30/04/2008
Reykjavik est tout petit...
Pendant qu'il te regarde tu es la Vierge Marie, comment ne pas craquer avec un titre pareil ? ! Et quand en plus l'auteure s'appelle Gudrùn Eva Minervudottir (ce que j'interprète-faussement sans doute- mais je m'en fiche, laissez-moi mes illusions- comme "la fille de Minerve") et qu'elle est islandaise, je me rends pieds et poings liés !
Mais bon,trêve de bavardages, allons plus avant.
Reykjavik, capitale de l'Islande, est d'après l'auteure une ville toute petite où l'on croise toujours les mêmes personnes. A lire les 20 nouvelles composant ce recueil, on veut bien la croire car une certaine parenté se tisse entre les différents narrateurs, créant une continuité très fluide.
Même jeunes adultes, ils ont gardé un pied en enfance,vivent souvent au troisième étage, mangent du pain avec du fromage ou du pâté de foie et évoluent dans des appartements quasi vides et très lumineux.
Leur langage est subtilement décalé, tour à tour poétique ou teinté d'humour "Tu ne veux pas m'embrasser comme la faim embrasse le pain ? ", subtilement en porte à faux avec la réalité.
On frémit quand de jeunes enfants sont confrontés à des adultes , tant l'auteure est habile à susciter un climat perturbant...
Les titres des nouvelles sont tous dans la tonalité de celui du recueil, voici mes préférés : "Le bouquet de mariée était plein de pucerons", "Parce que je t'ai embrassé ce matin au moment où tu refermais ta conscience derrière toi" ou bien encore "J'espère que tu étoufferas dans les rideaux de velours caca d'oie de ta mère".
Beaucoup de fraîcheur dans ce livre dévoré d'une traite, et dont on pourrait dire qu'il "rayonne comme les personnages des images pieuses". On sort de cette lecture le sourire aux lèvres et avec une folle envie de faire un tour en Islande...
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29/04/2008
Sister act ?
La guerre des légumes , titre français choisi pour traduire Big fat Love, de l'irlandais Peter Sheridan n'est pas du tout approprié car il met l'accent sur une intrigue secondaire-cousue de fil blanc- du roman , celle concernant un épicier et une épicière ennemis depuis des décennies.
Non, l'histoire principale met en scène Philo, 120 kilos, arborant des tatouages, mère de famille nombreuse qui, battue par son mari, vient trouver refuge dans un couvent de Dublin.
Choc des cultures, truculence des personnages, voilà pourquoi j'attendais avec impatience la sortie de ce roman en poche.
Au final, grande déception, la psychologie des personnages m'a paru hasardeuse et quant à l'héroïne elle ne m'a semblé ni crédible (se laisser battre quand on a un caractère bien trempé et une apparence de Viking comme il est écrit dans le roman...).
En outre, j'ai trouvé sa susceptibilité plutôt mal placée : même si on voit qu'elle aime ses enfants, elle les a quand même bel et bien laissés à l'orphelinat deux fois, même si elle refuse de prononcer le mot commençant par un A(bandon).
Bref, ce roman m'a plutôt énervée !
L'avis plus enthousiaste de Solenn
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28/04/2008
"C'était un petit jardin..."
Une famille pittoresque habite un reste de campagne au bord d'une ville : un père réparateur d'objets usagés, une mère qui fume des cigarettes virtuelles et ne jure que par le énième épisode de son feuilleton préféré, un fils aîné fou de foot, le plus jeune de sa prof de maths (!), un grand-père qui danse avec un fantôme et surtout l'héroïne qui donne son titre au roman de Stefano Benni : Margherita Dolcevita.Margehrita, quinze ans, quelques kilos en trop, un coeur cahotant mais de l'esprit à revendre.
Tout ce petit monde vit en parfaite harmonie jusqu'à l'arrivée de nouveaux voisins, trop charmeurs pour être honnêtes...
Aidée de son petit frère, Eraclito, Margherita va mener l'enquête et essayer de préserver ce à quoi elle tient le plus.
J'ai été emballée par ce livre qui emprunte la forme policière mais se situe à la croisée de la poésie, de la fable et qui est bourré d'humour.
On pouvait s'attendre au pire car souvent tant de personnages pittoresques s'agitent en vain, tels des marionnettes. Cen'est pas le cas ci car il y a une réelle structure narrative et parce qu'on s'attache aux personnages.
Mon chouchou ? Bien évidemment le chien Roupillon, "L'un des plus mystérieux composés arcimbaldiens de la nature" dont je vous laisse découvrir la description savoureuse page 13, chien qui s'appelle ainsi car il souffre de narcolepsie hystérique. "Vous voulez connaître d'autres mystères de mon chien ? Eh bien, j'ajouterai qu'il émet des pets silencieux et perfides puant comme le souffle d'une baleine qui a bouffé du plancton avarié, des sardines pourries et des culottes de Marathonien". Toute ressemblance avec un chien de ma connaissance etc.
Trêve de plaisanterie, cela faisait longtemps que j'avais lu un roman italien et je me suis ré-ga-lée !
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25/04/2008
Vies volées
16 ans. Esme Lennox a 16 ans quand elle est enfermée dans un asile psychiatrique. Elle en sortira 60 ans plus tard, de nos jours, non pas réclamée par sa famille, qui l'a oubliée, mais parce que l'établissement ferme ses postes.
Elle va être recueillie par sa petite nièce, Iris, qui , intriguée par ce silence familial , va tenter de renouer les fils du passé.
Maggie O'Farrell peint avec acuité l'histoire de cette famille bourgeoise typiquement britannique qui, dans les années 30 quitte l'Inde pour revenir dans les brumes et l'humidité écossaise, afin de nier un drame qui s'y est déroulé...Premier traumatisme pour Esme ,pleine de sensibilité et de vitalité, qualités qui font tâche pour ses parents et sa soeur tant aimée mais si raisonnable, Kitty.
Esme refuse de rentrer dans le moule, ce qui causera en partie sa perte...
Voix de la soeur aînée, atteinte de la maladie d'Alzheimer, qui a oublié ce qu'est une cuiller mais se souvient parfaitement du passé par bouffées libératrices, souvenirs d'Esme s'entremêlent pour tisser l'explication de L'étrange disparition d'Esme Lennox, sans que jamais le lecteur ne se perde.
Avec une extrême sensibilité Maggie O'Farrell montre le destin de ces femmes , broyées par la société pudibonde et corsetée du début du XXème siécles, femmes que deux simples signatures pouvaient enfermer à jamais.
Le lecteur suit, le coeur serré les rebondissements de l'histoire et ,trompé par l'écriture "voilée" de l'auteure , croit qu'il en sait plus qu'Iris, jusqu'à ce qu'il soit obligé de relire l'antépénultième page pour être sûr d'avoir bien compris l'horreur indicible et libératoire...
A lire de toute urgence.
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24/04/2008
"Posture, Ailsa, posture !"
Baby-boomers, Ailsa , la flamboyante féministe et Humphrey le "démodé, confortable, honnête" professeur de biologie marine se rendent, chacun de leur côté dans une université située au bord de la mer du Nord, université qui va les mettre à l'honneur.
Dès l'enfance, leurs destin se sont noués au bord de cette mer "où il faut être fous pour se baigner " mais qu'ils adorent. Tout au long d e leur vie, ils auront connu des rivages plus cléments mais des parcours plus agités...
Ce voyage leur donne l'occasion de revenir sur leur passé commun ou non, tandis que dans le récit intervient un mystérieux orateur public qui semble tirer les ficelles...
réflexion tendrement teintée de mélancolie, La mer toujours recommencée nous montre que l'enfance et ses blessures vivent toujours en nous , même dans nos corps de sexagénaires, et que l'intranquillité n'est pas l'apanage de l'adolescence.
L'écriture superbe de Margaret Drabble charrie les métaphores marines,écriture tour à tour malicieuse et pleine d'empathie pour ses personnages tiraillés entre ambition et lucidité. Un charme insidieux.So british.
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21/04/2008
Post-it
"Parfois on dirait que c'est plus facile de poser les questions par écrit pour te demander comment tu vas et comment ça se passe avec le médecin, tout ça".
Claire, quinze ans écrit cette remarque sur un des post-it, qui constitue l'échange de "correspondance" qu'elle entretient avec sa mère très(trop) occupée par son travail, sa mère qui l'élève seule depuis le divorce.
Si au début,le quotidien apparemment sans importance apparaît( listes de courses, demandes (pressantes) d'argent de poche), c'est finalement toute une vie qui se devine par pointillés, une vie qu'il nous faut reconstituer, une vie qui devient de plus en plus précieuse quand la maladie fait son apparition...
Life on the refrigerator door , traduit en français par le plus sentimental Ne t'inquiète pas pour moi, de la canadienne Alice Kuipers, a donc une forme originale, cet échange de post-it, qui m'a vraiment intéressée. Franchement je craignais le pire quant au contenu mais l'auteure ,si elle frôle de justesse le pathos à la toute fin du livre, si elle aborde le cancer d'une manière très américaine (groupes de soutien), nous montre aussi les relations cahotiques entre une mère qui se bat contre la maladie et une fille tiraillée entre ses amours débutantes et les besoins maternels. Rien n'est idéalisé,la mère jette un regard en arrière qui n'a rien de bien optimiste et la fille utilise son père comme solution de repli...
Un livre touchant , qui se lit très vite, trop peu être si l'on compare le nombre de pages et le prix... A noter qu'il existe avec deux couvertures différentes (par leur couleur uniquement), suivant qu'on le trouve en collection adulte ou ado.
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09/04/2008
aquarelle
Par petites touches, dans une langue très poétique et jamais démonstrative, Wtaya Risa évoque le temps de l'adolescence.
Son héroïne, refuse de se laisser absorber par un groupe quelconque : "Je n'aime pas être laissée de côté, comme un rebut, mais ces groupes, je déteste cela encore plus. A peine sont-ils constitués que déjà il faut colmater les brèches." Son regard acéré sera néanmoins attiré par un autre "mouton noir", jeune qui vit quasiment en autarcie dans sa chambre et qui n'a d'yeux que pour une baby-doll sucrée dont les japonais ont le secret.
Traitant des problèmes de communication , de la fascination stérile pour des idoles de pacotille, L'appel du pied a remporté au Japon l'équivalent de notre prix Goncourt (alors que son auteure n'avait que 19 ans !) et vient de sortir en poche. A ne pas laisser passer !
Du même auteur, Install, dont j'avais parlé ici.
05:55 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16)
08/04/2008
Chick litt pour quinquas (et pous les autres aussi !)
Ce n'est pas la couverture clinquante (et qui n'a d'ailleurs aucun rapport avec le contenu) qui m'a attirée dans Pas de mari pas d'ennuis mais d'une part le titre accrocheur en diable par sa désinvolture joyeuse et d'autre part la promesse de lire de la littérature légère destinée aux quinquas (je ne fais pas encore partie de cette tranche d'age mais j'en approche à grands pas).
Ici cependant, pas de littérature jubilant sur le thème de"la vie commence à 50 ans" mais un roman davantage axé sur la volonté d'assumer son célibat .
Carol Clewlow a choisi la forme de l'abécédaire de "A comme attitude" à "Z comme zing, zing, zing". mais si les 100premières pages fourmillent d'indications drôles et pertinentes concernant les"vieilles filles" ,( qu'on a voulu entre autres déporter pour éviter de supposés problèmes, les femmes étant en surnombre !), le récit à proprement parler s'affranchit de cette contrainte et prend son essor.
Riley a su tirer les leçons de son passé (les avantages de l'âge !) et revient avec humour et tendresse sur ses histoires d'amours défuntes sans pour autant se donner le beau rôle.Le récit se teinte parfois de gravité mêmes i les personnages pittoresques qui gravitent autour de l'héroïne ne manquent pas : de la veuve éplorée qui réécrit l'histoire de son couple cahotique à la copine new-age qui s'épouse elle-même !
Quant à Riley, si elle travaille dans un journal (gratuit) elle n'est pas du tout glamour mais pleine d'énergie et sympathique en diable !
L'auteure réussit, même si la fin est prévisible, à rester fidèle aux convictions de son héroïne,ce qui est tout à son honneur ! De quoi passer un bon moment sans prise de tête.Et ce qu'on ait cinquante ans ou moins !
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07/04/2008
"Toute en fourrure et sans culotte comme disait ma mère"-
Si on ajoute des seins en obus à la description précédente, on comprend que Valentina fasse tourner les têtes des hommes y compris celle de Nikolaï, veuf depuis deux ans !
Oui mais voilà Nikolaï est nonagénaire et ses deux filles, fâchées pour une question d'héritage ,vont se rabibocher vite fait pour faire front et lutter contre l'envahisseuse ukrainienne qu'elles soupçonnent d'aimer davantage la nationalité anglaise ( qu'elle pourra acquérir par son mariage) et la société de consommation, que leur père.
Une brève histoire du tracteur en Ukraine est aussi le titre du livre qu'est en train de rédiger le veuf joyeux et les extraits qui nous en sont donnés éclairent d'un jour nouveau l'histoire de ce pays de l'est dont la famille est originaire mais aussi celle du monde. En effet, cette famille a connu les tourments de l'Histoire, que ce soit sous la botte nazie ou sous celle de Staline qui organisa sciemment une famine pour mettre au pas les paysans ukrainiens.
La plus jeune soeur, Nadezhda (espérance), est celle qui est née durant la Paix et a connu une existence plus protégée, confortable et se montre plus révoltée que Vera qui elle a connu la guerre. Ces différences s'éclaireront petit à petit quand la cadette se penchera sur le passé de ses parents.
Marina Lewycka propose aussi une réflexion toute en nuances sur les différences opposant les immigrés "anciens" et ceux qui arrivent de nos jours en Grande -Bretagne.
On sourit beaucoup, entre autres quand la narratrice, Nadezda, décrypte les tentatives de manipulation de son père lors des conversations téléphoniques, ou quand elle se délecte à choisir des cadeaux de Noël pour "l'ennemie" : "j'emballe un flacon de parfum bon marché particulièrement immonde que j'ai gratuitement dans une promotion du supermarché" , mais bon,son avis sur elle évoluera aussi, on est ému par la détresse de certains personnages et on dévore d'une traite ce roman plein de rebondissements !
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04/04/2008
Attention, chef d'oeuvre !
Si la courte nouvelle de Charlotte Perkins Gilman n'était qu'un texte fantastique, elle searit déjà à mettre à la hauteur du Horlà de Maupassant.
Mais comme le montre la lumineuse postface de Diane de Margerie, La séquestrée est bien plus qu'un exercice de virtuosité.
Cette femme qui visiblement souffre de dépression post-partum est isolée par son mari médecin dans une ancienne nurserie mise à mal, de bien étrange façon, par ses précédents occupants. Mais c'est le papier peint surtout qui fascine l'héroïne et la fait sombrer dans d'étranges réflexions. Quant au bébé, mentionné deux fois en passant et de manière bien désinvolte, il n'est qu'un prétexte à cet enfermement. ce qui se joue ici est davantage de l'ordre d'une lutte , d'autant plus sans merci qu'elle est souterraine, entre l'Homme , dominateur qui a la science de son côté et la Femme apparemment soumise à son destin naturel , la procréation.
Diane de Margerie met aussi en lumière la vie hors du commun de l'auteure : elle fait attendre 25 ans son fiancé avant de l'épouser et de lui donner une fille. Fille qu'elle confiera après son divorce à son mari et à la nouvelle épouse de celui-ci, qui n'est autre que sa meilleure amie !
50 pages de pur bonheur !
06:42 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (26)