21/01/2013
Un écrivain, un vrai
"La littérature était enfin à la portée de tous et reflétait la réalité."
Coachée par une épouse ambitieuse, Gary Montaigu a décroché le Booker Prize. Dans la foulée, il accepte d'être la vedette d'une émission de téléréalité. L'occasion selon lui de démocratiser la littérature. Mais flirter avec la médiocrité ambiante est-il compatible avec les idéaux de l'écrivain ?
Dénonçant une société de faux semblants, où tout est cadré, scénarisé, où la folie de l'écrivain n'a plus droit de cité Un écrivain, un vrai adopte un style simple et efficace . Pia Petersen sonde les coeurs et les reins de ses personnages, dont aucun n'est vraiment sympathique, avec acuité et pertinence. L'intrigue avance tambour battant vers un final inéluctable. Une vision sans concession du monde de la littérature contemporaine. On frémit d'avance si un tel projet de téléréalité venait à voir le jour...
Un écrivain, un vrai, Pia Petersen, Actes Sud 2013, 215 pages piquetées de marque-page.
L'avis de In Cold Blog
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : pia petersen, téléréalité
20/01/2013
Le temps de la Passion
"Après tout, c'est vrai, les voies du Seigneur sont impénétrables -, mais des statues qui saignent ? Laissez-moi rire !"
Il y a quelques années de cela Mary-Margaret O'Reilly aurait été qualifiée de "simplette". Vivant avec une mère recluse, la jeune femme se rend utile avec beaucoup de ferveur auprès du père Diamond, dans l'église du sacré-Coeur du quartier de Battersea. Alors qu'elle effectue le nettoyage de la statue du Christ, en vue des fêtes de Pâques, Marry-Margaret croit voir la statue saigner.
Aussitôt c'est l'effervescence dans la petite communauté et chacun réagit à sa manière à cette annonce. Mais il ne faudrait pour autant pas occulter la dimension de souffrance que recèle le mot Passion, dimension qui se révèlera d'une manière bien surprenante.
Le temps de la Passion dépeint avec finesse et émotion une communauté typiquement britannique fort éclectique qui s'interroge, sous des formes bien différentes, sur la foi et la vérité. Si j'ai été sensible à ces portraits, je dois avouer être restée fort en retrait par rapport à ces interrogations. Un roman qui détonne et réussit le pari de ne jamais tomber dans l'anecdote ou le sensationnel.
Le temps de la Passion,Francesca Kaye, traduit de l'anglais par Carine Chichereau, Plon 2013, 205 pages.
Du même auteur, en poche: clic
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : francesca kay
17/01/2013
Comment trouver l'amour à cinquante ans quand on est parisienne
"Et maintenant, se demandait Dimitri Diop, et maintenant, si c'est vraiment l'amour qui se présente à nous, sommes-nous capables de le vivre ? "
Six personnages, d'âge et de conditions sociales différentes, saisis à des moments clés de leur existence, élaborent , sans le savoir toujours, une chorégraphie qui les fait se croiser dans Paris. La capitale devient d'ailleurs un personnage à elle toute seule et symbolise aussi la problématique essentielle de ce conte: l'exil et ses différentes formes.
Ce roman, au titre faussement" chickenlittien", se lit sans déplaisir mais son style, quelque peu compassé, fait que je ne m'y suis pas toujours sentie à l'aise, un peu comme si j'avais endossé un habit trop étroit.
Les personnages sont attachants, en particulier celui autour duquel s'articulent tous les autres: Catherine, quinquagénaire prof de français résidant à Paris mais enseignant de l'autre côté du périph, mais on reste toujours un peu sur sa faim, l'auteur leur tenant la bride un peu trop courte.
Comment trouver l'amour à cinquante ans quand on est parisienne, (et autres questions capitales), Pasvcal Morin, Editions du Rouergue 2013, 191 pages trop maîtrisées.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : pascal morin
15/01/2013
Monsieur Ho
"Sans commettre d'excès de zèle, Ho avait bien l'intention de visiter cette superposition de Chine, ce puzzle si mal découpé."
Fonctionnaire discret aux ordres de Pékin, monsieur Ho se voit un jour confié la tâche titanesque de recenser ses concitoyens.
à bord d'un antique train, Monsieur Ho et son fidèle chauffeur se lancent dans un périple qui peu à peu s'affranchira des rails, au sens propre et au sens figuré.Les rencontres seront étonnantes, poétiques, brocardant au passage les touristes "...en quête de folklore instantané, impatients de pénétrer le coeur des légendes , et qui avaient souvent tendance à oublier la dure réalité des grandes étendues, le danger du vide et la rage du vent. Ces explorateurs un peu mystiques protégés par le dieu du Gore-tex et par des fermetures Eclair à toute épreuve faisaient assez vite une indigestion d'un excès de rien."
Quête identitaire d'une nation protéiforme où le pluriel est de mise , ce récit de voyage se transforme peu à peu en une recherche plus personnelle, pleine de délicatesse , emplie de mélancolie et de tendresse. Un petit bijou constellé de marque-pages !
Monsieur Ho, Max Férandon, Carnets nord, Editions Montparnasse 2013 , 158 pages à savourer !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : max férando, chine
14/01/2013
Le chinois
"Une juge partie à la recherche de sa part nomade."
Délaissant Wallander , Mankell crée ici un nouveau personnage, celui d'une juge quinquagénaire surmenée, Birgitta Roslin, dont les grands enfants ont quitté le nid et qui a des difficultés de communication avec son mari. Rien que de très banal donc, mais Birgitta , reliée par un lien familial ténu à un hameau perdu dans la campagne suédoise, va enquêter en parallèle de la police sur une tuerie particulièrement cruelle qui a décimé la quasi totalité des habitants de cet endroit reculé. Un simple ruban rouge chinois la mènera jusqu'à Pékin...
Par l'intermédiaire de ce roman policier de facture plutôt classique, Mankell nous livre une réflexion sur la Chine contemporaine , ses tiraillements entre la fidélité aux anciens idéaux et la volonté expansionniste en Afrique, considérée par certains comme une nouvelle forme de colonialisme. Nous voyageons ainsi entre la Suède, la Chine et même le Mozambique, pays cher à l'auteur, n,tre passé et présent, et apprenons au passage comment de pauvres paysans chinois se sont retrouvés à travailler à la construction des voies de chemin de fer aux États- Unis au XIXème siècle.
Les personnages sont bien campés, on aurait très envie de devenir l'amie de Birgitta, et l'on suit avec intérêt ce roman qui fait parfois frisonner mais ne tombe jamais dans le piège du voyeurisme.
Le chinois, Henning Mankell, traduit du suédois par Rémi Cassaigne ,Points seuil 2013, 563 pages qui se lisent avec aisance !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : henning mankell, chinois aux etats-unis, en afrique
13/01/2013
Les oreilles de Buster...en poche
"Le mensonge ne se laisse pas noyer dans l'amour."
En apparence Eva, cinquante six ans , mène une vie paisible , vie qu'elle partage avec Sven et une vieille dame acariâtre dont elle s'occupe. Le cadeau d'un journal intime que lui fait sa petite-fille va néanmoins chambouler de fond en comble cette vision car elle l'avoue ex abrupto en le rédigeant le soir: Eva a tué sa mère.
Revenant sur son passé, la quinquagénaire revit les émotions d'alors et nous offre un portrait de femme pugnace et tenace mémorable, oscillant entre cruauté et sensibilité extrême.
Une narration qui, en outre, ménage des surprises quasiment jusqu'à la fin ! Vite, passez un excellent moment avec Eva !
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : maria ernestam
12/01/2013
L'ivresse du kangourou ...en poche!
"Comme la plupart des écrivains, j'oscille en permanence entre la cupidité et la lâcheté."
Partager un abri avec un rat mangeur d'homme (ou presque), suivre à la nage un chien qui se dirige avec ardeur vers le lointain, essayer de ramener à la raison et à la maison un kangourou Grand Roux alcoolique et violent, voici quelques unes des mésaventures où Kenneth Cook se met en scène avec son habituel sens de l'autodérision !
Il le dit lui même , il le sait, mais il s'obstine à prendre les mauvaises décisions ! Entre lézards à collerettes volants, bouseux qui lui enfoncent le canon de leur fusil dans le ventre , il arrive finalement mieux à s'en sortir qu'avec les lettrés : "Quand mais ô quand, vais-je apprendre à ne JAMAIS entreprendre quoi que ce soit avec des universitaires ? " Auraient-ils des idées plus tordues qu'un aborigène dont les orteils possèdent à eux seuls un véritable langage ? Ou qu'un cow-boy placide et farouchement anti-paris ? Certainement !
On entre de plain-pied et avec une grande familiarité dans l'univers de Cook , un univers que n'auraient pas renié les Marx Brothers tant l'auteur a le sens du comique visuel. Sa description du restaurant panoramique (sans panorama !) tournant est tout simplement à hurler de rire et je voyais vraiment le film se dérouler ! Un livre qui m'a fait rire aux éclats*quasiment à chaque texte et qui est un véritable chasse-grisaille !
* Et ça m'arrive rarement !
06:00 Publié dans index, le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : kenneth cook
11/01/2013
Désolations...en poche
"Parce que tout ça était bien plus qu'une simple histoire de cabane."
Irene est-elle rendue folle par la douleur qui lui martèle la tête à longueur de journée ou juste terriblement lucide sur la capacité de son mari Gary à rater tout ce qu'il entreprend, y compris leur mariage ? En tout cas, cette idée de construire une cabane sur Caribou Island ne lui dit rien qui vaille...
Histoire d'un fiasco annoncé, Désolations est un livre terrible sur le couple. Que ce soit celui de Gary et Irene qui, la cinquantaine venue n'ont plus d'illusions ni sur eux-même ni sur les autres ,ou celui que veut à tout prix former leur fille Rhoda avec ce crétin de dentiste quadragénaire qui a déjà prévu de se préserver tout en la sacrifiant.C'est aussi sur livre sur la fin des illusions que peut véhiculer l'Alaska.Il n'est que de voir avec quelle violence cette région va blackbouler un gentil étudiant qui rentra vite fait pleurnicher dans les jupes de sa mère ! Peut être aurait-il fallu qu'il en soit de même pour Gary et Irene.
La tragédie annoncée d'emblée ne peut qu'advenir et de manière encore plus implacable que prévu. Une écriture sobre et puissante
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : david vann
10/01/2013
Chouquette ...en poche
"Eh bien moi aussi je suis en crise !"
Catherine peste, Catherine enrage: la voici forcée d'accueillir l'été à St Tropez son petit-fils Lucas : "C'était typiquement le genre d'imprévu qui venait contrarier les mensonges qu'elle se racontait." En effet, si elle passe pour les uns pour une mythomane, voire une dingue, Catherine (alias Chouquette -pas question pour la fringante sexagénaire de se faire appeler "mamie") est tout à fait lucide. Elle qui a troqué les séances de psychanalyse contre des liftings, se voile consciencieusement la face afin de ne pas sombrer dans le désespoir du naufrage de son couple. Elle qui a davantage été une épouse qu'une mère risque de se retrouver seule pour aborder la dernière partie de sa vie.
Quant à sa fille Adèle elle n'est pas mieux lotie : tiraillée qu'elle est entre sa volonté de s'accomplir dans l'humanitaire et sa crainte d'être une mauvaise mère.
Coups de griffes de part et d'autre, virages abrupts du récits qui nous ménage ainsi de belles surprises, Chouquette navigue entre tendresse un peu convenue et acidité réjouissante. Ces deux femmes tentent de s'en sortir, chacune avec leurs armes dérisoires, sans se rendre compte que le monde confortable qui est le leur est en train de s'effondrer, sous les yeux incrédules ou blasés des jet-setteurs que Chouquette fréquente.
A côté de la flamboyante sexagénaire, (qui trouve tout naturel de menacer d'un couteau une des maîtresses de son mari) ,sa fille Adèle fait forcément un peu pâle figure . Quant à l'opposition entre le monde des humanitaires et celui de la jet-set, elle est un peu est un peu caricaturale mais quelques baisses de régime dans le rythme de ces 133 pages gonflées à bloc n'ont pourtant pas gâché mon plaisir.
07:54 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emilie frèche
09/01/2013
Citation
Dans une longue interview pour Le Matricule des Anges (janvier 2013), Jon Kalman Stefansson déclare :
"C'est peut être aussi pour ça que je recours à la technique du poème: les poèmes s'infiltrent parfois en nous et ils font à l'intérieur de nous des choses que nous ne comprenons pas parfaitement. Plutôt que de faire des phrases sur la neige, j'essaie de transformer mes phrases en neige pour que le lecteur marche et s'enfonce dans la neige. Nous devrions tous lire des poèmes, chaque jour, le matin, après la lecture des journaux : vous lisez un poème et vous l'emportez avec vous pour la journée. Ainsi, peu à peu, le monde deviendra meilleur."
à noter que le troisième volet de sa trilogie (que je n'ai pas encore commencée) paraît le 10 janvier.
trilogie: Entre ciel et terre, La tristesse des anges, tous deux chez folio, le coeur de l'homme.
Dans le Matricule, une interview aussi de Nathalie Quintane.
07:35 Publié dans Extraits | Lien permanent | Commentaires (6)