18/06/2008
"Quand tu chatouilles le diable, il t'envoie ses démons."
La narratrice de La main de Dieu vit dans une famille aisée au Liban mais quand sa mère, française, s'enfuit, tout commence à se déliter. La famille paternelle tente de brider cette adolescente de 15 ans pour qui les jeux de l'amour ont beaucoup à voir avec la violence car" Dans mon pays, les rapports d'amour sont semblables à la guerre: partout s'introduire et saccager."
Cette équivalence, malgré la beauté de l'écriture de Yasmine Char,distille une impression de malaise persistant.Une lecture inconfortable donc, et il en faut.
Ce Livre vient d'obtenir le prix Landerneau. (officiel!)
L'avis enthousiaste de Stéphanie
06:03 Publié dans Prix Landerneau | Lien permanent | Commentaires (14)
17/06/2008
"Elle sait ce qui vaut mieux pour moi."
Le postulat de départ, une mère lit le journal intime de sa fille pour tenter d'établir un semblant de communication avec elle, avait de quoi me hérisser. Mais la toute jeune Giulia Carcasi dans Je suis en bois se joue des clichés et traite avec subtilité cette histoire de secret familial que la mère, Giulia, va révéler par lettres à sa fille, Mia.
"Et je m'efforce de les deviner, ces pensées, pour la récupérer, pour la rattraper au lasso et la ramener à moi, mais c'est compliqué;
Compliqué comme de soigner une douleur dont on ignore l'emplacement"
La mère remonte le cours de ses souvenirs et ,en contrepoint de la vie
familiale, nous livre la relation toute en délicatesse qu'elle a
établi avec Soeur Sofia , relation qui lui permet de relativiser tout ce que lui impose sa famille.
Une écriture à la fois forte et poétique, "Je suis une Petite Sirène, je ne suis bien ni sur terre ni dans l'eau, je ne marche pas comme un homme et ne nage pas comme une daurade." qui vous transporte. Une très belle transmission de mère à fille.
Cuné est une magicienne : elle a posté simultanément un billet magnifique et le livre en question qui est arrivé tout droit dans ma BAL ! Comment avait-elle deviné que je tournais autour de ce roman sans oser me décider ?
06:01 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15)
16/06/2008
'"Elle se sentait forte de cette faiblesse qu'on lui attribuait d'office."
Plus qu'un roman sur une musicienne oubliée des musicologues, L'incroyable histoire de Mademoiselle Paradis nous parle de l'infirmité vécue non comme une tragédie mais comme un moyen différent d'appréhender le monde.
Rien en peut expliquer le fait que Maria Thérésa von Paradis soit aveugle et après avoir tout essayé pour la guérir , son père qui la chérit, va la confier aux soins du magnétiseur Messmer.
Ce dernier parviendra à lui faire recouvrer la vue mais pour Thérésa "Voir est une sensation agréable mais ouvrir les yeux sur la vérité des coeurs et des êtres est un spectacle que je préfère oublier. [...]Je préfère retrouver mon monde . Celui où chaque couleur a sa note et chaque intonation sa vérité, où je me sens en charge de mon destin."
Autant l'avouer tout de go: les romans historiques ne sont pas ma tasse de thé mais j'ai pourtant lu d'un traite et avec plaisir le roman de Michèle Halberstadt. Bien que le style en soit très différent, j 'y ai trouvé un écho du texte de Antoni Casas Ros .
Un texte vraiment agréable à lire mais que je risque de ne pas garder en mémoire...
L'avis très enthousiaste de Florinette
06:02 Publié dans Prix Landerneau | Lien permanent | Commentaires (11)
15/06/2008
Bonjour, veaux, vaches, couvées !
Un grand merci à Guillaume pour son opération "Masse critique", aux éditions du seuil et Hachette grâce à qui j'ai reçu deux superbes ouvrages !

06:02 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (10)
14/06/2008
Non, ça va pas.
Le tag de Baratin me donne l'occasion de parler d'un objet littéraire bizarre que Dame Cuné a soumis à mon avis, dans l'espoir de lui trouver une maison d'accueil...
Voici donc la page 123 (ma préférée, je dois bien l'avouer) de ça va ? de Jean-Claude Grumberg : "..................................." ,ad libitum car cet opuscule ne compte que 78 pages soit 78 de trop.
27 dialogues entre deux personnages jamais identifiés Sont-ils les mêmes d'un dialogue à l'autre ? On peut le supposer.
27 dialogues où se dessinent des personnages masculins qu'on devine plutôt âgés, plutôt misogynes, et totalement inintéressants.
Grumberg brode sur le thème de la question purement rhétorique du "ça va "en 78 pages lourdaudes , (on frôle de très près le "comment vas-tu yau de poêle)l à où un savoureux article paru il y a quelques années dans le magazine "Sciences humaines "se révélait nettement plus pertinent. On essaye de se raccrocher aux branches des références connues: Ionesco, l'Absurde du langage mais franchement, devant tant de vacuité, on ferme le livre, consterné.
Pour se consoler on n'a plu qu'à rappeler les règles du tag et à l'envoyer à ... qui voudra !:)
Il s'agit de saisir le livre le plus proche, de l'ouvrir à la page 123, de trouver la 5ème phrase et de recopier les 4 phrases suivantes... Puis de tagguer 5 personnes.
06:03 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés | Lien permanent | Commentaires (8)
13/06/2008
"Ma mère claqua deux bises à mon mari sans aller vomir. Elle n'avait jamais pu le sentir."
Ajoutons pour que la citation prenne toute sa saveur que la narratrice de cette nouvelle trouve que son mari sent la mort...
Le ton est donné, ça fouraille sec, dans La preuve par neuf , neuf nouvelles où Dorine Bertrand donne libre cours à sa fantaisie parfois acide, peignant avec une jubilation sans pareille les rapports de couple, les rapports parents/enfants, quel que soit l'âge de ces derniers, de celui à peine conçu à l'ado rebelle qui troque un déguisement bcbg contre sa panoplie gothique et cultive le goût du suicide : "On voulait tous sauter par la fenêtre seulement la chambre de Tramber, c'est la cave de ses parents."
L'auteure se glisse avec délectation dans les circonvolutions du cerveau de ses personnages , nous les montrant partir en vrille , ainsi cette femme qui croit que son couple est en danger à cause d'une amie trop attirante (mais pour qui? ...)ou celle qui s'astreint à une relation sexuelle hebdomadaire avec son mari pour préserver son couple et ne pas sombrer dans les statistiques du divorce...ça grince, c'est revigorant et ça vient de sortir en poche, pourquoi s'en priver ? !
L'avis de Clarabel.
06:02 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (11)
12/06/2008
"Un livre est l'élément vital et précieux d'un esprit supérieur..."
En 1959, Florence Green, veuve sans histoire, décide d'acheter The Old House, vieille bâtisse à l'abandon depuis plusieurs années, pour créer une librairie, la première de Hardborough, petite ville anglaise assoupie.
Cette décision va mettre en branle toute une série de manoeuvres dissuasives pour contrecarrer cette décision.
L'affaire Lolita , provoquée par la mise en vitrine du roman de Nabokov, ne sera qu'un épisode de cette lutte sourde entre Florence Green et Mrs Gamart qui a jeté son dévolu surThe Old House.
Le roman de Penelope Fitzgerald nous montre avec précision et un charme très british la faculté d'exclusion d'une petite communauté , pas pire qu'une autre.Qui y chercherait un roman sur la création d'une librairie ou sur le scandale créé par le roman de Nabokov ne pourrait qu'être déçu.
L'humour britannique rend cette lecture très plaisante.
06:01 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13)
11/06/2008
Itinéraire d'une enfant pas gâtée
Même si elle a eu une enfance difficile, Madelaine s'accroche à son rêve, se tient droite pour affronter l'adversité et devient une des figures importantes du monde de la couture à Paris. Sa vie personnelle ne sera pourtant pas aussi réussie...
Claire Wolniewicz dans son roman Le temps d'une chute fait ainsi défiler sous nos yeux le XXème siècle, scandant son évocation des modèles imaginés et des couleurs choisies par son héroïne. On devine au passage que Madelaine emprunte certaines idées à Sonia Rykiel (les coutures sur l'endroit) on croise quelques grands noms de la couture et le récit avance à grandes enjambées de 1921 à la Seconde Guerre Mondiale ,de la conquête des droits des femmes jusqu'à nos jours .
Tout cela est bien trop rapide, à peine a-ton le temps de s'attacher à un personnage qu'il disparaît déjà ...Un roman agréable à lire mais qui ne laisse aucune impression durable. Dommage car j'avais bien aimé le recueil de nouvelles Sainte Rita patronne des causes désespérées
06:03 Publié dans Prix Landerneau | Lien permanent | Commentaires (9)
10/06/2008
"Le destin m'a fait le cadeau de me tuer très tôt pour que je commence à vivre."
Celui qui parle ainsi, nous le découvrirons progressivement, est Antoni Casas Ros. Défiguré à la suite d'un accident, le narrateur vit retiré du monde et réfléchit sur la solitude, la différence, le désir et cherche à découvrir s'"il ya une fête au centre du vide."
Le théorème d'Almodovar, roman de Antoni Casas Ros, est à la fois un roman qui s'écrit sous nous yeux, un texte où vont se glisser un transsexuel, un cerf, et le cinéaste Almodovar. Chacun à sa manière vont lui permettre d'évoluer,d'apprivoiser sa différence. Réalité, fantasme ? Peu importe ! Passé le barrage du premier paragraphe, nous entrons dans un univers à la fois déroutant et fascinant. Beaucoup de lucidité, pas une once de complaisance, quelques pointes d'humour "...La chirurgie réparatrice n'a pu enlever à mon visage son style cubiste. Picasso m'aurait haï car je suis la négation de son invention(...) Je suis une photo bougée qui pourrait faire penser à un visage."
A chaque page ou presque, une réflexion à souligner, un passage particulièrement juste sur la mort, les oeuvres d'art et leur puissance révélatrice...Une écriture à la fois aiguë et poétique: " Ecrire comme un guerrier pourfend le ciel en sachant qu'il coupe des mots, sectionne des liens douteux, remet en évidence la nudité extrême de l'être."
Une écriture puissante dont l'écho résonne longtemps après que nous ayons refermé le livre.
06:01 Publié dans Prix Landerneau | Lien permanent | Commentaires (15)
09/06/2008
"C'est l'école de la sénilité ici !"
Ambiguïté du titre d'abord : Nous vieillirons ensemble qui peut à la fois se voir comme une référence optimiste au titre du film de Pialat Nous ne vieillirons pas ensemble (où le couple interprété par Marlène Jobert et Jean Yanne se déchire) mais aussi comme une sentence implacable, les pensionnaires de la maison de retraite Aux Bégonias n'ayant pas de possibilité de sortir vivants de ce huis-clos à perpétuité...
Une journée dans une maison de retraite voilà ce que nous propose de départager le roman de Camille de Peretti. Unité de temps et d'action donc mais une multitude d'histoires, drôles, touchantes ou acides qui nous sont dévoilées avec une grande justesse de ton. Ni misérabilisme ni optimisme forcené. C'est avec plaisir que nous retrouvons le personnage à la fois fantasque et tragique de Nini, la marraine de Camille.
Visiblement Camille de Peretti connaît bien le monde des maisons de retraite et écrit avec pertinence et sensibilité sur le dur métier d'infirmière : "A l'école, on leur apprenait "l'accompagnement en fin de vie. A l'hôpital, on leur apprend à remplir des papiers administratifs. Caser les malades, cocher les morts. (...) Elle a presque hâte de perdre sa douceur et sa sensibilité."
Pour la structure, l'auteure a choisi de se référer aux contraintes suivies par Georges Perec dans la Vie mode d'emploi, nous en donnant le cahier des charges à la fin du roman.
Point n'est besoin de s'y référer pour apprécier le tour de force de Camille de Peretti : avoir su donner de la chair et de l' âme à ce qui chez Perec tenait davantage de l'exercice de style.Un beau roman tendre et cruel .
06:10 Publié dans Prix Landerneau | Lien permanent | Commentaires (18)


