sort de ce roman, ravi, le coeur battant la chamade et le sourire aux lèvres devant une telle réussite. Magistral ! Voilà longtemps que je n'avais pas connu une telle émotion de lecture !
Ce qui était perdu, Catherine O'Flynn, traduit de l'anglais par Manuel Tricoteaux, Editions Jacqueline Chambon.
Ps : un seul bémol : dans le jargon commercial , le client qui vient incognito pour tester l'accueil etc, s'appelle en français un "client mystère".
Pps :Cath, écrit par une Catherine, mettant en scène une Kate, ce livre est pour toi et va bientôt te parvenir !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : ce qui était perdu, catherine o' flynn, un énorme plaisir de lecture, coeur battant et tout et tout
06/04/2009
"De toutes façons,ça n'est jamais ça avec maman. je ne lui conviens pas."
Une mère, trois soeurs qui font bloc pour échapper à l'emprise maternelle, destructrice, mortifère. La folie qui rôde et qui est repoussée ou apprivoisée. Des hommes enfin qui vont essayer de se frayer un chemin, de se trouver une place au sein de cette lignée de femmes. Et tout autour, la forêt. Celle dont la narratrice principale, Rose tire sa force. Car chaque soeur a sa propre méthode pour tenter de se libérer et cela ne va pas sans risques...
Alternant les points de vue, Laurence Albert tisse un texte empreint de sensualité charnelle ,qui mêle les éléments naturels , brasse ces vies de femmes, cette lignée maternelle où l'amour a pris des formes perverties. Il faut se laisser envoûter par cette écriture prenante et entrer "Dans cette maison de folles où aucun homme n' a jamais vécu.".
Un grand merci à Laure pour cette découverte et pour le prêt !
L'hypothèse des forêts, Laurence Albert, éditions Delphine Montalant
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : l'hypothèse des forêts, laurence albert, mère filles mode d'emploi, sororité