23/06/2009
Le cerveau de Kennedy
"Mais sortie des champs des champs de fouille et des musées, j'en sais infiniment moins qu'Henrik sur le monde qui m'entoure. Je suis profondément ignare, et je le découvre à cinquante ans passés."
Pas de Wallander au sein de ce roman du romancier suédois Henning Mankell, mais une mère obstinée et pugnace, Louise Cantor , qui va utiliser sa méthode d'archéologue confirmée pour élucider la mort de son fils, Henrik.
Suicide dit la police mais Louise ne peut se résoudre à l'admettre et va, au prix de multiples périples entre Barcelone, la Suède, la Grèce et le Mozambique tenter d'éclairer les mutiples zones d'ombre d'un fils que finalement , elle ne connaissait pas si bien que cela et essayer de rassembler les différents morceaux de cette vie disloquée qu'est devenue la sienne...
Si l'enquête menée par Louise paraît un peu manquer de densité, le lecteur est neanmoins tenu en haleine à la fois par les péripéties et par l'intensité de cette recherche de vérité.
On ressent aussi profondément l'amour de l'auteur pour les Africains et la colère qui l'anime en évoquant des thèmes déjà abordés par John Le Carré dans La constance du jardinier. Pourtant il n'idéalise pas ce continent gangrené par la corruption au plus haut niveau et , comme le souligne un personnage: "Pendant toutes les années du colonialisme, nous avons appris à ne faire que ce qu'on nous demandait. Maintenant , nous apprenons lentement à penser par nous-mêmes. mais il y a tant de choses que nous ne nous décidons pas à faire."
Un très beau portrait de femme et un livre efficace qu'on lit d'une traite. Quant au cerveau de Kennedy, il fonctionne ici comme un symbole dont je vous laisse le soin de découvrir la signification...
Le cerveau de Kennedy, Henning Mankell, éditions du Seuil, Janvier 2009, 390 pages qu'on ne lâche pas.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : le cerveau de kennedy, henning mankell, afrique, suède, grèce
22/06/2009
Les mots des autres
Les personnages de Clare Morrall sont souvent un brin décalés par rapport à la réalité (voir ici et ici). C'est aussi le cas de Jessica dans Les mots des autres. Jessica qui mettra longtemps avant de mettre des mots sur son attitude par rapport aux autres .Jessica que la musique, sa rigueur, son aspect mathématique va d'une certaine manière sauver mais aussi perdre car c'est principalement à cause d'elle que la jeune femme épousera Andrew et ira ainsi droit à la catastrophe que chacun pressentait...
Alternant passé et présent, Clare Morrall nous peint ici le portrait tout en finesse d'une femme qui ressent un besoin vital d'espace physique et émotionnel mais parvient néanmoins , tant bien que mal, à s'insérer dans la société: "Il y a des années , le doute n'aurait pas été possible, je tenais toujours ma parole, quelles que fussent les difficultés, car il ne me venait même pas à l'idée de faire autrement. mais j'ai peu à peu compris que le monde ne fonctionne pas comme je l'avais cru. les gens font les choses à moitié, dérivent, refusent d'entrer dans le moule des autres. cela m'intéresse. Je me suis efforcée de cultiver l'art d'être imprévisible."
Qu'elle soit en butte aux agissements d'un mari dépressif et harceleur ou à l'attitude bizarre de son fils, Jessica s'est longtemps efforcée d'absorber leurs émotions , "je pouvais les leur restituer, raffinée et agrandies, cirées et astiquées. S'ils étaient heureux, je l'étais aussi." mais vingt-cinq ans après son divorce quand Andrew réapparaît dans sa vie, Jessica n'entend plus agir ainsi..."Faire semblant: cela permet de contourner les obstacles sans les toucher et donne le recul nécessaire pour voir que les gens ont d'autres facettes, pas seulement l'attitude abrasive et provocatrice qu'on a du mal à supporter. Il faut voir les gens sous un nouveau jour, remarquer où tombe la lumière, découvrir quels angles ont été usés, et adoucis par le temps. Sinon, on se laisse à ce point obnubiler par les aspects négatifs qu'on ne voit plus rien d'autre."
Clare Morrall ne juge jamais ses personnages mais éprouve au contraire beaucoup d'empathie pour eux, son style lumineux et si personnel éclaire d'une manière originale leur évolution (j'ai beaucoup aimé par exemple le point de vue de la famille de Jessica sur l'enfance de celle-ci, point de vue dont elle ne prendra connaissance que bien plus tard), évolution qui suivra une courbe inverse à celle de la maison de famille, véritable personnage à elle toute seule.
Si vous aimez les vieilles demeures anglaises pleine de charme, l'excentricité si typiquement british, l'humour teinté de désenchantement, ce livre est pour vous !
Les mots des autres, Clare Morrall, traduit de l'anglais par Françoise du Sorbier, Fayard, 405 pages envoûtantes.
L'avis de Clarabel.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : les mots des autres, clare morrall, histoire d'un mariage, histoire d'une famille angalise, histoired'une relation mère-fils
21/06/2009
Faites des pères, faites de la musique, Faites l'été , Faites une PAL gigantesque...
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (5)
20/06/2009
tague à tague à tague aïe aïe aïe
Et un p'tit tag en passant...
1. Ecrire 8 souhaits
2. Dire à quoi font penser les 10 mots donnés
3. Dire un mot sur sa tagueuse
4. Taguer 8 personnes et les prévenir
Souhaits :Exercice difficile apparaître au choix comme une égocentrique ou pour une altruiste un peu hypocrite ou s'arranger pour contourner le problème....
1/ Comme je répète à longueur de journée "Je ne suis pas une fée" (sous-entendu, je ne peux pas faire apparaître, au choix: le livre oublié, la feuille de cours oubliée,les notions oubliées... hé bien j'aimerais devenir une fée mais gare aux conséquences car il y a fée et fée, souvenez-vous de Carabosse...:)
2/Avoir plus de temps pour ranger (au choix :mes livres, mon blog, mes cours, mes paperasses ...). Vive Mary Poppins !
3/ Avoir plus de temps pour ne rien faire. (comment ça je ne fais déjà pas grand chose !? :))
4/ Zapper les autres souhaits !:)
Les mots à commenter
Message : "Vous avez un message" film où Meg Ryan avait encore une apparence terrestre...
Blog : chronophage.
Prix : la malédiction de la vitrine :Pourquoi est-ce que l'objet qui me plaît dans une vitrine est systématiquement celui dont je découvre ensuite qu'il a le prix le plus élevé ?
Croix : morpion
Scrap : comme une onomatopée sortie d'une BD.
Création : énergie.
Bonheur : est dans le pré, cours-y vite...
Vie : trop vite passée.
Enfant : le sel de la vie (ou le poivre d'ailleurs).
Passion : littérature.
Portrait de ma tagueuse :
Sévissant sur la toile depuis plusieurs années pour notre plus grand plaisir et celui de nos PAL, Dame Cuné fait partie des bonnes fées qui se sont penchées sur ce blog encore balbutiant il y a bientôt trois ans.
Passionnée et passionnante, elle partage avec nous coups de coeur et coups de griffes, ne se cache pas d'avoir des chouchous (le Patounet Swap en témoigne) et régulièrement nous fait (re)découvrir avec un enthousiasme contagieux des auteurs du passé (Austen, Dickens ).Attention blogueuse hautement addictive !:)
S'il reste encore quelqu'un qui n'a pas été tagué qu'il se serve !:)
Ps: les cupcakes utilisés pour fêter ce 1000 ème billet sont garantis sans matière grasse !
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : bon sang, billet numéro 1000 !
19/06/2009
Petits meurtres entre voisins
Bizarrement nulle mention de nos chères Desperate Housewifes, pourtant mises d'habitude à toutes les sauces, à l'instar de notre très chère Jane Austen d'ailleurs.
Pourtant tout y est : une communauté chicos dans un village hollandais où il fait bon vivre entre gens du même monde, des femmes au foyer ou exerçant vaguement des métiers pas trop prenant et prestigieux, des maris débordés de travail, des enfants qui ont la bonne idée d'aller à l'école pour ne pas trop embêter leurs parents, trop occupés à boire et à flirter.Un peu de sexe pour pimenter le tout et quelques cadavres qui viennent jeter le trouble et ternir rapidement ces images trop bien lêchées.
Saskia Noort reine du polar hollandais ? Que nenni, les personnages sont aussi inconsistants que les magazines dont ils semblent sortis et seuls quelques vélos viennent donner un peu de couleur locale. On en vient presque à regretter qu'il y ait aussi peu de cadavres tant l'action est mollassonne.
Tous les ingrédients avaient été réunis mais la sauce-hollandaise- ne prend pas.
Saskia Noort, Petits meurtres entre voisins, déjà paru en 2007 et ressorti cette année.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : petits meurtres entre voisins, saskia noort, desperat à la sauce hollandaise et en plus noir et raté
18/06/2009
Comme deux gouttes d'eau
Dans Comme deux gouttes d'eau, on retrouve avec plaisir le personnage de Cassie rencontré dans Ecorces de sang. Elle est ici la narratrice et va se trouver mêlée à une infiltration sans pareille .En effet, non seulement la victime d'un meurtre lui ressemble quasi parfaitement mais en plus elle avait endossé une identité inventée pour une précédente mission de Cassie !
La jeune femme va alors intégrer le groupe d'amis que fréquentait Alex et vivre avec eux dans un manoir décrépit mais plein de charme...
Avec ce nouveau roman de Tana French, nous entrons de plain pied dans une atmosphère vénéneuse à souhait qui n'est pas sans rappeler Rebecca de Daphné du Maurier "J'ai rêvé que je retournais à Manderley", mais aussi Dona Tartt et Le maître des illusions avec ce groupe d'amis qui se mettent en marge des autres étudiants de l'université. Ces échos ne troublent en rien le lecteur car Tana French sait y instiller sa propre dose de noirceur et montrer toute l'ambiguïté de l'attitude de Cassie plongée dans ce huis-clos qui pourrait être mortel...
Une fois accepté le postulat initial , on se laisse captiver par ce roman qui fait la part belle à la psychologie mais sait aussi créer une atmosphère angoissante et où la maison devient un personnage à part entière qui fascine et captive. Une réussite !
Comme deux gouttes d'eau. Tana French, Editions Michel Lafon.
L'avis de Lily .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : comme deux gouttes d'eau, tana french, irlande
17/06/2009
Ecorces de sang
Quand on découvre le cadavre de la petite Katy sur un chantier de fouilles archéologiques, c'est tout un passé qui va rattraper l'inspecteur de police Rob. En effet, vingt ans auparavant, il a été le seul rescapé d'un groupe de trois enfants qui étaient allés jouer dans les bois. les deux autres ne sont jamais réapparus. Les deux affaires sont elles liées ? Rob est-il vraiment le plus à même de résoudre la ou les énigmes ? En tout cas, il est fidèlement secondé par son alter ego au féminin, Cassie, férue de psychologie et plus teigneuse qu'un bouledogue.
Ce pourrait être un énième roman policier tissant les liens passé -présent, jouant de la complicité entre les membres de son équipe mais Ecorces de sang est bien plus que cela.
L'intrigue est particulièrement retorse et même si j'avais deviné une partie de l'énigme, les retournements de situation ne cessent de relancer le récit même à la toute fin. Les personnages et leur psychologie subtile sont particulièrement réussis et on a hâte de les retrouver dans le volume suivant, d'autant que toutes les zones d'ombre n'ont pas été éclaircies.
L'écriture enfin de Tana French, qui fait de la forêt un être quasi vivant, une entité vaguement menaçante et s'attache à décrire la nature avec poésie a fini de me séduire totalement. Un roman qu'on ne lâche pas !
Ecorces de sang, Tana French, sortie en poche le 18 juin chez Points Seuil.
Paru en 2008 chez Robert Laffont sous le titre La mort dans les bois.
Ce livre a remporté, entre autres, le Prix Edgar Allan Poe .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : écorces de sang, tana french, roman policier, irlande
16/06/2009
Une confession
Pendant six ans l'éditrice Véronique de Bure a été très proche du philosophe catholique Jean Guitton. Après son décès, elle estime : "c'est bien dans un brouillard qu'il me semble voir avancer ma vie" et s'adresse donc à lui dans une quête identitaire où s'entrecroisent anecdotes sur le philosophe et récit d'une passion adultère avec un autre homme.
Même si l'auteure sait nous rendre attachante la figure de Jean Guitton, c'est davantage le style à la fois pudique et franc, souple et heurté qui a su ma séduire: "La réalité est malléable. On peut la tordre, la gondoler, la rendre plus lourde ou plus légère. Certains, les optimistes dont je ne suis pas, la pétrissent comme une boule de glaise , lui donnent les rondeurs qui lui manquent, une douceur qui la rend supportable, voire aimable. ils savent se faire du bien, ils prennent soin d'eux. Ma réalité est une pierre, un marbre dur et impitoyable; au lieu d'en gommer les apérités, je la taille à la serpe, j'en affûte le tranchant, j'en aiguise la lame, et tel un scalpel elle me griffe, me coupe, me cloue. Je saigne et mes blessures, que je n'ai de cesse de raviver , ne cicatrisent jamais."
Il y a là une volonté de se reconstruire qui a su tout à la fois me toucher et me fasciner. Nécessité de passer du réconfort moral offert autrefois par Guitton "car vous aviez ce don merveilleux d'élever l'esprit de votre interlocuteur" aux bras de cet amant qui la fait vivre avec intensité même si elle ne l'aime pas vraiment car "le véritable amour n'est pas toujours fait de chair et de sang".
L'avis de Laure.
Une confession, Véronique de Bure, Stock, 201 pages précieuses.(Je n'ai pas copié sur Laure, le même adjectif m'est venu :))
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : une confession, véronique de bure
15/06/2009
Drôle de temps pour un mariage
Tout va très vite dans Drôle de temps pour un mariage : Un mois de fiançailles entre" Dolly , âgée de vingt-trois ans, à l'honorable Owen Bigham.Il avait huit ans de plus qu'elle et appartenait au corps diplomatique.", une centaine de pages pour nous raconter la journée du 5 mars , et rendre compte , en scènes télescopées , des réactions des uns et des autres dans cette maison de campagne anglaise en ce jour où les demoiselles d'honneur frissonnent dans leurs robes jaunes, avant le départ des jeunes mariés pour l'Amérique du Sud.
Vieille tante, cousins, domestiques, tout ce petit monde s'agite, se chamaille, mais la comédie prend une tonalité grinçante avec l'apparition de celui qui n'osa se déclarer l'été dernier.
Ce pourrait être mélo, c'est follement acidulé, très anglais, avec son lot d'excentricités, ses cadeaux horribles, une mariée qui se saôule au rhum- mais sans perdre sa dignité- et veut emmener sa tortue en voyage !
On arrive, un peu étourdi à la fin du roman, mais pleinement satisfait d'avoir découvert un petite merveille qui fut publiée pour la première fois en 1932 par Virginia Woolf et son mari, et a conservé toute sa fraîcheur acide.Un livre qui a filé directement sur l'étagère des Indispensables !
PS:N'étaient ses superbes descriptions de fleurs, ce pourrait être une magnifique pièce de théâtre, drôle et enlevée (un peu comme Le Bal d'Irène Némirovsky, roman qui a ensuite été adapté au théâtre).
Julia Strachey, Drôle de temps pour un mariage, La petite Vermillon, 7 euros.
Traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : drôle de temps pour un mariage, julia strachey, il n'y a que les anglaises pour écrire comme ça!
12/06/2009
Les mots de Brassens
Ouvrir le livre de Loïc Rochard c'est plonger d'emblée dans l'univers de Brassens, l'entendre chanter tous les refrains et les couplets qui ont accompagné et accompagnent encore nos vies, mettre en route un juke box d'où s'échappent en ribambelle quelques grigous, une ou deux gourgandines, une donzelle, pas trop collet monté, un blanc-bec pour qui elle aurait le béguin, pour qui son coeur battrait la breloque.
Féru du Grand Georges, l'auteur s'est en effet donné pour tâche, véritable travail de Bénédictin, de préciser dans ce Petit dictionnaire d'un orfèvre du langage tous ces mots dont nous ignorons souvent le sens exact mais que Brassens a rendu familiers à nos oreilles et qui participent de l'univers si particulier du chanteur. Il précise en outre, et c'est fort utile, la ou les chansons dans lesquelles on peut trouver le terme en question.
Dans son intéressante introduction, Loïc Richard nous montre également l'apparente facilité des textes du moustachu à l'éternelle pipe, textes qui coulent souples et aisés, mais qui ont parfois nécessité une année de travail avant que les mots sonnent juste aux oreilles du compositeur. Car Brassens s'était "abîmé" dans la lecture et n'aimait rien tant que mêler références mythologiques, langage vert ou recherché, détournant au passage bien des expressions.
Cerise sur le gâteau, Loïc Rochard a même recherché quelques unes des réminiscences littéraires témoignant de la diversité des lectures du chanteur puisqu'on y trouve aussi bien Jean de La Fontaine, René Fallet ou Shakespeare !
Bref, pas question ici de flagorner mais nous sommes ici devant une somme où chacun trouvera son content, car c'est une oeuvre riche mais jamais pédante, un dictionnaire plein d'amour et de poésie .
Les mots de Brassens , Petit dictionnaire d'un orfèvre du langage, Loïc Rochard, Le cherche midi, 358 pages où l'on ne mange pas du poète !
Ps: Depuis , je chante en boucle "la ronde des jurons" !:)
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : petit dictionnaire d'un orfèvre du langage, loïc rochard