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10/03/2022

Térébenthine...en poche

"L'urgence de devenir sujet."

Il suffit d'un article dans un magazine d'art, proclamant le grand retour de la peinture pour que la narratrice retrouve le souvenir de ses études aux Beaux-Arts, quinze ans plus tôt, quand Luc, Lucie et elle-même formaient un drôle de trio.
Surnommés les Térébenthine, par dérision, car ils s’obstinaient à peindre dans une époque où prévalait l’art conceptuel et le discours qui le justifiait , ils étaient relégués dans les caves. Ces "illuminés du sous-sol" entraient alors en résistance et en amitié et c'est leur parcours que nous relate ce roman.carole fives
Roman d'apprentissage, d’émancipation aussi , à une époque où il n'y pas de modèles nus masculins et où les artistes femmes sont systématiquement ignorées  par les profs des Beaux-Arts, par routine peut être pour certains, plus que par mauvais volonté. Quant aux critiques, ils "ont beau dire que l'art n'a pas de sexe, tu sens qu'ils manquent d'objectivité et que le but est bien plutôt de faire passer pour neutre une histoire de l'art tout empreinte de virilité." Ces artistes existent pourtant et une magnifique accumulation d'artistes femmes (plus d'une centaine !) vient nous le rappeler.
Une pensée est en formation, tout autant qu'une artiste et une femme, et ces métamorphoses qui nous sont données à voir sont passionnantes car pleines de justesse et de sincérité. Un roman constellé de marque-pages qui file sur l'étagère des indispensables.

09/03/2022

#LafilledeDeauville #NetGalleyFrance !

"La fille avait absorbé leur haine pour la faire sienne, avait transformé leur brutalité en arme. Elle ne flancherait plus. "

Jean-Marc Rouillan ,Nathalie Ménigon, Joëlle Aubron sont les principaux membres d'Action Directe, groupe terroriste communiste, issu de la lutte anti-franquiste et du mouvement autonome  qui a sévi en France dans les années 80. vanessa schneider
Vanessa Schneider, mêlant documentation et fiction , retrace leurs parcours à travers les yeux d'un flic, qui le premier a senti que les braquages et les actions symboliques en pouvaient que devenir ultra violentes, car le groupe avait besoin d'attirer  une attention que politiques et médias leur refusait. Ce policier , à la vie bien étriquée, est aussi fasciné par le parcours de cette jeune femme surnommée La fille de Deauville que rien ne destinait à prendre les armes.
Après un début assez calamiteux (et des métaphores approximatives) , le texte trouve son rythme de croisière et , même si comme moi, on connaît les grandes lignes de l’histoire, on ne peut lâcher ce roman  qui brosse le portrait de personnages de peu d'envergure( Rouillan, Méniguon) ou plus obscurs (Aubron)   avec finesse, tout en restituant l'atmosphère d'une époque heureusement révolue. vanessa schneider

 

Grasset 2021

08/03/2022

Le Sanctuaire...en poche

" Le vacarme de l’eau recouvre mes pensées. Me perdre dans quelque chose de plus , un flux sans fin, capable de venir à bout des rocs et des montagnes, une eau qui sache conserver la trace des temps anciens, ère de fougères géantes et de reptiles volants, temps que les glaciers ont gardé intact, preuve que le monde restera monde malgré l'homme et ses cataclysmes , et qu'à l'image des dinosaures nous devrions nous en tenir à cette vérité première: nous ne sommes pas grand-chose sur Terre. "

Gemma, même si elle affirme avoir été élevée par "les plantes et les animaux" et n’avoir jamais eu de peluche "je n'en ai pas besoin" essaie-t-elle de se convaincre, commence progressivement, à l'orée de l'adolescence, à envisager qu'il peut y avoir un autre monde , d'autres sensations, d'autres manières de vivre, que celles imposées par son père. laurine roux
En effet, ce dernier a mis à l'abri sa femme, leur première fille, June ,et Gemma à l'abri dans un chalet de montagne, après une pandémie dont nous apprendrons progressivement l'origine supposée. Il a fait de ses filles de parfaites chasseresses et on comprend progressivement l'emprise qu'il a, et tient à conserver sur sa femme et ses filles.
Célébration de la nature et de l'indépendance des femmes, Le sanctuaire, par sa langue somptueuse et son atmosphère prenante, réussit le tour  de force  de combiner tout à la fois Nature Writing, anticipation et roman de formation, le tout en 141 pages addictives.

De la même autrice, j'avais aussi beaucoup aimé , mais pas chroniqué, Une immense sensation de calme, sorti aussi chez Folio.

22/02/2022

Les fragiles ...en poche

Jérémiade s'était réveillée comme une héroïne  de série télé, ravie de fairesociété . Avec des choses à faire, des cheveux bien coiffés, un plan de carrière extraordinaire. même son legging en Lycra respire l'envie d'en découdre. Finies les migraines et la mélancolie poisseuse, finis les pied sur le linoléum, terminée la télécommande imprimée sur le cul à force de s'asseoir dessus. Elle marche d'un pas alerte et sûr."

Depuis cinq ans  une épidémie inattendue de suicides  sévit. Ceux qui sont désignés sous l'appellation de Fragiles  parce qu'ils n'affichent pas le bonheur obligatoire  et l'équilibre mental de rigueur sont regardés d'un mauvais œil, ostracisés et remisés, pour leur bien (est-ce si sûr ?) dans des établissements spécialisés dont il est très difficile de sortir.maud robaglia
 C'est donc le parcours de Jérémiade la bien  nommée que nous propose de suivre dans ce premier roman Maud Robaglia. Parcours qui a tout du calvaire mais qui , par un revirement inattendu ,verra la rédemption de ces Fragiles dont Jérémiade sera la figure emblématique. mais un tel revirement peut-il vraiment se faire dans l'intérêt de ceux dont la société ne peut s'accommoder ?
Noir, d'un humour très noir, allant au bout de sa démonstration, Les Fragiles est un roman  politique qui tend un miroir à peine déformant à notre société de la performance.

21/02/2022

La fille parfaite

" A force de ne pas vouloir être des filles comme les autres, on devait avoir endommagé certaines commandes cérébrales. "

nathalie azoulai

Amies depuis l'enfance, Adèle et Rachel constituent la fille parfaite, unissant pour l'une la passion des mathématiques, pour l'autre celle des Lettres. Leurs familles respectives y sont aussi pour beaucoup, il faut bien l'avouer.
Même si chacun d'elles semble avoir atteint, adultes, les objectifs qu'elles se sont fixées, Adèle collectionnant les prix mathématiques et Rachel écrivant des romans, au début du roman, Adèle s'est suicidée.
La raison de ce geste d'une brutalité extrême (elle s'est pendue) ne jouera un rôle qu'à la toute fin du livre, le roman retraçant plutôt le parcours de cette amitié parfois en pointillés , qui ne faisait pas l'économie de la compétition.  L'occasion aussi d'enchaîner des joutes oratoires sur les mérites respectifs des maths ou de la littérature, qui m'ont parfois semblé plomber le roman.  Une lecture en demi-teintes donc mais le portait d' une amitié originale car non idéalisée.

 

POL 2022

17/02/2022

La vie ordinaire...en poche

Roman ? Essai ? Autobiographie ? Est-il vraiment nécessaire de poser une étiquette sur ce texte qui fait la part belle certes à la vie de l'autrice, philosophe de formation.
Son existence devient le point de départ d'une questionnement qui n'apporte pas toujours de réponses, tel n'est pas le but , mais permet d'envisager les choses sous un  angle différent.adèle van reeth
L'écriture est fluide, les propos concernant la grossesse souvent fort bien écrits et le tout reste plaisant à lire même si j'ai bien compris ce que n'était pas la vie ordinaire, mais pas vraiment ce qu'elle était.

12/02/2022

Les Enchanteurs

"Elle est une somme de personnes, un palimpseste de conscience non reliées les unes aux autres. "

geneviève brisac

Nouk, double fictionnel de Geneviève Brisac , jeune adulte, milite à gauche, milite pour les droits des femmes, obtient l'agréation et entre dans le monde de l'édition, le tout avec une déconcertante facilité.
La rebelle qu'elle affirme être va néanmoins devoir dès lors composer avec un monde d'hommes où l'on entretient sciemment la compétition entre les femmes. Femmes qui composent un, je cite" harem" où les éditeurs, présentés comme charismatiques, n'ont qu'à piocher au gré de leurs envies...
Favorite un temps, puis délaissée et passée au crible lors de séances dignes des procès staliniens, Nouk semble enchaîner les situations traumatiques, situations qui ,de plus ,la renvoient à son adolescence. 

Je me réjouissais de prendre des nouvelles de Nouk mais je suis un peu déçue par ce texte qui se focalise uniquement sur les relations au sein du milieu de l'édition, sans qu'on comprenne vraiment en quoi consiste le métier d'éditeur, tant tout semble survolé. 
La vie personnelle de Nouk , en dehors du travail, n'est que peu mentionnée, ce qui donne peu de chair à son personnage et c'est dommage.
Il n'en reste pas moins que la violence des relations de pouvoir est clairement décortiquée et qu'on sort un peu groggy devant tant de sexisme, d'âgisme pleinement assumés au nom de la sacro-sainte rentabilité.


 

Éditions de l'Olivier 2022.

 

11/02/2022

Tant qu'il y aura des vaches

"Dès cette époque, une bulle s'était formée entre elles et moi, qui comme par une clôture, nous séparait du reste des hommes."

 

Larguée brutalement, une jeune journaliste free lance se passionne soudain pour les vaches et dévore jusqu'aux ouvrages les plus techniques les concernant.
Pourquoi une telle passion? Est-ce juste pour détacher son esprit de son ex amoureux ou  cette fixation sur les bovidés remonte-t-elle à une source plus lointaine ? patricia martel
Nous suivons dans les plus intimes méandres de son esprit cette jeune femme dont la passion soudaine risque fort de lui faire perdre contact avec la réalité...Un roman  fort plaisant qui s'amuse au passage avec les expressions ayant trait aux vaches dans ses titres de chapitres.

Comment résister à cette magnifique couverture quand on est ,comme moi ,une fan des vaches ? Merci donc à Babelio et à l'autrice  (qui a accompagné cet envoi d'une très gentille lettre et de timbres choisis avec soin).patricia martel

04/02/2022

Histoire du fils...en poche

"Ce don qu'il avait toujours eu de se sentir partout à sa place, légitime et désiré, venait de là, de Chanterelle, du nom, de la mère, de la maison, des terres, de l'air cru."

Se jouant de la chronologie, Marie-Hélène Lafon retrace l'histoire de deux familles qui n'apprendront que bien plus tard comment leurs destins se sont imbriqués et incarnés en la personne de ce fils qui donne son titre au roman. Deux familles, mais aussi deux terroirs et deux noms, car tout est ici fortement lié. marie-hélène lafon
Cette structure éclatée déroute un peu le lecteur, au début,  mais la langue  drue de l'écrivaine nous soutient et nous emporte au fil du récit et nous nous attachons à ces personnages que nous apprenons peu à peu à identifier au sein du schéma familial.
Si le plaisir de lecture était bien présent, j'ai néanmoins eu l'impression d’être tenue à distance par ce roman,  dont à mon avis, la vraie héroïne est la figure forte de la mère biologique, femme atypique mais qui nous demeure néanmoins quelque peu opaque.

03/02/2022

#LeGangdubiberon #NetGalleyFrance !

"Cependant j'avais une règle d'or: je ne me laissais jamais atteindre par le pessimisme des autres (seulement par le mien, c'est ce qui faisait ma force) . "

Envie d'une virée en voiture sur les chapeaux de roues ? Alors embarquez avec Hank le dépressif impulsif, sa femme, (non surtout pas cette formule, Alma est une féministe radicale et parfois Hank se perd un peu dans ses injonctions contradictoires...), disons la mère de leurs enfants , Marnie, huit ans, Lilirose quatre ans et le petit dernier Lino, neuf mois.  Une semaine sans téléphone ni GPS sur les routes d'Espagne pour se retrouver en famille, pour se retrouver en couple (mission quasi impossible) sur les routes d'Espagne.
Toute l'épopée est relatée du point de vue du père et sa vision des enfants, à la fois pleine de tendresse mais aussi de lucidité est follement réjouissante Ainsi parlant du bébé : "Une splendide bedaine d'un demi-litre me garantissait son innocuité pour quatre bonnes heures". philippe ségur
Mais Hank ne se donne pas le beau rôle pour autant et sa description des différentes tentatives pour renouer charnellement avec Alma ,tout en ayant auparavant tenté de neutraliser ses enfants ,est hilarante.
J'ai d'ailleurs beaucoup ri  (et cela m'arrive rarement) à la lecture de ce roman qui fonce à toute allure et fustige au passage nos illusions et notre société pour le moins décadente : "Un groupe de supporters de foot, vêtus de vert et blanc, maniant drapeaux, fanions et banderoles, venait droit sur nous en braillant à pleins poumons. Une vision qui donnait toute sa signification à la thèse du suicide de l'humanité à l'ère de l'anthropocène. "
Car la noirceur de la vision est sous-jacente dans ce roman qui reprend les codes du voyage à l'étranger pour mieux critiquer ce que nous croyons être "normal". Un roman mémorable et jouissif.

 

Buchet-Chastel 2022.