22/08/2008
Huis-Clos
Drame en trois actes. D'abord la mort du père, cataclysme pour la narratrice car "Je n'existais que par tes yeux. Seule, je n'étais personne,je n'étais pas au monde."
Le père, un monstre de psychorigidité. Un monstre tout court qu'une fois mort la fille peut "retravaill[er] à [son] désir."
Ensuite la mère ,auprès de qui la narratrice vient chercher une parcelle d'attention mais "Dès avant ma naissance, sa vocation de mère s'est bloquée sur le seuil." Simple constat qui n'est pas remis en cause.
Pas de tentative d'explication non plus pour l'attitude de l'amoureux , qui , prenant le relais du père la "démolit sans témoin(...) Tout le samedi, tout le dimanche, je coopère à ma mise à mort, j'appartiens aux banderilles, au poignard, à l'estoc, je suis au centre de l'arène et il n'y a pas de spectateurs."
L'important est de préserver les apparences d'où le titre: Ma robe n'est pas froissée.
On sort du roman de Corinne Hoex le souffle court.Sans pathos, en une centaine de pages denses et âpres, l'auteure nous laisse estomaqué par cette entreprise de démolition systématique d'un être humain.Juste le temps de souffler un peu sur une de ces longues plages de Belgique. Un livre puissant et dérangeant.
Merci à Mous pour cette découverte.
06:21 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (22)
14/08/2008
La haine dans la peau
Revenue dans la ville de son enfance pour mener une enquête journalistique sur des disparitions d’enfants, Camille va devoir renouer avec un lourd passé qui s’inscrit encore sur sa peau…
Plus que l’intrigue elle-même, qui noue le thème des scarifications à un autre que l’on devine très rapidement, j’ai aimé dans ce roman l’atmosphère de violence feutrée que l’auteure arrive à créer. Les adolescentes de cette petite ville donnent le frisson tant leur comportement, apparemment parfaitement toléré par la communauté, est cynique. J’ai parfois pensé à un excellent roman de Joyce Carol Oates Nous étions les Mullvaney qui approfondit l’un des thèmes qui n’est ici qu’effleuré.
L’histoire d’amour est un peu convenue mais j’ai passé un bon moment délicieusement glauque !
Ps :La couv’, plus le résumé et vous avez déjà les trois quarts du roman. Il ne vous reste plus qu’à trouver le nom de l’assassin en lisant l’épilogue et l’affaire est dans le sac : vous avez économisé six euros cinquante !
Trêve de plaisanterie, Sur ma peau deGillian Flyn ne révolutionnera pas l’histoire de la littérature policière mais il méritait mieux qu’un traitement aussi désinvolte.
06:08 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15)
11/08/2008
"Et dix jours avant Noël,je l'ai perdue."
"Et donc, une petite fille de huit ans peut-elle être amoureuse ? C'est une vraie question. Qui peut le dire ? à cet âge-là, l'amour est un petit mot si simple. On l'a sur le bout de la langue. On n'a aucune idée de son pouvoir, de ses aspérités, ou du prix à payer. Il est facile de se moquer d'une petite fille qui déclare être amoureuse- et pourtant je le déclarais." Celle qui parle ainsi c'est Eve. Recueillie par ses grands-parents après la mort soudaine de sa mère, la petite fille rousse doit affronter la méfiance des enfants du village Gallois et tenter de retrouver le fil de ses origines. En parallèle, la disparition d'une fillette vient semer la suspicion et jeter le trouble parmi les villageois. Premier roman de Susan Fletcher , la fille de l'Irlandais, couronné par deux prix littéraires en Grande-Bretagne , alterne la voix d'Eve enfant et d' Eve adulte.Sur une trame assez classique, recherche des origines,affrontement de l'hostilité d'un groupe par un individu isolé mais non sans ressources (plus d'une personne en feront les frais !), la disparition d'un enfant vient jeter une ombre . J'avoue être un peu restée sur ma faim car le superbe style de Susan Fletcher que j'avais admiré dans Avis de tempête ne trouve pas ici sa pleine mesure. Un bon moment de lecture néanmoins.
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08/08/2008
Abandon...
La nouvelle amie, d'après sa couverture et sa mise en bouche, avait tout pour me séduire : l'irruption dans une bourgade frileuse et figée de Nouvelle-Zélande d'une jeune femme vient tout bouleverser et en particulier les ados. Un soupçon de perversité pour assaisonner le tout et ...rien. Emily Perkins met un temps infini à nous raconter l'ennui de cette ville écrasée par la chaleur. Ses personnages sont mous comme de vieux biscuits oubliés et je n'ai pas résisté plus longtemps que la 100ème page. Soporifique en diable. Clarabel l'a lu aussi (fichu canalblog qui ne donne pas de possibilité de créer des liens...)
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07/08/2008
Opération Père Nouvelle Version
Enfer et damnation! Les parents de Claire et Joe se séparent ! D'après l'expérience du meilleur ami de Joe, le divorce n'est pas forcément en vue sauf...si un(e) peti(e) ami(e) potentiel(le) pointe le nez. Et il faudrait aussi que leur père , grand fan de Starwars devant l'éternel, se montre un peu moins rêveur et qu'il s'attelle aux tâches ménagères pour reconquérir sa femme.
Pas de problème, les enfants vont prendre les choses en main et retaper leur père à coup de jogging , de ménage et de cours de cuisine "pour les nuls" . Il faut sauver papa ! ça urge car un certain Roger Saumon rôde dangereusement autour de leur charmante maman. Mais"les adultes ne sont effectivement pas faits pour réagir si vite."...
Comme toujours chez Pete Johnson, les relations familiales sont peintes avec beaucoup d'humour et de subtilité. Les enfants par exemple se rendent vite compte qu'ils pourraient facilement exploiter la culpabilité paternelle à leur profit mais se montrent vite raisonnables car ils ne veulent pas devenir comme le dit Claire "cupide et manipulatrice". Ils essaient aussi de maintenir un équilibre des forces entre les deux parents pour préserver un semblant d'harmonie, ce qui est très touchant. L'opération "anniversaire" par contre m'a paru un peu artificielle mais bon, je ne vais pas bouder mon plaisir. Pas de happy end à l'américaine-Johnson est britannique en diable- mais une fin ouverte qu'on espère optimiste.
Les livres de Johnson sont comme les bonbons Lutti: quand on en a lu un, on ressent le besoin impérieux de s'en procurer d'autres. je vous aurais prévenus !
219 PAGES. A PARTIR DE 10 ANS.
Un autre ici.
un autre là.
06:03 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10)
06/08/2008
"Nous devons faire face à ces choses-là avec force d'âme et un doigt de sherry."
Si comme moi vous n'avez pas aimé , malgré le battage médiatique qui avait accompagné sa sortie,Sourires de loup de Zadie Smith, sans doute aimerez vous 26A de Diana Evans.
Ce pourrait être l'histoire d'une famille anglo-nigériane en Angleterre dans les années 80 et de leurs difficultés à s'intégrer mais c'est mieux que ça. Ce pourrait être l'histoire de jumelles et de leurs relations dominante/dominée mais c'est beaucoup plus subtil que ça. C'est l'histoire d'une famille où la mère,exilée volontairement ,converse par l'esprit avec sa propre mère restée au pays. C'est l'histoire d'une communauté de soeurs, d'une communauté de femmes à la fois hypersensibles et courageuses.
Bessi et Georgia se réfugient dans le grenier de la maison familiale, ce fameux 26 A qui n'a pas d'existence légale mais une intensité extrême et où elles acceptent parfois leur soeur aînée, la ravissante Bel ou la cadette Kemy. Nous suivons leur passage de l'enfance au début de l'âge adulte et partageons leurs craintes et leurs émois amoureux. Sans oublier un passage au pays maternel, l'occasion de découvrir qu'au Nigeria il n'y a pas si longtemps "Les jumeaux étaient une malédiction"....
Diana Evans dont c'est ici le premier livre évite avec un art consommé tous les clichés inhérents à ces thèmes et nous peint avec tendresse les hauts et les bas de cette famille haute en couleurs.
Il faut accepter de se laisser perdre au début du texte par les prénoms et les liens de famille pas toujours faciles à établir et par le parti-pris des bribes de poésie qui émaillent le texte et suivre ainsi sur la pointe des pieds le chemin de ces jumelles qui au collège suscitaient "la curiosité générale éveillée par leur cosmopolitisme apparent, leur être-deux et leur bizarrerie." Se laisser saisir par l'émotion et terminer le coeur serré ... Un vrai et grand coup de coeur.
Ps: il vient de sortir chez "Pocket" avec la même couverture.
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05/08/2008
Belles-mères au bord de la crise de nerfs
"Elle avait cherché le mot dans le dictionnaire et avait découvert qu'il datait de 1400, date à laquelle les bonnes vieilles mères clamsaient à tout bout de champ sous l'effet de la consomption ou de l'épuisement et devaient être remplacées par d'autres femmes.Belle ou pas, on était dans une situation où les enfants vous avaient à l'oeil, où vous les aviez à l'oeil, où tout le monde voyait beaucoup trop de choses."
Et ils ne font pas cadeaux les enfants et ados américains dans Je ne suis pas Julia Roberts* ! Laura Ruby nous entraîne dans une folle ronde de familles recomposées, alternant les points de vue, celui de l'ancienne femme, celui de la nouvelle, tout ce petit monde étant détaillé dans un "arbre généalogique" du plus bel effet au début du roman, chaque personnage évoluant en fait dans un tout petit cercle où tout le monde est lié de manière plus ou moins confortable...
Avec le recul, je suis plus à même d'apprécier l'humour de ce livre mais je dois dire que de prime abord je suis restée interloquée par le comportement des ados présents dans ce roman, ados dont le job est, paraît-il d'embêter leurs parents. Certes mais on peut aussi leur rétorquer la même chose...
Un petit clin d'oeil en passant aux fans de Jane Austen, référence indispensable s'il en est : "Je suis toujours à la recherche de M.Darcy et je ne trouve qu'une bande de M. Collins, ajoute-telle Avec Orgueil et préjugés, Jane Austen a ruiné le mariage pour toute femme née après 1800. On aurait dû l'emprisonner pour avoir osé suggérer que les hommes pouvaient avoir une vie intérieure,quelque chose au centre de leur être. Il n'y a guère que du nougat. Ni caramel mou ni caramel dur. (Elle rit de son analogie)Et tu peux oublier les noix."
Quant au titre il fait référence au film Ma meilleure ennemie où comme le souligne une des héroïnes,au grand dam des internautes de son forum de belles-mères, la première femme, incarnée par la sublime Susan Sarandon, a la bonne idée de mourir avant de céder la place à Julia Roberts, la deuxième épouse et belle-mère inexpérimentée.
C'est gentiment subversif, mais à mon avis ça ne fait qu'effleurer les problèmes et la souffrance que peut parfois engendrer ce type de situation. Personne n'a jamais rêvé de devenir la belle-mère des enfants d'une autre, non ?
*Réflexion de l'Homme : "On le sait. T'as pas besoin de l'écrire." Grrr:)
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15/07/2008
"Les balances à crabes orange devant la maison. La rangée de goélands argentés."
Moïra,"Dure comme un galet", "dure, obstinée" tente de tisser un lien avec sa soeur cadette dans le coma suite à une chute inexpliquée.
"Amy,c'est moi qui te parle,je veux que tu le saches. Ce ne sont pas des mots pris dans des livres,, ou des magazines. C'est moi qui les dis, moi qui me suis toujours si rarement exprimée par des mots, les mêmes que tout le monde mais par des nombres, par des symboles, des marques sur la peau. [...] Mais ces mots , ils sont aussi dans ma tête. c'est la voix de mon esprit, qui ne se tait jamais, et ce sont mes pensées: vives, miroitantes comme des écailles de maquereau. Elles surgissent par éclairs dans mon cerveau pendant que je marche, ou que je lis. Que je plante des jacinthes,agenouillée dans l'herbe de la pelouse. Que je ferme els fenêtres de cette chambre quand je sens venir la pluie."
Moïra remonte le cours du temps, petit à petit les pièces du puzzle s'emboîtent et l'on comprend pourquoi la narratrice ,toute sa vie s'est "tenue à la frontière" de l'amour, de l'amitié, de la vie.
Une voix mesurée, calme et dense qui se fraie un chemin en nous. Un style imagé, dont on pourrait quasiment extraire des haïkus, charnel et placé sous le signe de l'eau. Une vraie et belle découverte. Un livre magique.
Avis de tempête Susan Fletcher 444 pages.
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03/07/2008
Trois générations de femmes
Comment,Joy , jeune fille impulsive qui rencontre l'amour le jour du couronnement d'Elisabeth II est-elle devenue cette femme raide qui semble accorder plus d'importance et d'affection à ses chevaux et à ses chiens qu'à son vieux mari ?
Sa fille Kate enchaîne les échecs amoureux et sa petite fille, Sabine, ado lucide et distante n'est guère enchantée à l'idée de passer des vacances chez ses grands-parents, en Irlande car elle les connaît à peine. C'est pourtant Sabine qui va remonter le cours du temps et élcairer d'un jour nouveau les relations inter-générationnelles.
Schéma classique donc ,mais dans Sous la pluie, Jojo Moyes possède , à défaut d'un style original, l'art de rendre ses personnage présents et attachants.Elle se régale à peindre les moeurs de la petite colonie anglaise à Hong-Kong dans les années 50 et semble aussi à l'aise dans une écurie que dans un salon chic.
Un bon gros roman confortable à lire par temps de canicule pour se rafraîchir.
Roman acheté parce que la couverture et le prénom de l'auteur me plaisaient ...
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01/07/2008
"Quand elle buvait, même le silence autour d'elle disait: "Sauvez-moi".
La mère des chagrins est un roman composé de dix textes qui parfois se "chevauchent", revenant sur des faits qui ont déjà été évoqués (la mort du père, par exemple), comme si le narrateur, qu'on devine très proche de l'auteur, Richard Mc Cann, ne pouvait revenir sur l'histoire de cette famille à l'aube des année cinquante qu'en reprenant son souffle.
Il tisse patiemment l'évocation de cette vie de famille nucléaire où les rôles semblent fixés de toute éternité : "Je savais déjà , je suppose, que j'étais le fils de ma mère, tout comme Davis était le fils de notre père." mais où , par petites touches, la réalité va déborder du cadre. Figure centrale, la mère, à qui le narrateur tient lieu de miroir mais qui s'aveugle elle même refusant d'admettre ce que le lecteur découvre très tôt...
Roman sur l'identité, La mère des chagrins est aussi chatoyant et insaisissable qu'une bulle de savon. Un beau moment de lecture et d'émotion.
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