05/02/2009
"Ici tout pouvait arriver, sauf la justice."
La frontière entre Mexique et Etats-Unis sépare les hommes mais pas les marchandises. Dans les maquiladoras,sont exploitées par des compagnies internationales des femmes, mains d'oeuvre docile et bon marché. "Nom de Dieu, ce n'était même pas le monde de Zola, au moins il y avait les corons. C'étaient plutôt Les Misérables , d'Hugo Ou mieux encore , le monde ouvrier du dix-neuvième siècle décrit par Dickens, avec ses grisettes jetées dans la prostitution par des maquereaux qui les ramassaient dans des bals populaires.
Il y avait même un Jack l'Eventreur. ou plusieurs."
Cinquante femmes ont été en effet retrouvées assassinées, violées et mutilées à Ciudad Jùarez, ville frontière . Un journaliste madrilène, Toni Zambudio mène l'enquête dans un pays avec qui il a des comptes à régler et où bientôt chacun va s'employer à le renvoyer chez lui, avant qu'il ne soit trop tard...
Patrick Bard se base ici sur des fait réels et démonte les rouages de la double oppression dont sont victimes les femmes: en tant qu'ouvrières mais aussi en tant que "marchandise sexuelle".
On cherche en vain une lueur d'espoir et l'on suit, estomaqué, les rebondissements de l'enquête dans une atmosphère saturée de violence et de chaleur. Une oeuvre dense et nécessaire.
un grand merci à Fashion pour l'envoi !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : la frontière, patrick bard, je ne mettrai jamais les pieds au mexique
04/02/2009
Une enfance enchantée
"Je me pris d'amitié pour ces scorpions.C'étaient, somme toute, des animaux plaisants, sans prétention et qui avaient des moeurs charmantes.", ainsi parle le jeune Gerry Durell, 10 ans, qui est prêt à se lier d'amitié avec tout ce que la nature compte d'habitants à poils ou à plumes , chiens , pies, hiboux, albatros, insectes et autres reptiles qu'il observe avec passion dans la nature édénique de Corfou, mais aussi qu'il rapporte à la maison, occasionnant quelques catastrophes mémorables."-Cette maison est un enfer, je vous assure. il n'est pas un coin qui ne fourmille de bêtes malintentionnées prêtes à se jeter sur vous. Un geste aussi simple, aussi inoffensif que celui d'allumer une cigarette est plein de risques. D'abord, j'ai été attaqué par un scorpion, une bête hideuse qui a répandu du venin et des petits partout. Puis ma chambre a été saccagée par des pies. Maintenant il y a des serpents dans la baignoire et des bandes d'albatros volent autour de la maison avec des bruits pareils à ceux d'une tuyauterie défectueuse.
-Larry, mon chéri, tu exagères, dit Mère souriant vaguement aux invités."
Voilà résumée en quelques lignes la tonalité de ce récit si délicieusement anglais, où une famille d'excentriques s'installe à Corfou pour fuir la grisaille britannique et ne cesse de déménager pour loger les invités trop nombreux du fils aîné ou au contraire fuir l'arrivée d'une parente envahissante ! Évidemment, sur place ils vont se lier d'amitié avec des personnages tout aussi pittoresques et sympathiques qu'eux, amis que le jeune Gerry va observer avec autant de zèle que ses insectes favoris. On ne sait quel animal ou quel humain préférer , tant ils nous font rire (attention livre à ne pas lire en public, sous peine de passer pour une folle dingue !) et jamais des bébés perce-oreilles n'auront été aussi attendrissants que présentés par Gerald Durrell : "Mais c'était une belle couvée de jeunes perce-oreilles, , tout petits, fragiles, comme sculptés dans l'ivoire.(...) C'était un spectacle qui réchauffait le coeur (...) Ma famille merveilleuse s'était dispersée à travers le jardin.Plus tard, je revis un des bébés. il était naturellement plus gros, plus brun et plus fort mais je le reconnus tout de suite. Il était roulé en boule dans un labyrinthe de pétales de roses , en train de faire un somme, et, quand je le dérangeai,il leva ses pinces avec irritation. J'eusse aimé croire que c'était un salut, un joyeux accueil, mais j'étais honnêtement obligé d'admettre que ce n'était que l'avertissement d'un perce-oreilles à un ennemi en puissance. Je l'excusai pourtant. Il était très jeune, après tout, la dernière fois que je l'avais vu." Autant de bonne volonté ne pouvait que me plaire et je suis tombée follement amoureuse de ce livre, l'emmenant partout avec moi, grappillant quelques lignes chaque fois que c'était possible, le cornant éhonteusement quasiment à chaque page, me régalant des descriptions sensuelles de la nature de Corfou et me réchauffant le coeur !
Un livre à conseiller aux dépressifs !
Ma famille et autres animaux. Gerald Durrell. Gallmeister qui pour une fois a troqué la sobriété de ses couvertures pour un orange pétant !
03/02/2009
"Puisque tu poses la question, je crois que la sieste c'est fini pour moi."
Dans la première nouvelle qui donne son titre au recueil, Le crépuscule des superhéros, Deborah Eisenberg nous peint en une soixantaine de pages le basculement irrémédiable qu'ont constitué les attentats du 11 septembre 2001: "Terminé le festival du gaspillage nonchalant, le coeur sur la main."
Désormais les héros privilégiés de ses nouvelles savent que tous les avantages que leur procuraient leur famille, leurs relations (appartements confortables sous-loués, travail intéressant et bien payé, visite guidée d'un pays idyllique) ne leur sont pas acquis, mais juste prêtés car comme l'indique le titre d'un autre texte "le ver est dans le fruit".
Les superhéros sont en train de se "disloquer,de battre l'air des bras, avec tous les rouages et les leviers qui se brisent et se détachent.". Les amis , la famille, tous peuvent être touchés par la maladie mentale, la violence, la pauvreté, ou rattrapés par un scandale et nous aurons beau tourner la tête , les journaux, la télévision ou les chauffeurs de taxi nous rappelleront toujours ce que nous feignons de ne pas voir , ne pas entendre.
Un seul récit, "la fenêtre" ne se déroule pas dans un milieu favorisé mais là aussi, le rêve le plus humble va rapidement tourner à l'aigre.
Deborah Eisenberg, avec son style très elliptique, nous plonge souvent dans une douce et plaisante confusion . Il faut accepter de remplir les vides,d'établir les liaisons que les esprits sur la même longueur d'ondes n'ont pas besoin d'effectuer ou de se laisser flotter au gré de ses portraits pleins d'acuité .
Un grand merci à Cuné pour l'envoi !
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : le crépuscule des superhéros, deborah eisenberg
02/02/2009
Un peu de soleil...
Un mur hérissé de tessons de bouteilles sépare deux jardins: celui de la mère d'un petit garçon qui à deux ans ne parle ni ne marche , celui de leur voisin, qui, l'été, reçoit son jeune fils turbulent.Jamais ils ne seront nommés, créant ainsi une atmosphère à la fois étrange et poétique.
Dans la touffeur estivale de Cagliari, la jeune femme joue avec l'idée de suicide pour "échapper aux difficultés de vie" mais , petit à petit, les tessons disparaîtront du mur pour faciliter le passage entre les deux jardins, entre ces deux univers entre ces êtres à la recherche d'un peu de tendresse et de sensualité...
En une cinquantaine de pages je me suis réconciliée avec l'oeuvre de Milena Agus car ce texte, faussement simple, est une bulle chatoyante qu'on a envie de souffler vers ses amis...Et pour trois euros, ce serait vraiment dommage de s'en priver !
Mon voisin, Milena Agus. Liana Levi, Piccolo.
l'avis de Leiloona
Celui de Bellesahi.
06:02 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : milena agus, mon voisin, bulle de tendresse
01/02/2009
"Pas noté, pas acheté."proverbe cathulien
A grands coups de rasades de tisanes déstressantes (merci Cath) et de carrés de chocolat (merci Fashion), je chemine cahin-caha sur le chemin de l'ataraxie, chemin étroit et qui plus est, tout hérissé de Kévin (c'était l'année des K il y a 16 ans), de Steve et autres Jason (non, je n'enseigne pas dans une classe européenne, la prof d'anglais vous le confirmera, mais dans un établissement dont les élèves sont sous perfusions de feuilletons américains dès le ventre de leur mère).
Parfois, comme un fumeur qui engrange les méthodes pour en finir avec le tabac, ou une gourmande qui collectionnerait les régimes, je me jette avec férocité sur un livre de développement personnel, surtout quand, comme celui-ci, il utilise un mot que j'adore : "listes".
De Dominique Loreau, j'avais déjà lu il y a quelques années, L'art de la simplicité, qui m'avait donné des envies d'armoires et d'étagères vides au moins pendant cinq minutes. Quand on est comme moi une spécialiste de l'entropie, on ne se refait pas mais on peut au moins rêver. J'ai donc récidivé avec L'art des listes, de la même auteure qui vient de sortir au format poche.
Les listes, j'adore ça , comme l'avait déjà démontré ceci. Elles me donnent l'impression de mettre au net les situations, et quoi de plus jouissif que de barrer les éléments d'une liste de tâches ingrates au fur et à mesure qu'on s'en est débarrassé ! Mais là, je dois dire que Dominque Loreau est la reine des listes, elle dresse des listes pour tout , absolument tout,y compris pour se connaître*, des listes de listes, mais nous réconforte au passage: "Une première liste n'est jamais parfaite."Ouf ! je confirme d'ailleurs: ma liste de choses à emporter en vacances évolue en fonction de l'âge des participants et s'allège singulièrement...
Alors, oui j'ai passé un moment agréable , ponctué de citations élégantes, mais pas appris beaucoup de nouveautés: que l'écriture permet de se "laver la tête" des émotions négatives, depuis le temps, on s'en doutait un peu, et je ne suis toujours pas prête à fourrer dans mon sac plein de petites pochettes car le sac extensible à l'infini tout en restant léger et discret, je ne l'ai toujours pas rencontré !
Ce n'est donc pas demain la veille que je pourrai "Simplifier, organiser et enrichir [ma] vie"!qui restera donc un joyeux bazar ! Sur ce , je m'en vais relire Notes de chevet de Sei Shônagon...
* On a intérêt à les planquer, celles-là ! qui sait ce que des mains mal intentionnées pourraient en tirer...
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : l'art des listes, dominique loreau, listes de listes, je chemine vers l'ataraxie
31/01/2009
"J'avance."
taduction toute en sensibilité dDur d'être le gardien de son frère , de veiller à sa sécurité quand il part régulièrement en vadrouille dans les questions les plus improbables ! Petrus en a par dessus la tête, même si parfois il a l'impression de frôler le monde dans lequel évolue son artiste de petit frère, Boniface.
Quant aux parents, si la mère partage la même sensibilité que son cadet, le père lui, est exaspéré par le comportement atypique du petit garçon.Il faudra pourtant que chacun fasse face à la dernière fugue de Boniface,Le jour de toutes les dernières fois, pour que la situation ne s'enkyste pas.Le roman de Martha Heesen traite avec une sensibilité extrême et une apparente simplicité des liens
privilégiés qui unissent les parents à certains de leurs enfants mais aussi des incompréhensions qui peuvent également exister.
Tendu par l'émotion d'un drame dont le lecteur devine très tôt la teneur, , le roman , entrecoupé de retours en arrière qui éclairent progressivement la situation, se déroule sur une journée, ce qui lui confère encore plus d'intensité dramatique. Le narrateur est Petrus,un brave petit gars , qui fait front à la tempête, réelle ou imagée, qui affronte les obstacles avec plus de bravoure et de lucidité que son père, jusqu'à ce qu'enfin sa tâche soit accomplie.
Fausse simplicité vous disais-je car longtemps après avoir refermé ce livre, me sont restées en mémoire des scènes de ce livre qui a obtenu le "Hibou d'or " , prix qui récompense le meilleur roman jeunesse de l'année aux Pays-Bas.
Un roman aussi fin et beau que sa couverture.
Le jour de toutes les dernières fois. Martha Heesen. Editions Thierry Magnier, traduction toute en sensibilité d'Emmanuèle Sandron
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : le jour de toutes les dernières fois, martha heesen, hibou d'or, frères, parents-enfants, différences, préférences
30/01/2009
"Il sortait de prison, elle était décongelée..."
"J'ai gagné le gros lot à la tombola du diable.",déclare Jody, quand elle découvre qu'elle est devenue vampire.Et comme elle est pleine de ressources, faisant fi des difficultés inhérentes à ce type de situation-non prévue dans Cosmopolitan-, elle parvient à survivre et même à tomber amoureuse de Tommy, un apprenti écrivain venu à San Francisco pour crever de faim, étape obligatoire pour tout romancier qui se respecte.
Cette love-story démarre sur les chapeaux de roues, nous balade dans les quartiers chauds de la ville où grouille une faune pittoresque sur laquelle règne et veille un Empereur-clochard céleste- flanqué de deux chiens. Les meurtres se succèdent, donnant ainsi l'occasion à un couple de policiers archétypaux d'entrer en scène.
Accrochez vos ceintures et préparez-vous à hoqueter de rire avec ces Dents de l'amour où Christopher Moore revisite avec son aplomb déjanté habituel le mythe des vampires ! Les répliques hilarantes fusent à chaque instant, "Si elle a survécu à sa mère, elle peut tout endurer."et l'on se demande pourquoi un si mauvais titre( français) et une couverture aussi moche viennent gâcher notre plaisir.
A lire pour se payer une pinte de bon sang !
Un ENORME merci à Cuné pour l'envoi !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : les dents de l'amour, christopher moore, humour, vampires et compagnie
29/01/2009
"j'ai un emploi du temps assez restreint le matin, je dors."
Ouvrir Tout le monde est infidèle c'est se faufiler discrètement dans la pièce où eurent lieu les entretiens entre Françoise Sagan et André Halimi, entendre leurs voix si caractéristiques ,comme s 'ils étaient là à deux pas de nous...
Juste une centaine de pages, qui patinent un peu au démarrage le temps que chacun trouve ses marques mais qui ensuite pétillent et nous livrent un portrait souriant de l'auteur de Bonjour tristesse.
Rien qu'une centaine de pages mais si denses, si riches, qu'arrivé à la fin, on se trouve tout bête et tout déçu de ne pas en avoir plus.
Sagan qui tient beaucoup à sa réputation de dilettante, par souci de ne pas casser les pieds comme tous ces gens qui parlent si sérieusement de leur travail, Sagan qui surprend en affirmant : "Oh moi, dès que je vais à la campagne après Paris au printemps, je me roule dans le foin et j'ai l'air d'une imbécile, je me jette dans la prairie, je respire l'herbe, je fais l'idiote...Ridicule... Il faut dire, il va falloir que j'arrête avec l'âge venant ! " ce qui nous la rend d'autant plus sympathique, et juste après ajoute: "Je n'aime pas tellement l'eau, ce n'est pas mon élément(...) je ne suis pas quelqu'un à eau, d'aucune manière (rires)."
Légère et drôle donc, mais aussi très consciente de ses capacités :Dostoïevsky, Proust "...eux ont du génie, moi j'ai du talent voilà!", se reconnaissant douée pour l'écriture mais ne pensant pas "arriver à cette force de percussion", sans doute car "En fait, il faut être ,je crois, très malheureux pour écrire. Je ne suis pas quelqu'un de malheureux, la vie m'amuse trop." Néanmoins , l'entretien se clôt sur une note mélancolique, à la fois drôle est désespérée, à l'image de Françoise Sagan.
Un texte charmant ( au sens propre du terme) qui éclaire d'une manière très intéressante celle qui est de nouveau sous les feux de l'actualité après avoir fait la une des journaux de son vivant.
Tout le monde est infidèle. Françoise Sagan. Entretiens avec André Halimi. Le Cherche Midi.
06:07 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : françoise sagan, andré halimi, tout le monde est infidèle
28/01/2009
Bonjour, veaux, vaches, cochons, couvées!
Eveillé comme une potée de souris, vous n'êtes pas une tête de linotte et n'allez donc pas oublier de noter sur vos tablettes, le très riche livre de Patricia Vigerie , Quand on parle du loup, qui recense de manière exhaustive les expressions et proverbes contenant des noms d'animaux.

Autrefois paru sous le titre La symphonie animale, je l'avais déjà compulsé en bibliothèque mais avait évidemment perdu ses références.Grâce à la fabuleuse Fashion et au Patounet Swap organisé de main de maître par la pétillante Cuné, j'ai enfin pu me délecter à nouveau de ces expressions imagées si expressives , délicieusement illustrées par des gravures de Grandville.
06:00 Publié dans l'amour des mots, très utiles! | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : quand on parle du loup, patricia vigerie, les animaux dans les expressions de la langue française
27/01/2009
"Et l'on a décidé que ce serait quoi? - Un suicide naturellement."
"De toutes les marionettes de Yonville, c'était pourtant celle qui jouissait de la plus mauvaise réputation et de la plus jolie moustache."
Qui dit Yonville dit Madame Bovary et pour tous les lecteurs de Flaubert cette dernière s'est bien évidemmment suicidée. Mais Philippe Doumenc lance une contre-enquête car des traces de contusions ont été relevées et l'un des deux médecins appelés à son chevet a entendu les derniers mots de la mourante "Assassinée pas suicidée".
Reprenant à son compte le décor, les personnages et l'ambiance du roman initial, Doumenc se joue avec habileté du lecteur (pour son plus grand plaisir ) et trousse avec habileté cette Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary
La Normandie sous la neige de mars ne pourra longtemps dissimuler la boue des secrets bien gardés des petits-bourgeois de Yonville.
Un régal, que l'on ait lu ou pas le classique de Flaubert.
Vient de sortir en poche chez Babel, 187 pages.
de Papillon
de Marie
Du Biblioblog
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : philippe doumenc, contre-enquête sur madame bovary, le charme vénénneux de la normandie sous la neige de mars


