04/02/2013
La faille souterraine
"Une fois que la cupidité tient les gens dans ses griffes, il n'y a plus vraiment de freins ni de limites."
Pourquoi Henning Mankell a-t-il écrit cinq antépisodes mettant en scène son policier , Wallander ? "Je le fais parce que ces récits constituent un point d'exclamation après le point final posé l'an dernier. ", explique-t-il dans la préface.
Ces cinq textes, dont deux inédits, mettent donc en scène le tout jeune Wallander faisant ses premiers pas dans la police, parfois de manière imprudente et/ou maladroite mais se fiant déjà à son intuition.
Si sa relation avec son père est ici éclairée d'un jour nouveau, je suis restée un peu sur ma faim concernant sa femme, Mona, et sa fille. Rien que du très classique et prévisible, des récits distillant un ennui léger mais persistant.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6)
02/02/2013
Garde tes larmes pour plus tard
"Virée de son boulot, plaquée par son amour, rejetée même par la mort."
Envoyée "dégommer" Françoise Giroud lors d'une interview pour un magazine, Alix de Saint André va être émue par cette vieille dame à la fois fragile et bouleversante. "Travaillez, travaillez" tel est le mantra que répète la fondatrice de l'Express à sa jeune consoeur avec qui elle va nouer des liens affectifs.
Ulcérée par les biographies, souvent à charge et truffées d'erreurs, Alix de saint André décide, avec l'appui de Caroline Elliacheff, la fille de Françoise Giroud, de mener une enquête "fondée sur la trace des mots et de l'encre" , mettant ainsi à jour un manuscrit autobiographique qu'on croyait disparu, texte rédigé après la tentative de suicide de l'ancienne secrétaire d'Etat.
Ni portrait à charge ni hagiographie, Garde tes larmes pour plus tard pointe et tente d'expliquer les mensonges de cette femme qui avait renié sa judaïté. Le récit de cette enquête s'avère parfois fastidieux et je me suis un peu perdue dans les nombreux membres de la famille de Françoise Giroud, leurs tribulations tant géographiques, qu'affectives.
Alix de Saint André en profite pour souligner les défauts des travaux de Laure Adler et Christine Ockrent, se montrant parfois virulente. Un petit côté redresesuse de torts qu'elle applique également à Madeleine Chapsal, la première femme de Jean-Jacques Servan-Schreiber.
Une lecture en demi-teinte mais qui vient compléter celle, plus ancienne, d'Une femme Libre.
15:30 Publié dans Biographie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : alix de saint andré, françoise giroud
01/02/2013
Veuf...en poche
"Tu as été ma plus belle qualité, j'espère ne pas avoir été ton plus gros défaut."
Jean-Louis Fournier et moi c'est une longue histoire d'amour, teintée d'humour et de mélancolie. Je l'avais trouvé un peu acrimonieux dans son dernier opus mais on ne se refait pas , j'ai craqué quand j'ai vu Veuf en librairie.
Et j'ai bien fait. Car le récit de la vie après le décès de sa femme Sylvie est une merveille de délicatesse. Fournier y navigue à vue," souvent au cap Horn, au fond de [son] petit bateau malmené par la mer"entre humour- politesse- du -désespoir du veuf qui doit affronter le quotidien lui rappellant sans cesse l'absente et "les mots doux et légers" pour" ranimer nos souvenirs heureux" de ces textes courts .
Courts mais fertiles en formules et les post-it ont émaillé quasiment chaque page de ce récit où Fournier ne se présente jamais à son avantage et se montre d'une sincérité désarmante.
Il égratigne au passage les "veuvages mode d'emploi" et toutes les manifestations stéréotypées entourant la mort, soulignant pourtant les marques d'affection qui l'ont touché. On le sent écorché vif et l'humour noir est son bouclier favori contre la douleur.
Pas de panégéryque obligé et figé de la défunte ,même si on voit bien qu'elle fut une belle personne à travers ce qu'il nous en dit.Fournier la célèbre d'une façon bien plus élégante et vivante ,soulignant aussi la complicité qui les unissait.
Un livre qui nous rappelle aussi qu'il faut chérir les moments partagés avec ceux que l'on aime, tant qu'il est encore temps.
"Tu étais le pôle positif, j'étais le pôle négatif. ça faisait de la lumière , et souvent des étincelles."
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jean-louis fournier
31/01/2013
Les amandes amères...en poche
"C'pas moi, j'pleure, c'est mon coeur."
Fadila est "une femme lasse et révoltée qui se voit comme une vieille femme", "une femme déracinée", elle a quité le Maroc , et qui surtout ne sait ni lire ni écrire, ce qui lui complique bien évidemment la vie et la rend dépendante des autres.
à cette humiliation, s'ajoute la solitude d'une chambre minuscule où elle ne peut qu'angoisser. Tout ceci, Edith,maîtrisant parfaitement les mots car elle est interprète et traductrice ) qui l'emploie pour quelques heures de ménage, le découvrira petit à petit . Sur une impulsion, la française propose à Fadila de lui apprendre à lire et à écrire.
Mais la tâche est rude car d'une part on ne s'improvise pas formatrice et d'autre part parce que Fadila ne progresse pas de manière continue. Ce qui est acquis ne l'est jamais définitivement, et le caractère alternativement rude et plein de douceur de l'élève ne facilite pas les choses. Au fur et à mesure de leur relation, Edith reconstruit, petit à petit,le parcours d'une femme perpétuellement blessée, tandis qu'en parallèlle se constitue le récit d'une amitié chaotique, tour à tour rugueuse et cocasse ,car Fadila est surprenante à plus d'un égard !
Un roman qui brosse le portrait d'une femme digne que la vie n'a pas épargnée et qui ne dispose pas du pouvoir des mots pour échapper à l'inquiétude qui la taraude. Un récit sobre et plein d'humanité.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : laurence cossé
30/01/2013
Barbe Bleue
"La couleur n'est pas le symbole du plaisir, c'est le plaisir ultime. C'est tellement vrai qu'en japonais, "couleur" peut être synonyme d'"amour"."
Placé sous le triple signe du jaune, de l'or et du champagne , Barbe bleue revisite le conte éponyme en se posant la question suivante: pourquoi des femmes ont-elles continué à épouser ce "serial killer" avant l'heure ?
Le dispositif inventé par don Elemirio, ce Barbe bleue contemporain, est basé sur la proposition d'une collocation particulièrement avantageuse car "La colocataire est la femme idéale."Attirée par le confort et la modicité du loyer la jeune et belge Saturnine saura-t-elle rester en vie ?
Plein d'humour et de vivacité, les dialogues opposant les deux principaux protagonistes les voient ferrailler avec une belle ardeur et Saturnine se montre particulièrement retorse face à cet homme qui ne ment jamais. Plein de verve et de fantaisie, émaillé de remarques pleines d'humour : "On devrait taxer l'autosatisfaction", Amélie Nothomb se montre ici au mieux de sa forme, même si j'ai ressenti une légère baisse de régime vers la fin.
Un roman biscornu et plein de charme qui file à toute allure.
L'avis de Mango , touut aussi charmée.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans rentrée 2013 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : amélie nothomb
28/01/2013
Scintillation
"On ne fait pas vraiment dans la bluette par ici, à l'Intraville."
On pourrait être dans un roman post-apocalyptique mais Scintillation se situe dans une presque'île où les habitants subissent dans leur chair les effets d'une usine chimique à l'abandon qui suinte encore la mort et la désolation. Des adolescents y disparaissent en outre, dans une quasi indifférence.
Dans cette atmosphère saturée par le malheur,Léonard, 14 ans, assoiffé de connaissances, passionné par les livres, détonne sérieusement. Représente-t-il une lueur d'espoir ?
Alternant les points de vue de différents personnages, le roman de John Burnside bénéficie en outre d'une structure particulièrement efficace qui envoûte le lecteur, lui donnant tout à la fois envie d'accélerer l'allure et de ralentir pour mieux savourer cette écriture poétique et prenante. L'Intraville devient à elle seule un personnage, une sorte de monstre tapi dans l'ombre mais, si Burnside emprunte quelques éléments au roman noir, c'est pour mieux faire monter la tension tout en brouillant les frontières entre les genres littéraires.
Un roman d'une noirceur fascinante. Un gros coup de coeur à découvrir absolument. Perso, il a fallu l'entrée en scène de Léonard pour que je sois ferrée , mais ensuite, plus question de le lâcher !
Scintillation, John Burnside, traduit de l'anglais (Ecosse) par Catherine Richard, Points Seuil 2012.
Lu dans le cadre du prix du meilleur roman des lecteurs de points.
L'avis d'Antigone, qui vous mènera vers plein d'autres , aussi enthousiastes !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : john burnside
26/01/2013
Le salon des refusées
Comment d'une situation douloureuse, Claire Diterzi a su produire le meilleur...Lisez l'article de Patrice Pluyette et découvrez l'album ici !
Je l'écoute en boucle !
06:00 Publié dans à vos oreilles! | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : claire diterzi
25/01/2013
L'été de l'ours ...en poche
"Qui savait pourquoi la vie des uns allait de travers et celle des autres non ? "
Une drôle de voiture brinqueballe sur la route. à l'intérieur une famille brisée, celle des Fleming, qui part se réfugier sur une île des Hébrides.
Depuis le décès de son mari, diplomate anglais de haut rang en poste à Bonn en pleine guerre froide (nous sommes au début des années 80), Letty doit tout à la fois faire face à cette mort aussi soudaine qu'inexpliquée et affronter les soupçons de trahison qui pèsent sur son époux. Quant aux enfants, quelque peu livrés à eux-mêmes sur cette île qu'ils affectionnent particulièrement, ils affronteront l'épreuve chacun à leur manière, cruelle, sensuelle ou onirique.
Et l'ours me direz-vous ? Hé bien, il joue un rôle tout à fait particulier que je vous laisse le soin et le plaisir de découvrir !
J'ai tout aimé dans ce livre ! La description des liens subtils entre les membres de cette famille déchirée qui ne parvient plus à communiquer, chacun recroquevillé sur sa douleur ; la douceur de Georgie, la fille aînée, la cruauté de la terrible Alba qui tyrannise son petit frère Jamie que sa mère veut à tout prix protégé car il est hypersensible et d'une maladresse maladive. "Comment survivrait Jamie dans le monde des adultes sans recourir à l'ironie ou au sarcasme, alors même que sa condition invitait l'utilisation constante de ces instruments contre lui ? ", s'inquiète aussi Georgie.
Pourtant Jamie, à sa manière maladroite, poétique et lunaire devra se confronter à la vérité et il n'est pas forcément le plus mal armé pour cela...
Oui, j'ai tout aimé : l'atmosphère de cette île sauvage et fascinante ,la présence si singulière de l'ours, le style fluide et imagé, les personnages qu'on a envie de réconforter tellement on les sent proches de nous, la structure du roman, donnant la parole alternativement aux personnages, la manière dont l'énigme est résolue...
Un bon gros roman réconfortant et chaleureux !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bella pollen, allemagne de l'est
24/01/2013
Je suis un écrivain japonais
"J'ai quelques noms de filles, un titre, des voix, une ville que je connais trop bien, et une que je ne connais pas. Je n'ai besoin de rien d'autre pour faire un roman."
Parce qu'il a promis un roman à son éditeur, le narrateur, écrivain haïtien, résidant au Québec, ayant le génie des titres (c'est lui qui le dit et on le croit volontiers*), et lisant un livre sur Basho, lance avec assurance que son ouvrage s'intitule: Je suis un écrivain japonais. Normal, quand il lit un roman japonais, il se sent de cette nationalité. Mais comment et sur quoi écrit un écrivain japonais ?
Sous forme de courts chapitres mêlant la réalité de ce narrateur bientôt dépassé par ce roman- même pas encore écrit mais suscitant déjà des polémiques au Japon- et textes correspondant peut être à ce qu'est supposé écrire un romancier nippon, Dany Laferrière évoque avec humour le problème de l'identité du romancier.
Parfois déroutant, toujours intéressant , Je suis un écrivain japonais évoque avec justesse le monde de l'écriture et analyse avec finesse l'univers de Basho. Une promenade qui donne envie de (re) lire quelques haïkus ...
Merci à Aifelle pour l'envoi !
* Du même auteur j'avais lu Comment faire l'amour à un nègre sans se fatiguer !
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : dany laferrière, basho
22/01/2013
Accabadora
"Du reste, si Bonaria s'était consacrée depuis sa jeunesse à la couture, c'était parce qu'elle savait prendre la mesure des gens."
Couturière, Bonaria ? Pas seulement. Car pourquoi aurait-elle besoin de se glisser furtivement la nuit dans certaines maisons ? Ce secret que va découvrir sa fille de l'âme bouleversera la vie de cette dernière car elle perde l'équilibre entre ses deux naissances "l'une mauvaise et l'autre bonne, et voilà que ses comptes lui paraissaient bourrés d'erreurs , de ratures, et qu'elle se retrouvait de trop, une fois de plus, tel le reste d'un plat."
Plus que l'histoire en elle même, qui perd en intensité dramatique dès que l'héroïne quitte son village sarde, c'est la manière dont cette population résout avec une certaine harmonie des problèmes toujours d'actualité (pauvreté/stérilité, et un autre sur lequel repose le mystère du roman mais qu'on peut aisément deviner en cherchant la traduction du titre ou en lisant la quatrième de couverture).
Le style est plutôt agréable et imagé mais , faute d'une structure narrative suffisamment forte, il ne me reste pas grand chose de cette lecture.
Lu dans le cadre du prix du meilleur roman des lecteurs de Points.
Plein de billets, parmi les derniers en date, celui d'Antigone .
06:00 Publié dans romans italiens | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : michela murgia