27/07/2009
Retrouvailles
Onze mois de différence entre Veronica et son frère Liam. Onze petits mois qui expliquent peut être l'affection indéfectible qui les unit et les particularise dans cette famille nombreuse (ô combien !) irlandaise. Quand son frère se suicide,Veronica écrit furieusement pour remonter à la source de ce geste pour elle incompréhensible, tenter de mettre à jour la scène qui a pu déclencher le mécanisme aboutissant à cette mort.
Alternant passé et présent Retrouvailles est un roman puissant, dérangeant ,qui reconstitue le passé, non pas avec une assurance tranquille, bien peignée, lisse, (et un tantinet suspecte) mais d'une manière hirsute," à la diable",n'hésitant pas à dire qu'il s'agit peut être de souvenirs inventés, mais revenant avec obstination sur cette scène primitive qui devrait lui livrer-peut être- la clé de cette famille marquée par l'influence d'Eros.
La narratrice,surtout au début du roman utilise un langage cru, que ce soit pour parler de sa famille ou de sa relation de couple qui s'effiloche : "Il y avait des filles, à l'école, dont les familles augmentaient jusqu'au nombre conséquent de cinq ou six. il y en avait chez qui ça grimpait jusqu'à sept ou huit- ce qui était jugé un tant soit peu enthousiaste-et puis il y avait les pitoyables comme moi, avec des parents totalement désarmés qui se reproduisaient comme on irait aux chiottes."Mais cette violence n'est là que pour montrer le maëlstrom d'émotions de Veronica, qui malaxe les phrases, malmène son mari et embarque le lecteur ,parfois abasourdi mais totalement conquis dans une lecture qui le laisse un peu groggy mais en même temps séduit.
Au diable les bons sentiments ! "Le truc merveilleux quand on est élevé à la diable, c'est qu'il n'y a de reproches à faire à personne. Nous sommes entièrement élevés en plein air. Nous sommes des êtres humains à l'état brut. Certains survivent mieux que d'autres, c'est tout."Pourtant il y a de l'amour qui court tout le long de ce livre, un amour qui ne dira son nom que quand la narratrice aura enfin trouvé l'apaisement.
Quant au style, il est tout à la fois sensuel, le passé étant très lié aux sensations,cru, cahotique, fougueux et plein d'humour féroce. On se laisse embarquer dans ce roman comme on ferait un tour dans une essoreuse à plein régime et on en sort étourdi mais bourré d'énergie.
L'avis de Bellesahi qui n'a pas DU TOUT aimése faire secouer mais qui reconnaît que c'est un bon livre et à qui j'adresse un énorne merci pour cette découverte ! :)
Retrouvailles, Anne Enright, traduit de l'anglais (Irlande) par Isabelle Reinharez, Actes Sud, 310 pages fracassantes.
06:00 Publié dans Littérature irlandaise | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : anne enright, famille nombreuse, rapports frèressoeurs, reconstitution du passé, couples
24/07/2009
5 octobre, 23 h 33
Flic d'expérience, le shérif Carl Houseman, va se trouver confronté à un suicide ou crime qui va le plonger dans un monde bien différent de son Iowa banal.
Méfiante j'aurais pu être : éloges dithyrambiques sur la 4 ème de couv' de ce roman policier(dont un de Michael Connelly), allusions à des rites liés aux vampires, en plein Iowa contemporain, alors que j'avais été préalablement échaudée par un roman français utilisant les mêmes ressorts (Les morsures de l'aube de Tonino Benacquista, pas de billet) mais bon il y avait la caution de Cuné alors je me suis lancée...et je n'ai pas pu lâcher ce bouquin ,dévoré d'une traite.
L'opposition entre les jeunes gens gentiment ( à première vue) bizarroïdes habitant dans une grande maison placée sous le signe du gothique et le flic brut de décoffrage mais à l'usage pas si plouc qu'il en a l'air est tout à fait réjouissant.On explore, ravi, les méandres tortueux de l'âme humaine tout en découvrant le quotidien de ce shérif aguerri qui subit les lourdeurs administratives, les humeurs de ses subordonnées et regrette de n'entrevoir sa femme que de rares instants, le tout rythmé par le suivi de l'enquête, quasi heure par heure. Un Page turner diablement efficace !
5 octobre, 23 h 33, Donald Harstad, Points seuil.
L'avis tout à fait enthousiaste de Cuné que je remercie encore, et qui l'a placé dans la catégorie " excellent".
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : donald harstad, vampires et cie
23/07/2009
Jour de fête à l'hospice
Premier roman de John Updike,(dont javais déjà lu plusieurs romans il y a belle lurette (non chroniqués ici)), Jour de fête à l'hospice n' a pas su m'accrocher. J'ai trouvé la narration pesante, alourdie par ces longs monologues intérieurs qui entravent l'action plus qu'ils ne la propulsent. L'idée était pourtant intéressante: celle de confronter les pensionnaires d'un hospice de vieux au monde extérieur à l'occasion de la seule journée de l'année où les personnes étangères à ce huis-clos forcé peuvent y faire une brève incursion. Unité de temps, de lieu mais les interrogations des pensionnaires m'ont paru superficielles et je ne me suis attachée à aucun d'entre eux. Echec sur toute la ligne, tant pis !
Merci au Blog-o-book et aux éditions Robert Laffont
L'avis de Tamara, plus positif.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : john updike
22/07/2009
Lydia Cassatt lisant le journal du matin
"Ceci est une île , composée de May et de moi, de son pinceau et de mes gants, de ma douleur et de son regard. Sur sa toile, je me mue en une femme en bonne santé, vêtue de bleu et de blanc. le soleil et le pinceau me guérissent, le pinceau et le soleil, et les oiseaux français dans un jardin français." May ,c'est Mary Cassatt peintre américaine impressionniste ayant cotoyé -et aimé- Degas , dotée d'une énergie folle. Celle qu'elle peint ainsi à de nombreuses reprises c'est sa soeur aînée, Lydia . Lydia qu'elle aime d'un amour total , Lydia qui va mourir même si chacun s'obstine à le nier,sauf la malade elle-même.
Harriett Scott Chessmann choisit donc d'interroger cette constance dans la relation peintre -modèle en consacrant un chapitre par tableau peint à la fin de la vie de Lydia, (ces toiles sont d'ailleurs représentées au centre de l'ouvrage).
Pas de biographie donc à proprement parler car l'auteure s'est "immiscée dans leur univers par la pensée l'imagination et par le rêve", soulignant au passage la dichotomie entre les deux soeurs, l'une pleine de vie, revendiquant: "Je suis une artiste. Je suis indépendante. C'est le seul moyen pour une femme d'en être une." et pleine de lucidité répond à sa soeur lui demandant si elle va épouser Degas"-Je ne peux évidemment pas l'épouser, Lyddy(...)Comment le pourrais-je , il anéantirait ma peinture, il m'anéantirait moi-même . je n'aurais pas le moyen de m'en tirer." Lydia, plus posée mais néanmoins tout aussi clairvoyante et qui n'aura finalement peut être pas eu la plus mauvaise part...
L'écriture d'Harriet Scott Chessman, pleine de couleurs et de métaphores rend palpable l'émotion qui se noue entre les deux soeurs au fur et à mesure que le terme arrive et restitue à merveille l'atmosphère de cette époque. On a envie de découvrir plus à loisirs tout ce monde rempli de lumière et de douceur où rôde la mort.
Lydia Cassatt lisant le journal du matin, Harriet Scott Chessman, Folio, 223 pages lumineuses
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : harriet scott chessman, mary cassatt, degas, peinture, impressionnisme, maladie
21/07/2009
Si loin de vous
1964, Jun Nakayama, qui fut une star du cinéma muet aux Etats-unis, par l'intermédiaire d'un jeune scénariste , est amené à se repencher sur cette période du début du XXème siècle. Etre un japonais aux Etats-Unis, toute vedette qu'il était, n'allait cependant pas sans poser de nombreux problèmes, plus ou moins larvés.
Nina Revoyr évoque avec beaucoup de charme ce personnage tout en retenue et courtoisie , qui gagne en complexité au fil du roman car visiblement sa retraite forcée n'était pas seulement due à l'irruption du cinéma parlant , ou à une quelconque xénophobie ou lassitude du public ,mais semble bien plutôt liée à l'assassinat inexpliqué d'un metteur en scène britannique.
Fêtes somptueuses, hystérie du public féminin, fonctionnement des studios de cinéma, Nina Revoyr prend plaisir à retracer ici les premiers pas du cinéma, tout en montrant les ambiguïtés d'une société qui adule et rejette tout à la fois les étrangers venus fouler son sol, les cantonnant dans des rôles trop souvent stéréotypés.
La narration s'essouffle cependant un peu à mi-parcours, trop de retours en arrière ,avant que la vérité n'éclate sur un final très surprenant. Un moment de lecture tout à fait charmant.
Si loin de vous, Nina Revoyr, Phébus, 374 pages sépia.
Merci à Suzanne de Chez les filles et aux éditions Phébus.
L'avis de Clarabel.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : nina revoyr, cinéma muet, japonais aux etats-unis
20/07/2009
L'heure trouble
L'heure trouble c'est l'heure juste avant la tombée de la nuit, l'heure à laquelle un enfant disparaît dans le brouillard épais d'une petite île de la Baltique. Vingt ans plus tard, alors que la mère de l'enfant navigue entre alcool et petites pilules, le grand-père maternel reçoit par la poste une des chaussures de son petit-fils...
Alternant passé et présent, point de vue du grand-père qui , avec ses vieux amis, anciens marins comme lui, va malgré ses difficultés motrices, relancer l'enquête, point de vue de la mère qui va , petit à petit ,accepter l'inacceptable, Johan Theorin tisse ici un roman original et passionnant. Impossible de lâcher les personnages, frustrés que nous sommes de ces retours dans le passé qui vont, petit à petit, dissiper le brouillard et mettre en place les pièces du puzzle d'une tragédie qui n'aurait jamais dû exister si...
De beaux portraits psychologiques aussi et un éloge de la lenteur à ne pas négliger "Je ne fais pas l'intéressant, dit-il. Je pense seulement qu'il vaut mieux raconter les histoires à son propre rythme. Autrefois, on prenait son temps, maintenant il faut que tout aille si vite." Dont acte.
L'heure trouble,Johan Theorin , 422 pages totalement maîtrisées.
L'avis de Mango qui m'a donné envie d'emprunter ce livre à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : johan therorin, roman policier suédois, disparition d'un enfant dans le brouillard
19/07/2009
Sorti en poche !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hugo boris, la délégation norvégienne, cluedo dans la plus grande bibliothèque du monde
18/07/2009
poèmes cités dans "papa et maman sont dans un bateau"
06:03 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jean tardieu, geo norge
17/07/2009
Papa et maman sont dans un bateau
Les Doinel , à première vue, constituent une famille comme les autres: le père, Marc, très sexy et gentiment voyou sur les bords,dirige une boîte de transport routier qui va être méchamment restructurée par des Hollandais. Nadine, la mère, s'efforce de remplir consciencieusement les fiches d'acquisition de ses élèves de maternelle . Charlie, la fille, a la tête dans ses séries de manga et le coeur à la dérive au collège, tandis que le petit dernier, Esteban, enfant précoce intellectuellement, s'efforce de supporter sans broncher les brimades de la cour de récréation de l'école primaire.
Chacun a donc ses problèmes mais personne n'en parle aux autres jusuqu'à ce que la photographie d'une yourte mongole dans un magazine ne viennent cristalliser tous leurs espoirs d'évasion, de nouvelle vie...
Avec le talent qu'on lui connaît, Marie-Aude Murail parvient à se glisser aussi bien dans la tête (et le coeur) d'un chef entreprise qui aurait pu "mal tourner", d'une instit sclérosée par les demandes de sa hiérarchie , d'une adolescente ou d'un gamin rêveur. Mais plus que le portrait d'une famille qui s'aime mais qui ne trouve plus le temps de se le dire, hâchée menu par la société de consommation, ce temps qui ne leur appartient plus (voir la liste d'activités de la mère le mercredi après-midi ou les appareils ménagers qui se détraquent à tour de rôel). Même l'école maternelle risque la déshumanisation, puis-qu'entre deux fiches d'évaluation, Marie Doinel, présentée comme une excellente instit, ne trouve plus le temps de s'intéresser à chacun de ses élèves et à leur personnalité naissante.
La restructuration de l'entreprise de transport , autrefois familiale, de transport est saisissante de vérité dans sa brutalité. Pas de vision édulcorée, pas d'angélisme, Marc Doinel nous est montré tiraillé entre sa volonté de sauver ses employés et de préserver sa dignité. Lui qui ne rentrait pas dans le moule de l'école a su donner sa chance à des êtres que la société avait définitivement catalogués et qui vont se trouver une nouvelle fois rejetés...
Malgré ce portrait très réaliste de la société violente dans laquelle nous vivons, l'auteure prend néanmoins le temps de dégager quelques îlots de tendresse et d'humour. Les mots sont là aussi pour alléger l'atmosphère même si les poèmes appris à l'école par Esteban sont eux aussi très sombres ...Pas de solution "miracle" pour résoudre les problèmes de chacun, il y a des dégâts collatéraux comme l'écrivent si bien les journaux, des dégâts mais aussi de l'espoir pour ceux qui savent saisir les opportunités et ne pas laisser les oeillères entraver leur chemin.Une TOTALE réussite qui dresse un portrait sans complaisance de notre société.
Papa et maman sont dans un bateau, Marie-Aude Murail, ecole des loisirs, collection medium, 294 pages saisissantes de vérité.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : marie-aude murail, mondialisation, crise, yourte mongole, cimetière des éléphants
16/07/2009
Un crime dans le quartier
Vingt ans après les faits qui ont bouleversé l'été de ses dix ans , la narratrice, Marsha, se souvient de ce Crime dans le quartier,quartier bien propret de Washington DC.
1972, tandis que les Etats-Unis commencent à vivre au rythme de ce qui va devenir l'affaire du Watergate , un enfant est assassiné. Le tueur ne sera jamais retrouvé, nous le savons d'emblée ou presque. Il ne s'agit donc pas d'un roman policier mais de la volonté pugnace de la narratrice de revenir sur cet été où le monde autour d'elle a volé en éclats, où elle a appris par elle même ce que lui avaient déjà transmis de manière implicite les femmes hautes en couleurs de sa famille : les hommes ne sont pas fiables, il n'y a pas de lieu sûr en ce monde.
Observatrice inlassable ,"fanatique" comme le lui dira plus tard sa mère, Marsha note sur un cahier tous les menus événements qui jalonnent cet été , autant de repères auxquels se raccrocher mais aussi autant d'indices fallacieux pour accuser le nouveau voisin , célibataire et réservé, qui peine à s'intégrer dans le quartier...
Cruauté de l'enfance, accusations injustes, des thèmes qui ont déjà souvent été explorés dans la littérature mais que la peinture précise à l'extrême de Suzanne Berne renouvelle avec bonheur. Nous suivons avec un intérêt extrême la vie de cette famille, analysée de manière très fine et le roman vaut aussi par l'ambiance , mélange de calme apparent et d'hystérie feutrée.
Suzanne Berne, Un crime dans le quartier, livre de poche, 317 pages à savourer une citronnade à la main.
L'avis de Cuné
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : suzanne berne, un quartier trop tranquille, une enfant perturbée