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14/10/2010

Fahrenheit

"Ce sont les livres qui nous possèdent."

Dans Fahrenheit 2010 (référence au livre de Bradbury Fahrenheit 451 - degré d'incandescence à partir duquel le papier brûle -), Isabelle Desesquelles raconte "l'anéantissement programmé" de la librairie où elle a "aimé habiter" . Rachetée en effet par une chaîne qui n'a pour objectif que de faire du chiffre mais pas de stock, la librairie dans laquelle elle avait tant aimé travailler et vivre devient une coquille vide , vite désertée par les clients fidèles.41Nox3-yVlL._SL500_AA300_.jpg
Comment lutter contre l'absurde et l'inhumain érigés en lois ? Comment lutter contre les livres programmés pour être des best-sellers et laisser leur chance aux livres "nécessiteux", ceux à qui le libraire va faire une petite place pour qu'ils puissent respirer et exister ?
C'est une vraie amoureuse des livres qui s'exprime ici, de l'intérieur d'un système qui a voulu l'entraver, la formater,  sa colère et ses frustrations, entremêlant son récit de citations de phrases ou de titres de livres aimés (une belle occasion de faire monter nos LAL !). Une voix qui dit la gangrène qui gagne de nouveaux pans de notre société.

Fahrenheit 2010, Isabelle Desesquelles, Stock 2010, 192 pages nécessaires.

Merci Cuné !

Un article fort éclairant ici.

08/10/2010

Bifteck

"-Reprenez-la, dit-il, elle est végétarienne."

Fils-père de sept enfants , poursuivi par un époux jaloux, le jeune boucher breton, André, doit s'enfuir et quitter le plancher des vaches pour voguer, en compagnie de sa progéniture, vers la lointaine Amérique.51qiRY43zbL._SL500_AA300_.jpg
Commencé de manière classique Bifteck s'affranchit ensuite graduellement des contraintes du réalisme pour dériver de plus en plus vers le conte ou la fable.
 Fable qui est  une véritable ode à l'amour paternel,"Elle n'avait pas encore les mots pour le dire, mais elle savait déjà, comme eux, que l'amour d'un père  a plusieurs visages , et que pas un ne l'empêcherait d'être heureuse." un amour absolu pour André qui nourrit, taille des vêtements, pétrit ses enfants, les absorbant pour ainisi dire dans un amour sans borne. Mais comme le rappelle Kahlil Gibran: "Nos enfants ne sont pas nos enfants" et le boucher qui leur tient à la fois de père et de mère devra apprendre à lâcher prise, à s'effacer...
Piochant dans les thèmes classiques du conte initiatique, Martin Provost les réinvente avec verve , nous régalant au passage d'une prose alerte et sensible. Seule la fin, trop réaliste pour le coup et trop explicative m'a laissé un arrière goût de déception. Une gourmandise néanmoins !

Merci à Brize qui en a fait un livre voyageur passé par

Clara

La sardine

Keisha

SD49

Les avis de Tamara

Amanda

Biftek, Martin Provost*, Buchet-Chastel 2010, 125 pages garanties sans morosité.

* réalisateur de Séraphine (que j'avais adoré) et qui tourne actuellement l'adaptation de Mauvaise pente, Roman de Keith Ridgway (lu avant mon blog et beaucoup aimé) avec la grande Yolande Moreau ! un régal en perspective!

 

 

 

07/10/2010

La double vie d'Anna Song

"Et moi j'ai bâti une chimère sur du sable..."

Récit d'une imposture, d'une falsifaction musicale( Anna Song , pianiste devenue culte après sa mort n'aurait jamais enregistré les disques ayant fait sa renommée), La double vie d'Anna Song est aussi le roman d'un amour fou voulant pacifier un passé douloureux.41QCZMKLd7L._SL500_AA300_.jpg
De coupures de presse en confession à multiples niveaux, le roman de Minh Tran Huy évite le côté sensationnaliste et privilégie les émotions . On avance au fil du texte, au fil des illusions et des révélations et l'on ne cesse de tourner le prisme de la "réalité" pour l'envisager sous un nouvel angle. Passionnant et prenant jusqu'à la dernière ligne.

La double vie d'Anna Song, Minh Tran Huy, Actes Sud, 2009.

Emprunté à la médiathèque.

 

 

Blog-o book

29/09/2010

La vie avant moi

"Avant moi, il n'y avait rien."Voilà, c'est péremptoire et définitif: le monde a commencé en même temps que Gaspard.41cPv8L6qSL._SL500_AA300_.jpg
Mais , pour ses sept ans, ses parents ont décidé de lui expliquer la vie, et donc de lui raconter leur rencontre. D'une manière passablement embrouillée, il faut bien l'admettre. Et comme les chiens ne font pas des chats , le petit garçon a une façon très personnelle et pleine d'humour d'interpréter les faits ...
Comment on fait les bébés ? Pas sûr que les lecteurs de ce roman illustré de manière fort gaie par Delphine Perret le sauront mais au moins ils auront appris qu' "Après moi, il y aura un petit bigleux qui bave et qui louche".

Un roman plein de verve qui ravira les enfants qui aiment déjà lire tout seuls.

La vie avant moi, Colas Gutman, Ecole des Loisirs, Collection  Mouche, 201038 pages à ,offrir en cadeau d'anniversaire, ou de non-anniversaire !

28/09/2010

Plan social

"Il faut jouer le jeu."Lorsque cette phrase est prononcée, la meilleure attitude c'est de s'enfuir en courant."

Ironiquement, Swift proposait comme solution radicale pour éradiquer la famine que les pauvres mangent leurs enfants. Ici, un bon patron à l'ancienne, en vient à projeter, pour sauver son entreprise, de se débarrasser du quart de ses salariés par le biais d'un système de climatisation 41cgPEEwb0L._SL500_AA300_.jpgdéfectueux...Paradoxalement, le délégué syndical CGT, moyennant quelques petits arrangements idéologiques ,en viendra à l'aider. Tous deux en effet se rejoignent dans leur volonté de contrer la bêtise crasse des consultants, qui à grands coups de discours creux, feignent -de manière fort onéreuse au demeurant- de gérer les crises d'un monde où le bon sens semble avoir disparu.
ça dézingue à tout va, tout le monde en prend pour son grade et l'intrigue cavale à toute allure, l'auteur balançant au passage sur tous ceux qui voudraient faire de ce monde un univers aseptisé où on nous réapprendrait à respirer pour 3000 000 euros , où prévaudrait le principe de précaution et où la seule échappatoire serait l'humour. Noir bien sûr et bien frappé .

Plan social, François Marchand, Le cherche midi, 120 pages à déguster d'une traite.

Cuné et Amanda ont apprécié elles aussi !

26/09/2010

Tout pour le mieux

Parfois on a besoin de sucré, de coloré,  au diable l'austérité  ! Alors on choisit un roman au titre prometteur:  Tout pour le mieux, avec une quatrième de couverture alléchante (car évoquant le plaisir sensuel de toucher les livres, joli hameçon pour les lectrices compulsives...41caTWQKSEL._SL500_AA300_.jpg)
Las , au bout de quelques pages on trébuche page 10 sur " elle gisait déjà balbutiante dans un plaisir insensé.", on vérifie bien qu'il ne s'agit pas d'une farce quelconque , d'un complot ourdi par un émule d'Harlequin , on poursuit sa lecture et patatras, on tombe page 11 sur "Et à chaque fois , le miracle se reproduisait, la laissant pantelante de bonheur et de reconnaissance". On ne s'en remet pas -de jalousie probablement- et on passe son chemin.

Je vous épargnerai les facilités sur le titre.

Tout pour le mieux. Catherine Siguret, Robert Laffont 2010, 248 pages garanties pleines de colorants mais sans conservateurs.

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23/09/2010

Grand paradis

"Mais j'étais bien prétentieuse ,de me sentir coupable de tous les malheurs."

Dominique, fleuriste dans une station balnéaire est à l'aube de la cinquantaine. Mais a-t-elle jamais quitté les rives de l'adolescence , voire de l'enfance ? (d'ailleurs tout au long de ma lecture je l'imaginais plus  jeune ) .Toute sa vie, elle s'est sentie différente et le regard des autres et les mots , parfois crus et violents de sa soeur aînée n'ont rien fait pour l'en dissuader."Sans doute, tous les enfants , à un moment de leur vie ,se croient-ils seuls de leur espèce. Pour moi le moment  s'était bien longuement étiré."61Soj7Z234L._SL500_AA300_.jpg
La découverte d'une photo de femme va l'entraîner dans une quête d'identité familiale ,quête qui croisera le destin de ces hystériques de la fin du XIXème siècle ,étudiées par Charcot et dûment photographiées par Albert Londe. 
Dominique ressent dans sa chair les tourments de cette femme à laquelle elle se sent liée, tout comme elle est reliée à la nature et aux plantes sauvages qu'elle ne peut s'empêcher de repérer, même en ville*, cette nature qui lui apporte la paix et à laquelle elle porte une attention extrême : "J'avais toujours été frappée par l'injustice que me semblait représenter la contrainte immobilité végétale."
Angélique Villeneuve, dans un style à la fois sobre, puissant et poétique, au plus près des sensations, nous entraîne, fascinés, dans l'univers de Dominique , un univers où "Les mots jaillisaient d'elles comme des lièvres de leur terrier, puis s'évanouissaient , retombaient en fine poussière dans la cuisine, comme s'ils n'avaient jamais existé."Mais ceux du Grand paradis sauront trouver le chemin de nos coeurs et de nos mémoires...

Grand Paradis, Angélique Villeneuve, Phébus 2010 167 pages sensibles , végétales- et très cornées, un bon indice !.

* Angélique Villeneuve est aussi l'auteure de ce livre, auquel elle fait une allusion page 58 en ces termes: "un drôle de petit ouvrage sur la cuisine des plantes sauvages."

C'est jeudi ,c'est momiji *

"L'automne rivalise avec le printemps dans le coeur des Japonais. Si les deux saisons se ressemblent par l'agrément du climat, elles divergent par la beauté, celle de l'automne, empreinte non de l'éclat du renouveau, mais de la mélancolie du déclin, faisant surgir des sentiments plus profonds. Si les fleurs de cerisier évoquent le printemps, l'automne a pour symbole l'érable du Japon, qui prend alors des couleurs rouges si intenses qu'elles peuvent se refléter sur le papier des portes coulissantes d'une proche maison."

 

Marc Peter Keane

L'art du jardin au Japon, cité en exergue de Un automne à Kyoto de Karine Reysset.41mvB0bDeiL._BO2,204,203,200_PIsitb-sticker-arrow-click,TopRight,35,-76_AA300_SH20_OU08_.jpg

*feuilles d'érable rouge.

Pour des photos, c'est ici

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22/09/2010

Il faut rester tranquille

"La vérité, c'est l'unique façon d'accepter les situations les plus difficiles."

Le père de Juliette est mort. Dix ans c'est très jeune pour devenir orpheline .Mais quel que soit son âge, Juliette se rend vite compte que son frère aîné et sa mère ne lui disent pas toute la vérité concernant ce décès. Croyant la protéger, ne vont-ils pas au contraire l'empêcher de vivre son deuil ?
Isabelle Rossignol aborde le problème du suicide d'un parent -apparemment dépressif- tout à la fois avec originalité et délicatesse.41V8WPeQ4dL._SL500_AA300_.jpg
Délicatesse car elle évoque avec sensibilité les différentes réactions de Juliette face à la mort. Originalité car elle envoie balader avec une réjouissante irrévérence les mines et les tenues "de circonstance" que certains se croient obligés d'observer . Ainsi Juliette ira-t-elle à l'enterrement de son père dans une tenue colorée et , sur les conseils de M. Jallin, le psy qui aide la famille, ne s'empêchera pas de rire, même si elle aura besoin de temps en temps de prendre l'écharpe de son papa, de la renifler et de pleurer...Chacun vit son deuil à sa façon.
L'auteure se situe vraiment à la hauteur de cette enfant qui se demande avec franchise comment elle va affronter le retour à l'école, parmi ses camarades qui, eux non plus ne sauront pas forcément comment se comporter.
Un roman alternant pleurs et rires, un roman plein de vie.

Il faut rester tranquille, Isabelle Rossignol. 92 pages. Ecole des loisirs 2010, collection Médium.

21/09/2010

Si peu d'endroits confortables

"-Oui, j'aime bien l'hiver. C'est une saison où on peut se blottir contre les gens sans qu'ils  te demandent pourquoi. Tu te blottis parce que tu as froid et les gens n'ont pas besoin de savoir que le courant d'air est à l'intérieur."

Si peu d'endroits confortables, et tellement de manques, de douleurs, de tristesses. Paris n'est pas la Ville-Lumière où Joss espérait peindre, s'exilant loin de chez lui. Paris n'est que la ville triste et grise où Hannah erre en écrivant à la fille qu'elle aime et qui est partie, dans un carnet bleu qui déborde parfois sur les tables mais aussi sur tous les endroits où Hannah va laisser ce leit-motiv donnant son titre au roman , leit-motiv qu'elle ne va bientôt plus maîtriser.51HCRAwe63L._SL500_AA300_.jpg
Quand Hannah et Joss se rencontrent , chacun va essayer de réenchanter le monde pour l'autre mais leurs deux solitudes sauront-elles annuler l'absence de celle dont nous ne connaîtrons jamais le prénom ?
Alternant les points de vue, sécrétant une poésie à la fois douce et mélancolique, Si peu d'endroits confortables est un de ces textes un peu magique, qu'il faut prendre le temps de savourer pour se glisser dans son atmosphère si particulière. Une écriture qui prend le temps de réinventer le monde .

Si peu d'endroits confortables, Fanny Salmeron, Stéphane Million Editeur, juin 2010,146 pages mélancoliques et tendres.