26/04/2010
Là haut, tout est calme
"J'étais le deuxième choix, dis-je. C'était ça le pire."
Depuis que son frère jumeau est décédé dans un accident il y a 35 ans,Helmer van Wonderen a dû le remplacer à la ferme familiale. Mais vingt ans plus tard, brusquement Helmer décide de monter son père grabataire au premier étage et de réaménager la maison. première étape d'un changement de vie significatif qui s'annonce pour celui qui n'a , il l'avouera tardivement, jamais su trouver sa place une fois son frère mort.
Avec une grande économie de moyens Gerbrand Bakker peint avec délicatesse et poésie cette renaissance d'un homme qui jusqu'à présent n'a jamais appris à décider seul.
Ce personnage laconique sait néanmoins tisser avec les animaux et les êtres qui l'entourent de vrais relations et nous surprend sans cesse tant par sa violence feutrée que par sa volonté souterraine mais inébranlable d'avancer enfin. Un livre magnifique , lumineux, et qui accompagne longtemps le lecteur.
Merci Belle ! tu vois il m'a fallu le temps de me décider mais j'ai savouré chaque page !
Là haut, tout est calme, Gerbrand Bakker, traduit du néerlandais par Bertrand Abraham, Gallimard 2009, 351 pages qui sonnent justes.
Dominique a aussi été séduite.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : gerbrand bakker, jumeaux, pays-bas, rapports pèrefils
21/04/2010
White palace
"Il voulait se peletonner dans la chaleur de son aisselle et hiberner là tout l'hiver."
Max, vingt-sept ans , rédacteur publicitaire en devenir, veuf toujours éploré et abstinent, se retrouve il ne sait trop comment dans le lit de Nora, la quarantaine débutante, serveuse au White palace, fast-food du pauvre.
Antithèse absolue de son épouse et de lui même, Nora se révèle quasiment impossible à définir par Max. Tout juste arrive-t-il à dire qu'elle est callipyge. Tout les oppose donc et surtout la honte de Max à l'idée de présenter cette femme pauvre, inculte et mal dégrossie à sa famille et ses amis. Et pourtant il lui est impossible d emettre un terme à cette love-story...
Histoire d'amour qui se joue des convenances White palace est un pur délice.Glenn Savan contourne avec adresse chaque écueil attendu (interprétatiuon psychanalytique sauvage, tentation de Pygmalion) et on en lâche plus ces deux héros qui se prennent le nez , en croisant les doigts pour que tout finisse bien.
L'auteur nous offre également un portrait décapant de la société de consommation américaine et du monde de la pub , particulièrement réjouissant. Une réussite à tous points de vue.
White Palace, Glenn Savan, traduit de l'américain par Isabelle Reinharez, Babel, 514 pages qui en paraissent moitié moins.
Merci Cuné , qui a su me forcer la main!
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : glenn savan, amour
19/04/2010
Tous à la campagne !
"Mettez autant de couches que possible . Puis rajoutez-en une."
Parce que son époux est tombé amoureux de l'idée de vivre à la campagne, plus précisément au fin fond du Northumberland, une journaliste cent pour cent londonienne, va quitter sa vie trépidante de mère- de- famille- qui- travaille- en -ville pour le grand plongeon dans l'inconnu rural.
Non content de l'y emmener, le charmant mari va le plus souvent la laisser se débrouiller seule -car bien évidemment son travail l'appelle souvent à la capitale- non sans avoir oublié au passage de faire le plein d'essence de la voiture familiale...
Déménagements à répétition, travaux qui vont la mener à cohabiter plus ou moins avec des artisans locaux, sans compter les difficultés d'intégration pour notre héroïne et l'un de ses enfants, les péripéties s'enchaînent pour le plus grand bonheur de la lectrice qui se reconnaîtra à coup sûr dans l'une des expériences de Judith o'Reilly qui , journaliste exilée, a tenu un blog avant de mettre en pages ses aventures.
On y apprendra au passage que pour faciliter la "rentrée des mamans", celles-ci se voient remettre un sachet de thé enrubanné, après avoir déposé leur chérubin à l'école ou qu'un "charmant jeune homme du National trust" peut venir inspecter votre projet d'extension pour vérifier que vous n'allez pas déranger quelques chauves-souris protégées...
Un livre qui ne révolutionnera pas la littérature mais qui est bien troussé, enlevé et tient toutes ses promesses: nous vider la tête et nous faire sourire !
Tous à la campagne, traduit de l'anglais par Isabelle Chapman, Belfond, collection mille comédies, 2010, 374 pages de pure détente.
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : judith o'reilly, grande-bretagne
15/04/2010
Qu'elle aille au diable, Meryl Streep !
Jeune marié, le narrateur ne jouit guère de la présence de sa femme car celle-ci préfère vivre chez sa mère et ne lui accorde ses faveurs qu'avec parcimonie . Le fait qu'elle semble avoir des connaissances en matière de sexualité bien peu en rapport avec sa prétendue virginité ne semble guère troubler le benêt qui l'a épousée.Pas plus d'ailleurs que la grossesse déjà annoncée à demi-mots.
Ce mariage arrangé semble commencer d'une bien étrange façon mais le narrateur croit pouvoir tout arranger et décider sa femme à venir habiter dans leur nid d'amour-qu'elle compare à une tombe- en achetant un superbe téléviseur. Las, il n'en profitera que tout seul car sa femme le quittera dès qu'elle aura appris la tentative de viol de son époux sur la jeune couturière venue s'occuper des rideaux de l'appartement conjugal. Abandon qui se fera en présence de toute la famille braillarde et vengeresse de l'infortunée jeune fille.
Et Meryl Streep dans tout ça ? Hé bien elle est la vedette de Kramer contre Kramer que le narrateur verra en Vo non sous titré.
J'en étais au tiers du livre et je n'avais pas souri une seule fois, j'ai donc planté là le benêt obsédé devant son téléviseur et j'ai abandonné sans remords ce qui était présenté comme une comédie sur le couple et la sexualité et tenait davantage de la farce lourdaude.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : rachid el-daïf, schtroumpf grognon le retour, liban
14/04/2010
Manazuru
"- le récit est censé être limpide et innocent, pourtant, on ne voit pas où il mène. Et dans l'ombre de certains passages, on découvre quelque chose !"
Une femme, dont le mari s'est évanoui brusquement dans la nature il y a plus de dix ans, se rend régulièrement dans la station balnéaire Manazuru. Qu'y cherche-t-elle ? Peut être juste à retrouver un lien possible avec son époux ou alors à prendre un peu de distance avec sa mère et sa fille qui vivent avec elle, juste pour bien prendre la mesure du temps qui passe et n 'épargne aucune génération , aucun sentiment.
Dans ce très joli roman, où la nature est très présente, il est aussi question d'une tribu de trois femmes, d'une mère qui observe, fascinée, la métamorphose de son enfant en adolescente, comme on pourrait observer la métamorphose d'une chenille en papillon. La vie quotidienne coule, et son rythme est parfois brisé par l'irruption du désir féminin qui se vit sans culpabilité.
Beaucoup d'ellipses, de glissements dans ce récit qui désoriente sciemment le lecteur, le fait douter de ce qu'il a lu précédemment, lui propose des visions qui seront bientôt mises en doute
Rien n'est stable en ce monde nous rappelle Hiromi Kawakami avec son style tout à la fois éthéré et charnel. L'écriture elle même ne peut capturer durablement ce qui nous échappe sans cesse. On sort de ce roman étourdi mais profondément charmé.
Manuzuru, KAWAKAMI Hiromi, traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu, Picquier, 2009, 320 pages qui plairont à ceux qui aiment être désorientés.
De la même auteure j'avais beaucoup aimé Les années douces (sorti en poche) (non chroniqué)mais je n'avais pas été sensible à La brocante Nakano (sorti en poche également).
L'avis de Kathel
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : kawakami hiromi, japon, temps qui passe
13/04/2010
Le second roman
Ah, ils n'ont pas l'air de s'ennuyer les primo-écrivains en Allemagne ! Papiers louangeurs, tournée des librairies agrémentées de moult bouteilles de vin...Voilà de quoi perdre la tête !
Mais il faut vite songer à ce fichu cap du fameux Second roman et là les choses vont se corser pour Martin Grue. Sans compter que sa vie familiale ,entre une tante à héritage lunatique et une soeur soudainement enceinte ,est pour le moins agitée...
Réjouissante farce sur les affres de la création et les expériences des écrivains prêts à tout, Second roman possède le juste tempo et le bon nombre de pages pour que le lecteur passe un bon moment et s'esclaffe régulièrement .
Second roman, Markus Orths, traduit de l'allemand par Nicole Casanova, Liana Levi 2010 , 158 pages.
Merci Cuné !
06:01 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : markus orths, allemagne, humour
08/04/2010
La passerelle
"Il fallait bien vivre, ne serait-ce que par politesse."
Fraîchement débarquée de sa campagne du Midwest, la toute jeune Tassie ( vingt ans) découvre avec avidité la ville, l'université et ce qu'elle croit être l'amour. Comme job d'appoint, elle devient baby-sitter pour un couple de ce que nous Français appellerions des bourgeois bohèmes qui vont adopter une enfant métisse, Mary- Emma.
La situation paraît idyllique mais rapidement la belle image va se craqueler. D'abord parce que Tassie va découvrir le racisme larvé dans cette petite ville de Troie qui se dit progressiste. Ensuite parce que le couple cache un secret qui va bientôt refaire surface.
En contrepoint de ces désillusions progressives, Tassie doit aussi composer avec une famille aimante et néanmoins atypique. De toutes façons quelle famille conviendrait à celle qui se tient au bord de l'âge adulte ? L'insouciance de Tassie qui admire sa patronne et enregistre avec passion tout ce qui lui paraît d'une sophistication extrême va bientôt céder la place à une dépression qui ne dira pas vraiment son nom.
De pétillant et plein d'esprit, le récit glisse dans un registre plus poignant, sans tomber dans le pathos, et le désenchantement de la jeune fille va bientôt prendre une portée plus grande encore et rejoindre une désillusion nationale. Le 11 septembre mais surtout l'Afghanistan ont laissé leurs séquelles empoisonnées...
C'est avec bonheur que j'ai retrouvé dix ans après sa dernière parution en français, le style imagé et vif de Lorrie Moore. Elle embarque son lecteur, l'étourdit un peu mais c'est pour mieux le cueillir d'un direct au plexus quand il ne s'y attend vraiment pas par une scène qui broiera le coeur de toute mère. Des retrouvailles réussies,le nombre de pages cornées peut en témoigner.
La passerelle, Lorrie Moore, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laetitia Devaux, Editions de l'Olivier 2010 , 361 pages à lire par les mères et les filles.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : lorrie moore, roman d'apprentissage
07/04/2010
Le troisième acte
"J'avoue que ça n'était pas la chose la plus facile que j'avais dû imaginer dans ma vie."
En voyage d'affaires à Hiroshima, un Nord-Irlandais de Belfast s'apprête à retourner chez lui. Un rendez-vous annulé à la dernière minute et le voilà disposant d'une poignée d'heures. Une parenthèse qu'il occupera en se perdant dans le labyrinthe des grands magasins, en visitant une nouvelle fois le musée de la bombe , voire même en assistant à la conférence d'un compatriote, écrivain en perte de vitesse.
Cette journée, structurée par les différents repas, culminera dans un Troisième acte qui éclairera d'un jour nouveau les indices disséminés tout le long du texte et les réorganisera de manière vertigineuse.
Culpabilité, violence, désir de se perdre, tels sont les thèmes abordés dans ce roman qui dès les premières pages nous fait entrer dans un univers la fois décalé et poétique. Humour et tension se succèdent , dosés avec maestria par un auteur qui surprend sans cesse son lecteur.
Grand merci à Cuné pour cette découverte magistrale !
Le troisième acte, Glenn Patterson, traduit de l'anglais (Irlande du Nord) par Céline Schwaller, 221 pages quasi hypnotiques.
06:04 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : glenn patterson, lost in japan
06/04/2010
Départs anticipés
"En ce qui me concerne, je préférerais bouffer des chenilles sur un trottoir brûlant."
Proposer une loi demandant aux personnes âgées de prendre leurs Départs anticipés ou plutôt d'effectuer leur transitionnement volontaire-comprendre leur suicide assisté- afin de ne plus creuser le déficit de la sécu et de ne pas léguer de dettes aux générations montantes, voilà qui s'appelle un coup de tonnerre dans le monde politique états-unien !
Tel est pourtant l'objectif de Cassandra Devine, conseillère en communication et blogeuse énervée à ses heures, bientôt relayée par un politique ambitieux et sans scrupules.
Tout le monde en prend pour son grade dans cette comédie à cent à l'heure qui fustige autant le monde politique que celui des affaires et place ses personnages dans des situations à la fois improbables et réjouissantes. Parfois le trait est vraiment outré mais on s'en fiche un peu (beaucoup) car le politiquement incorrect est tellement plus drôle ! On aimerait parfois que certaines scènes se déroulent "pour de vrai" , afin de casser le ronron lénifiant qui dissimule la violence et la corruption de notre monde. Un très bon moment de lecture.
Départs anticipés, Christopher Buckley, points seuil, 478 pages toniques.
Merci Cuné !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : christopher buckley, politique, communication
03/04/2010
Le temps suspendu
"C'est moi qui n'étais pas au bon endroit au bon moment."
A quarante- deux ans, Maria rentre de la maternité les mains vides. "Si j'avais fait une fausse couche, j'aurais attendu le curetage, si j'avais eu un bébé, je l'aurais tenu dans mes bras. Je n'avais pas d'autres catégories à ma disposition."Née avec trois mois d'avance, la petite Irene est restée au service de néonatologie .
En même temps que les longues visites à l'hôpital ,commencent alors des allers-retours entre passé et présent, comme pour lutter contre ce Temps suspendu , entre mort et naissance. En toile de fond, la ville de Naples, tentaculaire, repoussante et fascinante à la fois, ses habitants qui se débrouillent vaille que vaille entre un barrage de dealers et des cours du soir, histoire de relever la tête et/ou de trouver une place dans la société.
Valeria Parella nous embarque avec Maria dans ce voyage qui tangue entre rage et espoir. Pas de pittoresque à tout crin mais une Italie dont l'histoire se faufile dans la vie quotidienne, l'enlèvement d'Aldo Moro associé à une varicelle, les luttes et les déceptions du père, la volonté farouche de la narratrice de s'en sortir, de quitter la petite ville pour aller dans un établissement scolaire qui lui permettra de ne pas travailler dans la conserverie qui ronge les corps.
Cette géographie qui laisse son empreinte même dans la manière de s'exprimer, " Ce n'était pas dû au dialecte, mais au manque de temps."(...) c'était le temps qui avait manqué à mes élèves napolitains, ils s'étaient arrêtés au nécessaire et étaient allés travailler ou vendre de la cocaïne en renonçant aux nuances." Pas de misérabilisme mais une humanité chaleureuse et riche. Un très joli portrait de femme et une belle évocation de ville.
Le temps suspendu, Valeria Parrella, traduit de l'italien par Dominuqe Vittoz, Le seuil 2010, 154 pages à la fois denses et légères.
Merci à Suzanne de Chez les filles et aux Editions du Seuil.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : valeria parrella, italie, grand prématuré