19/09/2007
"Tu ne dois pas mourir , Emma !"
Elisabeth Combres dans La mémoire trouée réussit le pari délicat de nous faire comprendre au plus près des victimes le génocide qui s'est déroulé au Rwanda en avril 94.
S'inspirant de rencontres et de témoignages, l'auteure a su nous faire partager le parcours d'une petite fille ayant échappé au génocide, qui se retouve sans famille et qui , recueillie par une vieille femme Hutu, ne peut avancer dans la vie, freinée qu'elle est par son absence de passé.
La rencontre d'autres personnages eux aussi victimes ,mais de manières différentes ,de cette folie meurtrière organisée l'aideront à remonter vers la lumière .
Avec énormément de délicatesse,sans sombrer dans le pathos, Elisabeth Combres nous offre une approche à la fois sensible et informée du génocide Rwandais.
Un livre nécessaire.
06:50 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (14)
18/09/2007
"Il y a toujours un enfer au-delà de l'enfer"
11 nouvelles de genres très différents (polar, thriller, humour noir...) pour aborder l'univers de Brigitte Aubert dans un petit livre au format original.
Scènes de crime donc mais surtout mises en scène de nos cauchemars les plus effrayants , surtout quand on est parents d'enfants ou d'ados...
L'auteure joue avec nos nerfs et les objets et les lieux les plus banals prennent une dimension effrayante.
J'avoue ne pas avoir réussi à terminer "L'antre", parce qu'il appuie juste là où ça fait mal. D'autres textes m'ont par contre fait jubiler Car Brigitte Aubert jongle avec les clichés pour mieux les réduire en poussière, dans "L'ascenseur" par exemple. Croquemitaines modernes (la dévoration revient à plusieurs reprises dans ces textes) ,serial killer surprenant, Brigitte Aubert manie l'humour glacé,juste le temps de nous laisser reprendre notre souffle , pour mieux nous le couper quelques pages plus loin.
Les ados qu'elle peint sont souvent effrayants par la banalité avec laquelle ils considèrent la violence et la dernière histoire qui m'a rappelé un fait-divers particulièrement horrible qui s'était déroulé en Grande-Bretagne, se clôt par une pirouette qui nous fait osciller entre la jubilation et l'horreur.
Un petit (par la taille) chef d'oeuvre à déguster toutes les lumières allumées.
L'avis de Clarabel
06:30 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (20)
17/09/2007
Les bandes-son de nos vies
Un nouveau Juke-Box vient de sortir. Recueil de nouvelles écrites par des auteurs différents ayant comme point commun la musique et l'influence qu'elle peut voir sur nos vies.
Kéthévane Davrichewy (quels nom et prénom superbes!) sur fond de Joe Dassin écrit un texte espiègle sur l'image que l'on veut donner de soi quand on est ado (mais pas seulement!), Marie Desplechin nous raconte une adolescence dans les années 70 , adolescence qu'on peut supposer proche de la sienne,vision chaleureuse mais se terminant sur une note plus grave...
Christophe Honoré se penche , un peu platement, j'ai trouvé , sur le phénomène de la starification à tout crin. Nathalie Kuperman nous fait entrer dans l'univers d'une bouchère raide-dingue de France Gall, le tout pour le plus grand malheur/bonheur de sa fille.
N'aimant pas les contes, je ne suis pas du tout entrée dans celui de Martin Page évoquant le lien musique/rébellion.
Plus contemporaine, la nouvelle de Chloé Mary suit la structure d'un album de 68 tout en s'éloignant du contenu. Si je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire, émaillée de citations en anglais (heureusement traduites), j'ai admiré le style de cette auteure que je ne connaissais pas.
Des nouvelles donc pour se replonger dans le monde de l'adolecence mais aussi pour patienter en attendant des oeuvres d'auteurs déjà connus (Desplechin, pour moi)et aussi pour en découvrir d'autres ( Chloé Mary et Kéthévane Davrichewy).
Attention , après la lecture de certains textes, difficile de se sortir de la tête certains refrains !
06:05 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (18)
14/09/2007
Fantômes
En attendant de recevoir le roman de Maïté Bernard que j'ai commandé,j'ai patienté en empruntant à la médiathèque sonpremier roman, Fantômes.
Après avoir vécu six ans avec Benoît avant de l'épouser, Lisa se retrouve seule le lendemain de ses noces. Aidée par un frère et un ex opportunément dans la police, ainsi que par une fenêtre, opportunément laissée ouverte, elle va remonter la piste de son époux disparu et se rendre compte que le passé, en l'occurence ce qu'on appelait à l'époque "les événements d'Algérie" continuent à avoir des répercussions sur son présent.
Cette quête m' a laissé des sentiments mitigés. Autant j'ai aimé le style de l'auteure et sa manière de revisiter l'histoire de la décolonisation algérienne ,autant j'ai été sérieusement agacée par son héroïne.
Qu'elle soit narcissique , d'accord ,mais qu'elle soit sans cesse en train d'espérer le regard des autres devient à la longue exaspérant. Elle a fortement conscience d'incarner des stéréotypes et d'en jouer pour mieux manipuler ceux qu'elle croise mais cela ne s'arrête jamais. A la fin ,j'en arrivais à croire que Benoît, ce n'était pas le fait que son père soit lié aux troubles algériens des années 60 qui l'avait fait fuir mais l'attitude de son épouse !
Il n'en reste pas moins que l'héroîne a de l'énergie a revendre et que le style pêchu de Maïté Bernard m 'a totalement conquise.
06:31 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (18)
13/09/2007
11 petits Indiens
Comme dans le classique d'Agatha Christie 10 petits nègres, les héros de Saveurs assassines vont se retouver coupés du monde pendant quelques jours et...les meurtres vont pouvoir commencer !
Ajoutez à cela un problème de chambre close comme celui du Mystère de la chambre jaune, relevez d'une kyrielle de plats indiens fortement épicés qui font saliver, de personnages variés et hauts en couleurs réunis pour passer un week-end de rêve (qui va bien évidemment tourner au cauchemar), une retraitée de la police flanquée d'une nièce apprentie écrivaine et vous obtiendrez un savoureux roman dont l'intrigue n'est pas forcément l'élément le plus intéressant .
Kalpana Swaminathan prend le temps de mettre en place ses personnages, les croquant avec jubilation, le rythme d'abord un peu lent au départ s'accélère ensuite et l'on se confronte avec bonheur à une civilisation riche et variée.La cuisine étant un des éléments les plus importants, nous apprenons même à confectionner une mayonnaise en utilisant de la glace, nécessaire, vu le climat !
Des problèmes,ceux des femmes mariéesou non, des réfugiés des Pakistans, sont effleurés,l'heure n'étant pas à la gravité mais libre à nous de les approfondir...
"Ce soir,je voulais qu'on mange avec ses doigts, comme des gens civilisés,mais Hilla tenait à l'argenterie. [...].Moi aussi je déteste quand la table ressemble à un chariot de salle d'opération"
Humour et émotion,le cocktail est réussi et on attend avec impatience la suite des aventures de miss Lalli !
De quoi se détendre agréablement entre deux "pavés".
06:43 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (21)
12/09/2007
Chienne de vie !
Ah, elle n'était pas facile la vie à la campagne pour les chiens , surtout durant la seconde guerre mondiale. Elle n'était pas facile non plus pour le petit Claude,tiraillé entre une mère, qui ressemble plus à celle de Jules Vallès ou à celle de Poil de carotte qu'à une maman affectueuse ,et un père rebuté par la vie aux champs et rebelle à tout embrigadement...
Pris dans le feu de leurs affrontements verbaux,le gamin en était donc réduit prendre le relais et à faire le seul boulot qu'aucun d'eux ne voulait assumer...
Heureusement, il y avait Rita , la chienne bonasse et bonne à rien sauf à adoucir la vie de l'enfant. Les deux étant englobés dans une sorte de fatalisme quant à leur destin: "A la longue tout le monde s'était fait une raison sur elle. On avait capitulé, question amélioration...Sur moi aussi-je grandissais".
La chienne de ma vie est donc le récit d'une amitié entre un chien et un enfant mais aussi le portrait encreux d'une enfance cabossée. Claude Duneton ne nous présente pas un portrait idyllique , il ne nous cache pas la trahison ni l'éloignement, mais son récit plein d'une émotion retenue saura vivre longtemps en nous.
L'avis de Clarabel
06:01 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (19)
11/09/2007
"Un homme qui se refuse à la vie"
Loin des romans américains formatés,le premier roman policier de Françoise Guérin, A la vue , à la mort se joue des conventions du genre et fait éclater la structure classique : mise en place, meurtre,enquête.
Quand le récit commence, deux meurtres ont déjà eu lieu mais l'événement le plus important est sans conteste que le Commandant et profileur Lanester, chargé de l'enquête ,est devenu soudainement aveugle.
Cette cécité n'ayant aucune cause pathologique, Lanester va entreprendre, bon gré ,mal gré, une enquête sur lui même en commençant une analyse, tout en poursuivant le meurtrier en série qui a la charmante habitude d'énucléer ses victimes.
Rien de gore dans cette double enquête passionnante où l'on apprend au passage des trucs utilisés par les aveugles ainsi que quelques rudiments d'une technique de combat (ça peut toujours être utile). Autour de Lanester,évolue toute une faune de personnages pittoresques, que paradoxalement, ill n'apprendra à regarder que quand il sera aveugle...
Françoise Guérin écrit de manière fluide et nous fait partager son amour des mots. Elle a su créer un univers et faire exploser les clichés du genre, c'est sans doute pour cela que son livre a remporté le prix du premier roman du festival de Cognac !
Le site de l'auteure
L'avis de Cuné
06:16 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (16)
10/09/2007
Ah , mais lis vite !
Amélie donne des cours de français qui se transforment vite en amitié amoureuse...Amélie dévale à toute allure la pente du mont Fuji, possédée par l'esprit de Zarathoustra...Amélie ,devant des invités mutiques ,donne une simili conférence sur les bières belges pour le plus grand bonheur de ses "interlocuteurs"...
Amélie Nothomb nous entraîne à toute allure dans ses aventures japonaises et n'est jamais aussi en forme que quand elle nous parle d'elle, ne nous épargnant ni ses enthousiasmes délirants ni les situations embarrassantes dans lesquelles elle se retrouve."Je jubilais. Non, Yamamba,je n'ai pas l'âme d'une soupe, je suis une vivante et je le prouve, je détale,tu ne sauras jamais comment je suis mauvaise à manger". Amélie jubile et nous aussi.
Ni d'Eve ni d'Adam , dont la majeure partie se situe avant ses hilarantes aventures de Stupeur et tremblements nous relate aussi et surtout comment un jeune Tokyoïte, aussi bizarre quelle mais dans un autre genre ,est tombé amoureux de notre auteure belge préférée ,et l'on se régale oscillant entre le sourire et l'émotion.
Merci à Cuné de m'avoir fait la surprise de me le prêter !
06:23 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (24)
09/09/2007
Un test !
Trouvé chez Papillon
What color is your soul painted ?
Green
Your soul is painted the color green, which embodies the characteristics of youth, wealth, vigor, aggression, coldness, jealousy, greed, corruption, sincerity, hope, growth, stability, money, luck, prosperity, fertility, cooperation, employment, and healing. Green falls under the element of Earth, and symbolizes our planet's fertility as well as life itself.
En tout cas si mon âme est verte, ma main, elle, ne l'est pas ....
08:09 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (21)
07/09/2007
Les nouvelles femmes de Stepford ? *
Le roman de Rachel Cusk commence par un long travelling très maîtrisé qui survole la banlieue résidentielle d’Arlington Park, non loin de Londres .Le décor est planté , placé sous le signe d’une pluie obstinée et agressive, presque voyeuriste,instaurant d’emblée un vague sentiment de malaise.Unité de lieu donc,Arlington Park,ses"bonnes "adresses et les autres ,où le mal est tenu à distance (le terrorisme est à Londres)mais où les allusions à l'enlèvement d'une petite fille qui reviennent en leitmotif signalent qu'il rôde quand même...
Unité de temps,vingt-quatre heures dans la vie de femmes au bord de la crise de nerfs , voilà qui donne un cadre au roman.
L’auteure s’intéresse donc à des habitants de cette banlieue, leur consacrant successivement un chapitre,en se focalisant davantage sur celles qui sont l’âme de ce lieu déserté la journée par les hommes.
Ces femmes dont une seule travaille (à mi-temps dans un lycée de filles) vont nous livrer leurs pensées les plus intimes, parfois mélancoliques,parfois pleines de ressentiment,l'une d'elle ayant le sentiment qu'elle a été assassinée par son mari, au demeurant le plus charmant des hommes, sorte de saint laïc. Elle se sent "lourde" , "pleine du dépôt des jours gâchés", une autre, sorte de Bree van de Kamp, se rendra comptedel'image qu'elleprojette et qui n'est pas forcément celle qu'elle espérait.
D'autres ,au contraire se rassurent en disant que le confort dont elles profitent, elles l'ont bien mérité même si la seule escapade quelles s'accordent est une virée au centre commercial le plus proche... Centre commercial où elles vont croiser celels qu'elles auraient pu devenir,du moins pour certaines d'entr'elles : des filles de seize ans déjà mère de famille.
Les enfants,les leurs et ceux des autres, sont bien sûr au coeur de leurs réflexions mais c'est surtout sur elles mêmes,qu'elles se penchent, sans indulgence, essayant d'être au plus près de leurs vérités.
"C'était un endroit dangereux où vivre, une famille: aussi tumultueux que la pleine mer sous un ciel traître, avec ses allégeances passagères, ses rafales de cruauté et de vertu, ses grandes vagues d'humeur et de mortalité, son incessante alternance de tempête et de bonace" (p. 228). Ou bien encore
"C'est ici que Maisie se sentait le plus éloignée de ses aspirations, voyait son mari et ses enfants comme les étrangers qu'ils étaient de temsp à autre. C'est ici qu'elle sentait le plus souvent qu'il étaient dans une pièce de théâtre,et que ce n'était pas une pièce de théâtre qu'elle appréciait"(p.214).
L'auteure ne stigmatise pas pour autant les hommes,ils sont souvent palins debonen volonté et mettent volontiers lamain ) la pâte.
L'auteur se moque comme d'une guigne du politiquement correct, les hommes, la famille et les valeurs de la plus ou moins petite bourgeosie sont joyeusement passées à la moulinette, le tout avec un style sensible, imagé et puissant. Rachel Cusk sait créer son propre univers et j'attends déjà avec impatience la traduction de ses autres romans. Une vraie auteure.
* Roman d'Ira Levin dans lequel des femmes tout à fait normales au départ se transforment mystérieusement en parfaites petites ménagères pour le plus grand bonheur de leurs époux....
La critique de Clarabel
06:09 | Lien permanent | Commentaires (19)