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30/01/2017

L'abandon des prétentions

"A bien y regarder, le bureau de Jeanine est le paysage d'une confiance en soi dévastée mais, si je le sentais, longtemps je n'en sus rien."

En soixante-cinq courts chapitres, une fille brosse le portrait d'une mère, enseignante à la retraite, qui noue des liens avec des gens à la marge. Cette femme, parfois excentrique sans le vouloir, veut "Tout apprendre des autres, ne jamais parler de soi.", ce qui ne va pas sans certaines micro-aventures tragicomiques.
Mais ce qui domine par dessus tout est le manque de confiance en elle de Jeanine, qui bien que douée, ne croit pas en ses capacités. Plus jeune, elle refuse ainsi de se présenter à l'oral du Capes d’espagnol,son frère lui forcera la main et elle sera brillamment reçue.blandine rinkel
On sent beaucoup de tendresse mais aussi un peu d'agacement dans ces pages, mais qui a dit que les rapports mères/filles étaient simples ? un roman tout en nuances et un magnifique portrait de femme.blandine rinkel

27/01/2017

Une activité respectable

"Dans mon enfance, l'excès ne m'a pas été désigné comme un défaut-et sans doute était-ce une erreur- mais depuis j'arpente la littérature comme un champ dans lequel mes pas laissent l'herbe ployée un instant derrière moi, juste le temps de voir le chemin parcouru, et l'immensité encore inconnue."

Pour les parents de Julia Kerninon, écrivain était Un métier respectable. Normal : ayant grandi dans l'amour des livres, des mots, de l'écriture, l'autrice toute petite se voit offrir une machine à écrire électrique, se sent comme chez elle dans la fameuse librairie Shakespeare and Compagny où elle éprouve "la sensation la plus forte que j'avais jamais éprouvée en cinq ans et demi d'enfance."
Comment s'étonner alors de la voir négocier une année sabbatique où elle ne fera qu'écrire et lire après avoir économisé ses salaires de jobs d'été ?julia kerninon
Des moments et des images très forts émaillent ces 60 pages pleines de fièvre et d'énergie: celle de ces jeunes filles, "horde d'impalas exhibitionnistes qui venait se jeter à l'eau", les conseils intuitifs et justes de la mère sur l'écriture, le travail manuel " j'ai fait l'expérience de la sueur, et ce n'était pas simplement une expérience, c'était un grade." et je pourrai en citer beaucoup d'autres tant ces pages sont denses et riches.
Et zou, sur l'étagère des indispensables !

 Le billet de Cuné qui m'a donné envie.

De Julia Kerninon, clic.

 

26/01/2017

Mais qui va garder le chat ?

"La conversation devenait surréaliste entre les vraies et les fausses mères, les grands-mères légitimes et le père qui n'en était pas un."

Après une rupture difficile, une période de flottement, Cécile retrouve l'amour auprès de Cécile. Les deux jeunes femmes décident de fonder une famille, ce qui ne va  pas sans de nombreuses questions, tant pour les deux amoureuses que pour leurs proches et leurs familles respectives.eliane girard,gay friendly
Publié en 2005, ce roman d’Éliane Girard , avec beaucoup de délicatesse, de pédagogie, d'humour,sans tomber dans la mièvrerie, nous présente les perturbations qu'entraîne la décision de faire un enfant dans un couple presque comme les autres.
Les réactions des différents personnages sont décrites avec finesse , pertinence et on sort de là le sourire aux lèvres, en espérant que de telles situations,vécues de manière aussi pacifiées, deviendront parfaitement acceptées.

Mais qui va garder le chat, Éliane Girard, JC Lattès 2006.

24/01/2017

La plus folle de nous deux

"Sa joie semble calibrée selon le tableau Excel pour resurgir quand mon nom s'affichera sur l'écran."

Une journaliste de quarante-cinq ans, en vue d'écrire un livre, décide d'enquêter sur Noémie Leblond, femme politique en pleine ascension, qui pourrait entretenir quelques points communs avec NKM. Elle s'immisce dans l'entourage de cette femme en apparence parfaite,commence une relation avec un de ses jeunes conseillers, pour qui elle n'est qu'une "milf", comprendre « Mother I'd Like to Fuck » (mère que j'aimerais b..." .
Ayant grandi au milieu de malades mentaux (ses deux parents sont psychiatres), la narratrice entretient un rapport particulier avec la folie et envisage le monde politique par ce biais.hélène risser
Si j'ai beaucoup aimé l'évocation de monde de la psychiatrie, je suis restée plus réservée sur la description du microcosme politique, trop convenue à mon goût. On ne s’attache à aucun personnage (surtout pas à la narratrice qui s'aveugle avec un bel acharnement) et on reste un peu sur sa faim même si le roman se lit sans déplaisir.

La plus folle de nous deux, Hélène Risser, Plon 2017.

22/01/2017

Blonde à forte poitrine...en poche

"Changer de corps pour changer de vie. Depuis ses débuts, c'est en modifiant son aspect physique qu'elle a forgé son destin."

Fantasme par excellence, la Blonde à forte poitrine draine à la fois des idées de candeur et de luxure. Cette synthèse improbable, l'héroïne de Camille de Peretti la réussit pour son plus grand malheur. camille de peretti
S'inspirant du destin d'Anne Nicole Smith, bimbo qui épousera un sugar daddy millionnaire quasi nonagénaire, l'autrice dissèque ici le destin d'une femme emblématique qui, manipule un corps qui en fait jamais ne lui a appartenu,car elle lui a fait subir de nombreuses violences pour l'adapter aux désirs masculins. D’éprouvantes descriptions d’opérations de chirurgies esthétiques nous font bien prendre conscience que ces actes  n'ont rien d'anodin et entraînent des conséquences  à plus ou moins long terme.
La tragédie file à toute allure, décrivant les multiples facettes d'une femme qui avait tout à la fois besoin de protéger ses enfants et  de se faire protéger elle-même mais,victime de son physique, s'y est prise d'une manière fort dangereuse.
Un roman prenant qui dépasse largement le cadre de l'anecdote et peut s'appliquer à d'autres blondes à fortes poitrines. Un bon moment de lecture.

20/01/2017

Recherche femme parfaite...en poche

"La folie, me dit-elle, c'est de faire toujours la même chose, mais en espérant qu'un jour il y ait un résultat différent."

Julie est une femme parfaite , mère, épouse , qui mène sa carrière tambour battant. Elle est profondément admirée par sa voisine, la narratrice,  photographe beaucoup plus bohème:"C'était insensé tout ce qu'elle était capable de faire en une seule journée. Avec gentillesse et l'air de ne pas faire d'efforts . Sans se plaindre . Et le sourire aux lèvres, s'il vous plaît !".
Mais un jour la belle mécanique s'enraye : Julie craque et se retrouve internée à Ste Anne. Diagnostic: "épuisement maternel aigu". anne berest
La narratrice commence alors une quête de femmes parfaites, cooptées par d'autres femmes, qu'elle photographiera en vue d'une exposition à Arles. Mais ce qu'elle trouvera au bout de sa recherche n'aura rien à voir avec le but attendu.
Avec humour et empathie, Anne Berest brosse le portrait de femmes de tous âges qui ont fort à faire avec leur féminité et la perfection qu'elles s’obstinent à atteindre, ou pas...Un roman joyeusement féministe, mené tambour battant , plein d'optimisme, de références et de conseils iconoclastes. Une galerie de personnages hauts en couleurs, (notamment une conseillère: Marie-Amélie Roussel,"sorte de psychanalyste concrète" qui vous donne son avis sur les choses" que j'ai tout particulièrement adorée) ,qui donne la pêche ! Un coup de cœur !

19/01/2017

C'est dimanche et je n'y suis pour rien...en poche

Le mort est le compagnon idéal, jamais jaloux, hargneux, mal luné, le mort ne vous décevra jamais. Il vous laissera lui tailler son costume de héros."

Léonore, la quarantaine venue, entreprend un voyage au Portugal , pays de son amour de jeunesse, tragiquement disparu.carole fives
Elle n'a rien construit, a abandonné ses rêves de peinture et semble caparaçonnée dans la culpabilité d'un passé douloureux.
Ce voyage, suivi au jour le jour, lui permettra-t-il de prendre son envol et de faire la paix avec elle -même ?
Dans un style à la fois enjoué et sensible, Carole Fives entrelace passé et présent, faisant revivre avec acuité les sentiments exacerbés de la jeunesse. Nous suivons pas à pas son héroïne, comprenons ses réticences, ses peurs et découvrons aussi tout un pan trop mal connu de notre histoire: celle des Portugais venus s'installer en France.
Un roman qui fait battre le cœur mais ne sombre jamais dans le pathos. Une réussite qui confirme tout le bien que j'avais déjà écrit sur les différentes œuvres de Carole Fives !

18/01/2017

Nue sous la lune

"J'étais ton inséparable jouet, ton yo-yo, et tu me maniais à la perfection."

Une femme a tout abandonné, son talent de sculpteur en particulier, pour se mettre au service, dans tous les sens du terme, d'une sorte de géant de la sculpture. Ce dernier, à la tête d'une communauté artistique où il accueille ses disciples, règne sans partage sur son cœur et son corps.
De cette emprise, elle tente de se défaire au début du roman.violaine bérot
Récit à la première personne, Nue, sous la lune, est un texte à la fois fiévreux et maîtrisé où une femme analyse avec minutie son enfermement volontaire dans une relation toxique. Il est parfois difficile de  faire prendre la mesure de tels liens mais Violaine Bérot,  en 118 pages denses , y parvient avec brio.

Nue, sous la lune, Violaien Bérot, Buchet-Chastel 2017, 118 pages piquetées de marque-pages.

15/01/2017

Le cas Malaussène 1 Ils m'ont menti

"Quand il n' y a plus rien à espérer d'une société demeure la création !"

Enfin, la tribu Malaussène est de retour ! C'est avec un plaisir mêlé d'appréhension (allions-nous retrouver la verve, l'humour, la liberté narrative (et lexicale ) enjouée des premiers épisodes ?) que j'ai ouvert cet opus en commençant par le répertoire, histoire de me replonger dans le bain malaussénien. Ensuite, vogue la galère !
Alors, oui, ils sont tous-là et surtout mes favoris : Julius le chien, réduit un peu à la portion congrue mais fidèle au poste et Verdun, qui nous avait valu un morceau d'anthologie, tout nourrisson braillarde qu'elle était et qui, devenue adulte, n'en est pas moins puissante.daniel penna,saga malaussène
L'histoire ? Un affairiste haut en couleurs et fort en gueule (toute ressemblance avec un certain Bernard T. ...) a été enlevé. Benjamin Malaussène, qui cornaque tranquillement un écrivain adepte de la vérité vraie, va évidemment se retrouver mêlé à cette affaire , bien malgré lui.
Benjamin a vieilli, les enfants ont grandi, le monde a terriblement changé et malgré un humour toujours présent, on sent une légère mélancolie, un désenchantement, qui se dégagent de ces pages. ça cavale à toute allure, ça défouraille mais, de on sent bien que notre anti-héros par excellence aimerait bien rester tranquille dans son Vercors...
Un excellent remède à la mélancolie,  pour faire la nique à la grisaille ! j'attends déjà le prochain volume avec impatience !


 

14/01/2017

La cache....en poche

"Chacun a essayé de s'échapper à sa manière. Cet espace clos, plongé dans le silence, rétif à tout rituel, iconoclaste et anachronique généra des rangées de boîtes de biscuits, des milliers de planches contact, quelques livres d'histoire et des études sur la phonétique ou les rapports aux autres."

Il faut accepter de se perdre (un peu) dans la chronologie et parmi les membres de cette famille qui, sur deux générations,va transmettre aux siens ses névroses et ses peurs. En effet,  l'antépénultième chapitre consacré à l'"Entre-deux"  éclaircit ,dans le labyrinthe de cette maison, à la fois refuge et prison, le secret du grand-père du narrateur.christian boltanski
Celui-ci, mettant en scène un faux départ, vivra en effet caché chez lui, en plein Paris, pour se mettre à l'abri des rafles visant les Juifs .
De ce traumatisme lié à l'identité, la famille ne sortira pas indemne, refusant de se séparer, recréant dans la voiture cet espace clos et sécurisant, quand il est impératif de sortir.
Christophe Boltanski, le neveu du plasticien Christian Boltanski, écrivant ce roman-vrai , brosse,  à travers le portrait d'une maison qui structure son récit (et devient un personnage à part entière),celui d’une famille hors-normes , à la fois marquée par l'Histoire et par la créativité.
Une expérience qui rend un peu claustrophobe, récompensée, à juste titre, par le prix Femina 2015.